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Recycler le plastique dans du mobilier urbain

Par Agathe Perrier, le 15 janvier 2019

Journaliste

Des jardinières en plastique recyclé à Dijon.

13 millions de tonnes de plastique échoué dans les océans chaque année, 500 000 milliards de sacs consommés dans le monde, 17 millions de barils de pétrole consacrés à sa production… On connaît tous plus ou moins ces chiffres et l’importance de tendre vers le zéro déchet. Mais que faire de tout ce qui existe déjà ? Une entreprise de Gardanne, MP Industrie, s’est posé cette question il y a 20 ans et a mis au point une technologie capable de recycler différents déchets plastiques dans des bancs, poubelles ou jardinières urbains.

 

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Des lames de recyclène.

Quel est le point commun entre un bouchon, une bouteille de lait, un fût de Coca-Cola, un bac de collecte de poubelle ou encore un filet anti-grêle ? Ils sont composés de plastique, oui, et plus spécifiquement de polyéthylène et polypropylène. C’est pourquoi on les retrouve tous dans l’entrepôt de MP Industrie, dans la campagne gardannaise.

Ces déchets y sont stockés puis broyés séparément avant d’être mélangés. Les copeaux obtenus sont alors chauffés dans une machine pour les faire fondre. On en tire ensuite de larges bandes de plastique. Issues à 100% de matières recyclées. « C’est ce que l’on appelle du « recyclène ». Il présente de très grands avantages par rapport à d’autres matériaux comme le bois ou l’acier », met en avant Christophe Testa, directeur de l’entreprise. Cette dernière, créée en 1998, est spécialisée depuis ses débuts dans la fabrication d’articles à base de recyclène. Parmi eux, du mobilier urbain sous la marque « Mix Urbain ».

 

Recycler le plastique dans du mobilier urbain

 

Robuste, durable et réutilisable à l’infini

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Christophe Testa, directeur de MP Industries, assis sur un banc en recyclène signé Mix Urbain.

Si ce matériau se prête particulièrement à la conception de mobilier urbain, c’est parce qu’il est lourd, massif et robuste. Mais pas seulement. « Il ne se désagrège pas avec les intempéries, qu’il pleuve, grêle ou fasse un soleil de plomb. Aucune peinture ni colle n’adhèrent dessus, ce qui se révèle plutôt pratique pour des équipements de ville », énumère Christophe Testa. Mix Urbain propose ainsi bancs, corbeilles, jardinières avec ou sans assises, porte-vélos et panneaux de signalisation… dont la durée de vie est quasiment infinie.

L’entreprise en assure également la reprise gratuite quand une collectivité souhaite se séparer. « Voilà de bien gros déchets », pensez-vous ? Pas du tout ! C’est au contraire de la matière première pour MP Industrie. « On les fait fondre entièrement et on en refait ce que l’on veut. La seule limite est la couleur. À force d’être recyclé, le plastique tend vers le noir. S’il est trop foncé, on ne pourra plus l’éclaircir », précise le directeur.

 

Des collectivités à séduire

Recycler le plastique dans du mobilier urbain 4Avec sa marque « Mix Urbain », MP Industrie a déjà installé différents équipements dans une centaine de villes partout en France. Conçus 100% en recyclène, ou mélangés à d’autres matériaux. « On s’adapte aux besoins des différentes collectivités. Par exemple, la municipalité de Mandelieu-la-Napoule (dans les Alpes-Maritimes, ndlr) nous a commandé un banc positionné à un mètre de la mer. On l’a donc fabriqué avec  des pieds en inox marin sur lequel on a posé nos profilés en recyclène. Certaines villes ne souhaitent remplacer que les lattes en bois de leurs bancs, et garder la structure de base. On leur propose alors d’y installer nos lames en plastique recyclé », explique Christophe Testa.

