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Un pont entre les invendus des grandes surfaces et les associations

 

Par Alexia Belleville, consultante, et Nathania Cahen, journaliste

50 tonnes de marchandises sauvées des poubelles chaque jour ! Engagé contre le gaspillage, Comerso accélère et facilite la transition zéro-déchet pour les entreprises. L’occasion de découvrir une initiative louable mais aussi l’entreprise libre telle que la conçoit Pierre-Yves Pasquier, l’un des cofondateurs.

Pierre-Yves Pasquier évoque ainsi la création de Comerso : « J’avais l’idée, le nom, même, mais pas le modèle. Créer une entreprise relevait d’un écran de fumée… et pourtant j’avais fait une école de commerce, souligne-t-il avec humour. J’ai rencontré, mon futur associé, lors d’un trajet Blablacar et, soudain, un échange avec lui a permis de jeter les bases de notre collaboration future. Lui est à l’aise avec le financement et moi, plutôt avec le commerce. Cela peut paraître insolite d’initier un projet d’entreprise dans un voiture, mais cela s’est passé exactement ainsi. »

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Pierre-Yves Pasquier et Rémi Gilbert

En cofondant Comerso avec Rémi Gilbert en 2013, Pierre-Yves a eu des choix à faire. Lieu d’implantation, modèle de l’activité, développement des solutions logicielles, cadre juridique… Tous deux souhaitaient préserver leur cadre familial et ne pas déraciner leurs proches. La solution a été de créer une entreprise à cheval sur deux bases géographiques : à Rennes et à Agen.

« Très vite, au lieu d’être un frein, la distance s’est avérée être un atout, précise Pierre-Yves. Car elle permet d’être présent sur plusieurs territoires et donc de bénéficier de plus d’opportunités. En revanche, la distance nous oblige à une rigueur implacable. Un engagement doit toujours être tenu dans les temps. Si on propose de faire quelque chose, on doit le faire absolument. C’est la garantie que l’organisation fonctionne bien. Que tout soit fluide. Pour cela, nous devons être relativement synchrones. Donc on ne peut perdre du temps car cela impacte forcément l’autre. En fait, la distance renforce le lien car on porte encore plus une responsabilité mutuelle. Entre associés, on se parle dès que cela est nécessaire. Plutôt très souvent. » La société poursuit donc son développement rapide entre les deux villes : à Rennes pour le marketing et le commercial, à Agen pour les fonctions supports et financières. « Nous avons pu gagner du temps en fonctionnant ainsi. Et notre réseau de commerciaux couvre actuellement toute la France. »

Responsabilité

Un pont entre les invendus des grandes surfaces et les associations 2Un mot qui compte pour cette entreprise particulièrement investie dans le domaine de la gestion des invendus, pour lesquels une solution d’optimisation a été mise au point. L’objectif initial des deux fondateurs était de permettre aux associations de pouvoir récupérer des produits de qualité issus de la grande distribution et de les gérer de façon optimale du point de vue de la redistribution. Avec cette conviction profonde que les innovations technologiques actuelles permettent de lutter contre le gaspillage en favorisant la synergie entre les entreprises donatrices (issues de la grande distribution comme Leclerc, Intermarché ou Système U et de l’industrie alimentaire) et les associations bénéficiaires (Restos du cœur, Secours populaire, la Banque alimentaire, les épiceries solidaires Andes, Emmaüs…). Les arguments déployés en direction des (futurs) client sont des plus convaincants : une diminution de la casse et une augmentation des marges via l’accélération des ventes produits dates courtes, des économies fiscales (grâce au don aux œuvres), des économies de coût de traitement des déchets. S’y greffe une image de marque plus flatteuse (c’est bon pour les ventes) et dynamique en termes d’impact environnemental : vous engagez votre entreprise dans une démarche sociale à impact positif fort auprès des associations locales, et vos équipes dans un projet porteur de sens. En facilitant le lien entre la grande distribution et les associations, les services de Comerso créent de la valeur pour les deux parties.

Comerso assure par ailleurs le transport des produits en s’appuyant sur des chauffeurs-transporteurs en insertion.

Le bon curseur entre liberté et responsabilité

Pour Pierre-Yves, « nous vivons dans une société qui produit suffisamment de ressources pour nourrir l’ensemble de la planète, mais elle les gaspille alors même que ces ressources peuvent être encore consommées ou utilisées. » L’APM (Association progrès du management) l’a beaucoup aidé : « J’ai en mémoire l’intervention de Thierry Pick (ndlr- chef d’entreprise du Nord, fondateur du groupe de nettoyage Clinitex). Il sait t’embarquer avec une vraie vision d’entreprise tout en distillant au fil de la journée des outils concrets. Il te montre que le dirigeant doit être pragmatique et que le bonheur est rentable. A cette époque, nous avions déjà entrepris la mise en place de la « méthode agile » dans l’entreprise. Son intervention a fini de me convaincre et j’ai accéléré ce projet. Son expertise a été importante pour trouver le bon curseur entre liberté et responsabilité. L’agilité était un premier jalon posé vers l’entreprise libre. D’ailleurs plutôt qu’entreprise libérée, je préfère cette notion d’entreprise libre. On peut laisser « vivre les équipes » tout en étant très responsable quand le modèle est bien partagé par tous et compris. »

Prochain challenge pour Comerso : les produits non périssables, notamment le textile, pour lutter contre le gaspillage vestimentaire.  A.B. et N.C.

 

Bonus

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  • Chiffres-clé : 450 entreprises partenaires en France, auprès desquelles 50 tonnes de marchandises sont sauvées chaque jour des poubelles. Une centaine de salariés (35 en interne et 70 chauffeurs livreur en externe. Comerso est actif sur tout le territoire français, avec des bureaux dans plus de 15 villes en France.
  • Le calculateur d’impact Comerso mesure l’impact de réduction d’émission de GES (gaz à effet de serre) via la valorisation de vos invendus.
  • À propos de gaspillage. Au niveau mondial, c’est la priorité n°3 pour répondre à l’urgence climatique. Un tiers de la production alimentaire mondiale est jetée ou gaspillée selon la FAO et environ une personne sur 6 est sous-alimentée.

En France : 10 millions de tonnes de nourriture et 20 milliards de repas perdus et gaspillés chaque année. Et plus de 600 millions d’euros de produits neufs détruits sur la même période.