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Le froid, un ami qui vous veut du bien

Par Marie Le Marois, le 10 janvier 2019

Journaliste

Recroquevillés dans nos blousons, les mains serrées au fond des poches, on fuit le froid. Il nous effraye. Pourtant, ses bienfaits sont innombrables, au point que la médecine s’en empare. Il suffit simplement de l’accueillir et, pourquoi pas, d’aller à sa rencontre. C’est ce que je fais depuis 15 ans en me baignant en mer chaque hiver dans une eau qui flirte avec les 12°. Une addiction dont je ne peux me passer.

 

Le froid positif ? Difficile à croire quand, depuis l’enfance, on nous répète en boucle : ‘’couvre-toi, tu vas prendre froid’’. Comme s’il représentait un risque à ne jamais prendre. Comme s’il nous exposait à un danger. N’utilisons-nous pas d’ailleurs cette expression : ‘’tu vas attraper la mort ?’’. Cette mise en garde d’apparence bienveillante a renforcé chez nous l’idée de notre incapacité à nous adapter aux changements de température. Et notre posture – tête rentrée, épaules soulevées, muscles contractés – amplifie la sensation de froid.

 

Une hygiène de vie pour certains

Le froid, un ami qui vous veut du bien 3Dans d’autres cultures, le froid est au contraire le bienvenu, le compagnon de tous les jours, l’indispensable d’une hygiène de vie. En Allemagne, Elsa, 95 ans, traverse son jardin enneigé tous les matins pour faire quelques brasses dans sa piscine morcelée de glace. Le Suédois Peer, 40 ans, se lave dans le lac avant de partir travailler.

En Finlande, Alexandra, 25 ans, s’adonne en famille le week-end à son sport favori : creuser un trou dans la glace de la Neva. L’eau est à 2° ! Nathalia, comme ses compatriotes Russes, pratique des séances au bania, ponctuées d’aller-retour entre les vapeurs chaudes et les douches glacées. Quand elle ne se roule tout simplement pas dans la neige. Quand à Steve l’Écossais, outre le port du kilt, il s’adonne à la douche… écossaise (alternance de jets d’eau chaude et froide).

 

Yoga du froid

Le froid, un ami qui vous veut du bien 1Plus près de nous, dans l’hexagone, des adeptes enchainent les postures, dans le froid et sous la neige, à moitié dévêtus. C’est le Toumo – yoga du feu intérieur – qui se pratique depuis des siècles dans les monastères tibétains. Son objet ? Supporter le froid en majorant sa chaleur interne et développer ses défenses naturelles.

Il est enseigné en France par Maurice Daubard, yogi des extrêmes notamment connu pour être resté en position du lotus pendant une heure et dix minutes, par -20°C, dans le cadre d’un exercice scientifique en Laponie. Il avait 77 ans !

Cette discipline lui a permis de guérir d´une série de pathologies (dont la tuberculose) attrapées pendant la guerre, alors qu´il était adolescent. Il a prouvé plus d’une fois la force du mental sur le corps. « En maîtrisant sa thermorégulation, on devient maître de sa vie », souligne-t-il.

Mais pour ce quasi nonagénaire, la finalité du toumo reste « l’exaltation qu’il procure ». Sont-ils tous fous ? Et si c’était nous qui avions perdu le réflexe archaïque d’accueillir le froid ?

 

 

Une utilité de bon sens

« Le froid a été utilisé pendant des siècles, Hippocrate parlait déjà de ses bienfaits, nos arrière-grands-mères faisaient des bains de sièges. Aujourd’hui, on le redécouvre. C’est du bon sens », s’exclame le Dr Blanchemaison, angiologue et phlébologue, adepte de la nage en hiver. Il suffit de voir le succès émergent de la cryothérapie, la nouvelle thérapie par le froid, qui intéresse de plus en plus la médecine.