Des communes se révèlent toutefois difficiles à convaincre. « Les premiers bancs en matières recyclées, arrivés de Belgique dans les années 2000, n’étaient pas très jolis. Leur intérêt n’était pas l’esthétique, mais la dimension recyclage ! Malheureusement, c’est resté dans de nombreux esprits ! Chez nous, on appelle ça le « syndrome du banc recyclé », plaisante malgré tout le directeur. Le tarif ne jouerait-il pas également un rôle dans le choix des mairies ou de leurs services ? Pas d’après le chef d’entreprise qui confie s’aligner sur les prix du marché.

 

Une production à même d’être doublée

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Parmi les déchets plastiques récupérés par l’entreprise, les bacs de collecte usagés du Pays d’Aix.

MP Industrie valorise chaque année 180 tonnes de déchets. La majorité (60%) est transformée en mobilier via Mix Urbain. Le reste est réparti entre les autres activités de la société, à savoir la création d’équipements de sécurité et de protection de déchetterie, des séparateurs de pistes cyclables et des cales d’échafaudage. Là encore, entièrement à base de recyclène. « Ce n’est pas beaucoup en termes de quantités », reconnaît Christophe Testa, qui souhaite augmenter sa production dès 2019. « On est capable de produire le double », ajoute-t-il. Manque seulement davantage de commandes. Car question rebuts, il y a de quoi faire. Ceux que l’entreprise récupère proviennent tous de France, principalement de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ses fournisseurs sont autant de gros industriels comme Véolia (pour les flacons et fûts en plastique notamment) que des associations (bouchons), des collectivités (bacs de collecte) ou des organismes de collecte (plastiques agricoles). La condition primordiale pour que l’établissement les accepte est qu’ils soient préalablement traités et triés.

 

De nouvelles matières premières à trouver…

Recycler le plastique dans du mobilier urbain 6MP Industrie réalise environ un million d’euros de chiffre d’affaires annuel. 15% de cette somme sont consacrés chaque année à la recherche et au développement. Pour faire évoluer sa technologie de production, évidemment, mais pas seulement. « On réfléchit constamment à l’utilisation de nouvelles ressources. Le risque étant que celles que nous employons aujourd’hui disparaissent, plus ou moins rapidement ». C’est pourquoi, dès les débuts de son activité, l’entreprise a choisi d’exploiter plusieurs flux de déchets plastiques plutôt que d’être tributaire d’un seul. Quant à la prise de conscience de la nécessité du zéro déchet, chez les citoyens comme les politiques, Christophe Testa n’y voit pas encore le danger de vois ses sources d’approvisionnement taries : « Il y aura encore malheureusement beaucoup de déchets plastiques dans les années à venir, même si certains sont voués à disparaître ». D’où la nécessité d’anticiper, et de toujours s’adapter.

 

…et de nouveaux débouchés

En 2019, MP Industrie entend se concentrer sur la diversification des exploitations du recyclène. Que ce soit en interne, pour le mobilier urbain estampillé de sa propre marque, ou de la production sous-traitée. « On est ouvert à toutes les suggestions. Notre vocation première reste de fabriquer la matière recyclée plus que des produits », souligne le directeur. Il ouvre ainsi la porte à l’éventualité de travailler avec des sociétés ou startups qui ont des idées, mais pas la capacité de produire. De belles perspectives pour cette entreprise et pour la lutte contre une pollution qu’il est urgent de stopper. A.P.

 

 

Bonus

  • Pour la petite histoire, MP Industries est une filiale de E.P.I- groupe Testa, créé à Marseille en 1939. Plasturgiste dans les années 1950, ce dernier a décidé de se consacrer à la conception et la fabrication d’écoproduits plastiques à l’orée de l’an 2000. C’est ainsi que MP Industries est né, en 1998.

 

  • L’entreprise conçoit la plupart des modèles de ses catalogues de mobilier urbain avec des agences de designers, et notamment le Pôle Eco Design. L’idée est d’obtenir des gammes esthétiques et modernes, adaptées aux besoins contemporains.

 

  • MP Industrie a notamment obtenu des financements de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et de l’Ademe (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) dans le cadre du programme Filidéchets, pour la valorisation des déchets d’activités économiques comme les filets anti-grêle.