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Maladies neurodégénératives et vieillissement, une question de fonds

Par Hervé Vaudoit, le 28 janvier 2019

Journaliste

Associée depuis 2014 au plan national de lutte contre ces pathologies aux conséquences dramatiques, La fédération hospitalo-universitaire régionale Dhune s’apprête à lancer un fonds d’investissement pour soutenir les startups du sud spécialisées dans les sciences de la vie, le temps nécessaire à leur développement. C’est le souhait du professeur Olivier Blin, pharmacologue et directeur de Dhune, qui a déjà plusieurs projets très prometteurs dans les tuyaux. Rencontre.

 

Il y a bientôt 5 ans, le plan national de lutte contre les maladies neurodégénératives avait donné naissance à Dhune, le pôle d’excellence marseillais spécialisé dans ces maladies et dans le vieillissement. Cinq ans plus tard, c’est ce neuropôle euro-méditerranéen qui s’apprête à lancer First, un fonds destiné à financer les start-up régionales les plus prometteuses dans ces disciplines et, plus largement, dans tous les domaines des sciences de la vie.

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Olivier BLIN

L’étude de préfiguration de ce fonds avait été annoncée fin octobre 2018. Dirigée par Frédéric Bénéton, un ancien banquier passé par plusieurs start-up du secteur de la santé, l’équipe en charge de cette étude doit livrer ses conclusions d’ici la fin du mois de février. C’est en tout cas ce que prévoit le professeur Olivier Blin, directeur du pôle Dhune et du Centre de pharmacologie clinique et d’évaluations thérapeutiques  de La Timone. Comme ils l’ont indiqué dès octobre dernier, lui et ses partenaires espèrent que ce fonds sera très rapidement doté d’au moins 100 millions d’euros d’argent public et privé à investir dans les jeunes pousses qui développent de nouvelles solutions, de nouvelles molécules et de nouveaux services pour le combat contre Parkinson, Alzheimer, Charcot… et l’ensemble des pathologies et des processus qui conduisent à la dégénérescence du cerveau et au vieillissement. A quelques semaines de dévoiler dans le détail les ambitions du fonds First, Olivier Blin semble plus enthousiaste que jamais, mais n’ignore pas les difficultés de semblable aventure scientifique et financière. Rencontre.

Un fonds d’investissement régional en santé abondé à parts égales par le public et le privé, en quoi est-ce nécessaire ?

Olivier Blin : « Dans la région, nous avons déjà des équipes médicales et des chercheurs de haut niveau qui font des découvertes. Nous avons également des structures de qualité, y compris pour l’accompagnement initial des jeunes entreprises qui développent des solutions innovantes. Mais nous manquions d’un outil financier adapté pour soutenir les projets les plus prometteurs sur la durée, en complément des dispositifs existants. C’est le premier rôle du fonds First, qui se veut un outil patient, capable de donner aux entreprises le temps nécessaire, avec l’idée de limiter l’échec précoce de ces start-up ou leur rachat prématuré par des entreprises plus grosses, hors de la région et hors de France. Mais c’est aussi nécessaire pour continuer de viser le plus haut niveau européen et mondial dans nos disciplines.

C’est donc l’argent qui fera la différence ?

« Pas seulement, mais si on monte le niveau de financement, on a effectivement les meilleurs chances de faire la différence. Pour définir ce que devait être First, on a travaillé sur les meilleurs clusters existants au niveau mondial, on a regardé quels étaient les facteurs de succès sur lesquels ils s’appuyaient. Parmi ces facteurs essentiels, il y a le niveau des financements injectés sur place, dans l’écosystème au sein duquel vous travaillez. Ce sont ces financements qui permettent de développer votre attractivité, d’intéresser les grands groupes industriels privés, les chercheurs de haut niveau… ceux que vous formez et que vous devez vous efforcer de garder et ceux qui viennent d’ailleurs et que vous avez intérêt à attirer pour rester dans la course. Si vous n’êtes pas attractif, c’est compliqué de garder le niveau suffisant.

La région en a les capacités ?