Autrefois réservée aux sportifs de haut niveau pour accélérer leur récupération physique et le processus de réparation de leurs lésions, la cryothérapie est désormais accessible aux particuliers. A Marseille, le centre CryoKiné propose une immersion complète corps et tête entre deux et quatre minutes par moins 110°. Elle agit sur plusieurs plans : douleurs articulaires, rhumatismes inflammatoires, fibromyalgie, fatigue chronique, bien-être en général…

 

Le froid diminue les douleurs et booste l’immunité

Quelle est l’action du froid dans notre corps ? « Sur le coup, il provoque dans notre organisme un effet de sidération, le diamètre des vaisseaux diminue. Puis, dans les minutes qui suivent, il se produit un effet réactionnel : les vaisseaux se dilatent avec une augmentation de débit. Résultats : la microcirculation est stimulée, les cellules sont correctement nourries et drainées, ce qui permet aux organes d’être bien alimentés, explique le docteur Philippe Blanchemaison. En agissant sur la circulation, le froid prévient, par exemple, l’apparition de varices et freine la chute des cheveux. »

Il libère aussi des endorphines – d’où une diminution de la douleur, du stress, et un sentiment euphorique – et augmente les lymphocytes, cellules de l’immunité. « Il a été démontré qu’une exposition répétée au froid stimule nos défenses, améliore la qualité du sommeil et de l’humeur », confirme Christophe Hausswirth, chercheur à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep).

 

Il régénère corps et esprit

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Beata, 45 ans, se baigne tous les matins qu’il vente ou qu’il pleuve. Ici à Sugitton le 25 décembre.

Le froid est notre allié, si nous le décidons. Ce prérequis est essentiel pour préparer notre organisme à réagir positivement. Car évidemment, si on tombe par inadvertance dans de l’eau gelée, le choc thermique peut être violent.

Pour les nageurs hivernaux, c’est au contraire l’extase. De Sormiou à l’Estaque, ces ‘’fadas’’, comme les appellent certains passants, nagent avec délectation dans une mer glacée (en ce moment à 13°). Certains sont en combi, mais les purs et durs revêtent juste un maillot. Le glissement sur la peau nue n’est que meilleur.

Cette pratique permet au corps de générer sa propre énergie calorifique pour éliminer les éléments perturbateurs : mauvaises graisses et mauvaise humeur. C’est un sentiment de puissance énergétique extraordinaire. L’eau pénètre par tous les pores de la peau, provoque un lavage complet des sinus, améliore la digestion et booste notre ‘’power’’. Mais surtout : elle lave et purifie notre esprit. « L’immersion dans l’eau froide, c’est un peu comme les fonts baptismaux de l’âme », résume Patrick, un adepte marseillais.

 

Ça vous tente ?

Le froid, un ami qui vous veut du bien 4Imaginez la chaude mer des Caraïbes, rentrez dans l’eau en soufflant lentement et nager en suivant le rythme de l’ondulation des vagues. Le froid est saisissant mais, petit à petit, votre fabuleux chauffage interne agit, le corps s’habitue.

À la sortie de l’eau, il est important de laisser le corps trembler. Ce réflexe normal, incontrôlable, fait affluer le sang aux extrémités grâce aux contractions musculaires. Une étape indispensable, car sous l’action du froid, l’organisme se défend en centralisant la chaleur autour des organes nobles (cœur, cerveau).

Le meilleur moyen pour se réchauffer est de laisser pénétrer les rayons du soleil  et de boire une boisson chaude. Tous les adeptes le disent : la pratique de la nage en eau froide crée une dépendance. L’expérimenter rend accro à l’harmonie intérieure qui en résulte. M.M.

 

Bonus 

* Le bain dérivatif. Autre technique connue depuis des milliers d’années en Chine, pratiquée depuis toujours en Nouvelle-Guinée et dans certaines religions sous forme d’ablutions : le rafraichissement… de l’entrejambe. « Cette méthode douce et sans danger permet de diminuer la température interne du corps et ainsi de supprimer l’état inflammatoire qui est devenu le fléau de l’humanité, puisqu’il est le déclencheur reconnu par la recherche de toutes les maladies dégénératives », souligne la navigatrice et scientifique France Guillain. Alors bien-sûr l’idée n’est pas de se déplacer nu ou d’adopter le kilt écossais, mais de refroidir tous les jours le périnée et les deux plis de l’aine avec un gant de toilette refroidi, ou plus rapide, par une serviette congelée à glisser au fond du slip. Le choc thermique entraîne des contractions du système fascias-intestins (les fascias sont les tissus qui enveloppent les muscles et les organes), qui peut ainsi vibrer, faire travailler les graisses chargées de déchets et les expulser par les voies naturelles.