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La citoyenneté comme fil rouge

 
L'inauguration de la plaque en hommage à Ibrahim Ali avec Soli Mbae, Soprano et Fazia Hamiche. Septembre 2018.

Par Olivier Martocq, journaliste

Militants, associatifs, élus, syndicalistes, bénévoles… Qu’est-ce qui pousse des femmes et des hommes à s’engager ? À donner du temps et de l’énergie dont ils ne retirent rien ou si peu sur le plan matériel ? Coup de projecteur sur CAP, l’association tous terrains de Fazia Hamiche.

 

Sur le papier, Fazia Hamiche coche beaucoup de cases. Issue de l’immigration algérienne, elle est à la tête d’une association qui travaille sur différents volets de la citoyenneté, dans le respect des différences culturelles et religieuses. Chef d’entreprise, elle est indépendante financièrement, possède et travaille au Scoop, un petit restaurant situé avenue Salengro, dans le 15ème arrondissement, à 50 mètres de la Provence. On y déjeune pour 15 euros. Les plats sont faits maison, le cuisinier les apporte aux clients et attend le verdict avant de retourner à son piano. Mais Fazia Hamiche est aussi élue. Depuis 2014, elle est La citoyenneté comme fil rouge 2conseillère municipale des 15e et 16e arrondissements sur la liste de Jean-Claude Gaudin, « Marseille en avant ». Surgit alors le soupçon. Et dans ce domaine elle a tout entendu ou lu sur les réseaux sociaux concernant cet engagement politique. De « magrébine faire-valoir de la droite » à « elle s’est placée pour décrocher les subventions ». Sa vérité est autre. Elle revendique haut et fort son appartenance à la société civile : « Je ne parviens pas à m’identifier à un appareil politique et surtout je ne crois plus que ce soit aujourd’hui un outil démocratique pertinent ». Tout en admettant que le relationnel permet de faire avancer les projets développés par son association. Même si elle affirme n’avoir jamais demandé, et donc obtenu, la moindre subvention en provenance d’une institution locale. Elle décroche des partenariats avec des groupes privés qui ont pignon sur rue et dont les thématiques trouvent un écho dans ses projets. Du côté de la sphère publique, elle est en relation avec des ministères, là encore en lien avec ce qu’elle promeut. L’Éducation Nationale ou les Armées par exemple. « Notre liberté ne s’aliène pas. Notre socle c’est le bénévolat, la bienveillance, le temps donné par tous ceux qui s’engagent à nos côtés. Nous savons que c’est gagné quand la population nous rejoint sur un projet ».

 

Cap sur les enfants

Heureusement que les acronymes existent. CAP, les trois lettres de l’association que préside Fazia Hamiche depuis deux ans, signifient « Citoyens en Action de Proximité – L’avenir est dans nos choix ». « Notre première mission est de sensibiliser les jeunes à la notion d’engagement et de valeurs. Un concept intellectuel intéressant, qui se rapproche de l’instruction civique, mais qu’il a fallu rendre audible et crédible avec des actions très concrètes. » Cela commence avec le « Passeport citoyen », qui accompagne l’élève durant le primaire. Il s’agit d’un questionnaire en ligne avec des items sur les valeurs de la République. Il ne s’agit pas de se substituer au rôle des enseignants mais de leur donner un outil supplémentaire pour aider à l’apprentissage de l’instruction civique. Avec des récompenses à la clé. Pour leurs aînés, le Collège des aviateurs permet à des élèves de 4e et de 3e de se rendre sur la base aérienne d’Istres pour passer toute une journée en immersion avec des officiers. « Le pilote fait rêver bien sûr mais les jeunes découvrent tout un univers et des métiers très différents, tous dédiés à la Nation, relève Fazia Hamiche. L’armée joue le jeu, ouvre ses simulateurs de vol et fait passer des baptêmes de l’air ». La semaine de l’engagement, destinée aux lycéens, est la réplique en version longue du collège des aviateurs : « L’immersion dure une semaine dans le cadre de la base aérienne de Salon-de-Provence cette fois. Cela permet à des jeunes des quartiers de s’ouvrir à d’autres horizons. »

 

Cap sur les adultes

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La cérémonie de la citoyenneté, dimanche 20 janvier 2019.

La cérémonie citoyenne organisée une fois par an est l’occasion de mettre en avant des citoyens engagés : professeurs, avocats, ouvriers ou religieux. Les milieux, les parcours, les âges sont différents. « Cela parle à tout le monde car nous mettons en lumière des actions très concrètes, souvent menées par des associations ». Parmi les lauréats 2018, Nathalie Paoli qui a créé l’association Le Point Rose. Ou Élise Pupier, scout de France qui joue le rapprochement entre les quartiers du sud et du nord de la ville. Autre action de terrain, lors de la journée de la femme : « Nous faisons venir dans les quartiers nord des professionnelles qui, durant une journée, se consacrent aux habitantes des cités. Soins, beauté, relaxation mais aussi permanences psy, sociale ou juridique… le champ est large pour répondre à une foule de questionnements ou d’attentes ». Il y a aussi la nuit du destin avec, aux derniers jours du ramadan, le partage d’un grand repas avec des femmes de toutes confessions dans une cité. « L’objectif est de créer de la convivialité, du dialogue mais aussi de la mixité sociale. Ça marche et ça renvoie aux jeunes garçons notamment une image très forte, car les mères restent leur point d’ancrage quoiqu’il advienne. » Autre action portée par CAP, la soupe festive du 31 décembre. Un restaurant du centre-ville prête sa salle pour que les bénévoles confectionnent et servent un repas de fête pour les SDF et les migrants. « Il y a eu plus de 50 bénévoles cette année. 280 repas ont été servis et on a dansé une partie de la nuit ». Difficile de faire plus éclectique comme programme d’actions. Soufflez une idée à Fazia Hamiche, elle la testera à la première occasion !