« Si elle continue d’investir et de parier sur ses atouts, oui. La santé, c’est le premier secteur économique de la région Sud Provence alpes Côte d’Azur. Dhune, c’est déjà 34 équipes de recherche et plus de 120 chercheurs permanents en neurosciences et en sciences humaines et sociales. L’ecosystème et les compétences existent. Au cours du travail préparatoire au lancement du fonds First, nous avons identifié plus de 250 start-up susceptibles de faire partie de cet écosystème favorable dans la région.

Quand vous dites que First sera un fonds patient, comment cela va-t-il se traduire pour les start-up qu’il soutiendra ?

« Cela signifie que les projets soutenus par First le seront dans la durée, parce que nous constatons que beaucoup de start-up sont généralement bien aidées en phase d’amorçage puis de maturation, mais plus difficilement sur la phase de développement pur, où elles manquent souvent de capitaux et de compétences adaptées pour franchir cette étape critique. Avec le fonds First, nous souhaitons leur permettre de capitaliser suffisamment et suffisamment tôt pour bénéficier à plein de l’effet de levier. Nous souhaitons également leur donner les moyens de recruter des managers, des professionnels du monde de l’entreprise, et pas seulement des scientifiques et des chercheurs, qui ne possèdent pas toujours l’expérience, les codes du milieu et le savoir-faire indispensable pour réussir sur le versant business.

Quels types d’investisseurs visez-vous pour ce fonds ?

« Depuis l’annonce du lancement de l’étude de préfiguration, nous avons eu de nombreuses marques d’intérêt de la part de grands investisseurs privés, mais aussi de grandes banques dont les directions régionales sont en capacité de décider, sans compter de grandes entreprises implantées dans la région comme CMA-CGM ou Airbus Helicopters… c’est notamment grâce à ces marques d’intérêts et ces volontés d’engagement que nous sommes confiants sur le fait d’atteindre, voire de dépasser notre objectif initial, qui était de doter ce fonds d’au moins 100 millions d’euros répartis équitablement entre investisseurs privés et publics.

Le fonds First est une émanation du centre d’excellence Dhune, qui existe depuis 2014. Qu’a –t-il déjà produit qui pourrait faire l’objet d’un soutien de First dans un avenir proche ?

« Ce centre est né de la volonté de structurer les neurosciences, qui ont connu une phase de décroissance en termes d’investissements au cours de la décennie écoulée, une tendance qui s’est totalement renversée depuis un ou deux ans. Cela nous a notamment permis de faire avancer plusieurs projets importants, notamment d’entre en phase d’essais cliniques avec une nouvelle thérapie génique fondée sur la reconfiguration  d’une protéine pour le traitement d’une maladie neuro-dégénérative. Nous sommes actuellement en essai de phase 1. Nous espérons entamer la phase II d’ici la fin 2019. Sinon, plusieurs de nos scientifiques travaillent sur un projet qui les occupera toute l’année 2019 autour du cannabis et de ses applications thérapeutiques, notamment dans le traitement de la douleur, qui est une donnée très importante de certaines maladies neurologiques comme le parkinson. Nous avons bien sûr beaucoup d’autres projets, dont nous pourrons parler en détail quand ils seront un peu plus avancés. Et que le fonds First existera réellement. » ♦

 

Bonus

Dhune, qu’est-ce que c’est ?

Centre d’excellence pour la recherche, le soin, l’enseignement et la valorisation de ses découvertes en matière de maladies neurodégénératives et de vieillissement, Dhune est une fédération hospitalo-universitaire qui impliMaladies neurodégénératives et vieillissement, une question de fonds 1que Aix-Marseille Université, l’assistance publique – hôpitaux de Marseille, L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il regroupe 5 pôles hospitaliers, compte 34 équipes de recherche qui occupent en permanence plus de 120 chercheurs et s’est associé à trois universités prestigieuses à l’étranger : l’Imperial College de Londres (Royaume-Uni), le Technion d’Haïfa (Israël) et le Neurodegenerative Disorders Network (Inde). Dhune est également l’un des 7 pôles français  labélisés « Centre of Excellence in Neurodegeneration » (CoEN) par l’alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan).

Lancé en 2014 pour une période de 5 ans, le plan de lutte contre les maladies neurodégénératives doit faire prochainement l’objet d’un bilan d’étape et, le cas échéant, d’une seconde phase de 5 ans jusqu’en 2023.