Fermer

Quand Marcelle s’entretient avec… Stéphane Salord

Par Nathania Cahen, le 26 mars 2019

Journaliste

Stéphane Salord reçoit le trophée du président de région, lors de la convention nationale du Crédit coopératif - février 2019.

L’homme n’est pas connu du grand public, en dépit d’un destin présidentiel : président régional du Crédit coopératif, président du média MProvence, président de l’Esdac, responsable du comité pays d’Aix Solimut, administrateur de la CRESS Paca (Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire), membre du directoire France Active… Un pied à Aix, l’autre à Marseille, sourire en banane, main tendue, on le voit partout, sur les réseaux sociaux, aux vernissages caritatifs, aux remises de médaille, aux conseils d’administration… Il multiplie les casquettes, se démultiplie tous azimuts et doit trimbaler un agenda XXL. Marcelle veut comprendre !

 

Mais qu’est-ce qui fait courir Stéphane Salord ? Qu’est-ce qui justifie tous ces engagements ?

Une véritable passion pour la vie associative, depuis que j’ai 17 ans, l’âge où l’on se réveille. J’avais alors adhéré à la Maison de l’Europe du pays d’Aix. C’était en 1988 et ça remuait à l’Est. Mais ça me revient, plus tôt encore, à 15 ans, j’avais répondu à une requête du centre social de Saint Loup qui cherchait des volontaires pour du soutien scolaire. Depuis, avec constance, je consacre un jour de chaque semaine à mes divers engagements. C’est un moteur puissant dans ma vie.

J’ai aussi créé deux structures. En 1994, le Club des créateurs d’entreprise des Bouches-du-Rhône, toujours debout, qui accompagne chaque année quelque 600 porteurs de projets. Et l’année suivante, le comité de bassin d’emploi, porté sur les stratégies de territoire, aujourd’hui disparu.

 

Vous privilégiez l’économie sociale et solidaire, pourquoi ?

Quand Marcelle s'entretient avec... Stéphane Salord 1Ce modèle économique et social dépasse les intérêts particuliers et son propre projet. En la matière, la France s’est montrée plutôt visionnaire en intégrant de nouveaux droits sociaux dans la constitution de la 4e République. On ne le dit pas assez, mais nous sommes une République sociale dotée d’un pacte civique. Le citoyen a le droit d’action, d’expérimentation, d’implication… Ce périmètre et ces outils ont d’ailleurs été remis à jour par la loi Hamon, en mars 2014.

Surtout, l’ESS constitue un vivier incroyable, qui se renouvelle, se féminise, rajeunit, se diversifie. Alors que les entreprises classiques vieillissent. Une ressource de bienveillance et de nouveauté qui irrigue les pensées et renouvelle les modèles économiques. Qui suppose un investissement patient. Nous sortons de nos périmètres habituels, sommes incités à voir ce qui se passe ailleurs. Sur les toits, dans les campagnes, derrière les façades des entreprises…

Quelle est votre définition du bénévolat ?

C’est du temps donné, un effort consenti, un engagement. Pas seulement parce qu’on s’ennuie. Cela ne se borne pas à être une petite main, c’est aussi construire, s’impliquer. Je regrette la dimension péjorative qui entoure parfois ce mot de bénévolat, parce que les gens ne sont pas payés, font des « petites » choses… Il faut le rénover, lui redonner ses lettres de noblesse. Et je suis pour que les bénévoles soient rétribués, avec des jours de congé ou du crédit d’impôt par exemple.

À l’heure de choisir une mutuelle ou une banque, les Français font-ils des choix engagés ou durables ?

Dans le choix de leur mutuelle, encore trop peu. Beaucoup l’assimilent à un geste consumériste sans s’attarder sur les valeurs mutualistes, justement. Or les « vrais » organismes sont gérés par des bénévoles sociétaires, qui s’intéressent aux questions de santé essentielles que sont le coût, l’accès aux soins, la définition des droits sociaux. Ce sont des lieux paritaires où l’on participe aux négociations sur le développement des couvertures sociales. Il s’agit désormais d’inverser cette méconnaissance, le mouvement mutualiste doit se renouveler et se redéployer puissamment.

C’est différent du côté des banques où choisir le bon établissement est aujourd’hui perçu comme important, où on relève une quête d’information. Comme quand on mange une pomme, on préfère celle du pays plutôt que celle qui vient de loin. Les clients savent aujourd’hui qu’ils peuvent participer directement à la manière dont l’argent va travailler, en transparence, au bénéfice d’entreprises locales. Au Crédit Coopératif par exemple, l’argent bénéficie aux clients, à l’ESS et aux entreprises engagées : il n’y a pas de déperdition en spéculation. C’est du reste la seule banque à proposer des produits 100% ISR (investissement socialement responsable) et sans lien avec l’économie carbonée.

Alors oui, la finance responsable et solidaire séduit aujourd’hui, parce qu’elle propose une traçabilité complète de l’usage de l’argent quand les marchés financiers inquiètent toujours. Clairement, cela prend, il y a un réveil, la volonté de construire l’avenir, la conscience que toutes les banques ne se valent pas.

Vous avez été candidat à la mairie d’Aix en 2008, sous étiquette centriste. Vous avez également été l’adjoint de Maryse Joissains. La politique ne vous tente plus ?

En tout cas pas de cette manière-là. Je penche aujourd’hui pour la politique non plus comme un engagement partisan, mais sociétal, autour de questions essentielles : le bien-vivre ensemble, l’inter-génération, la réintégration de la biodiversité dans les villes, l’intégration des plus vulnérables, le renforcement des structures dédiées à la petite enfance et l’éducation des plus jeunes. Je milite aussi pour l’intégration des citoyens dans la gestion de certains services publics comme les écoles, les bibliothèques, ou encore l’attribution des logements sociaux et des places en crèche, à raison de quelques heures par mois par exemple. Il faut remettre de l’esprit citoyen dans la politique. J’ai envie que notre société devienne une société de la pleine conscience. Dans laquelle notre dualité humaine pourra s’exprimer – besoin de résistance mais aussi d’épanouissement. On peut en même temps gagner sa vie et s’intéresser à la précarité des autres, il y a des modèles alternatifs. Une nouvelle étape du mode de vie collectif doit être franchie…

Hors engagements, quel est votre boulot ?

Quand Marcelle s'entretient avec... Stéphane Salord 2Je suis une licorne de 50 ans ! Le groupe ESDAC (École de design, d’arts appliqués et de communication) que j’ai créé en 2009 est aujourd’hui implanté dans 5 villes, compte 150 collaborateurs et plus de 1 000 étudiants.

Le design justement, aurait une dimension sociale ?

Bien-sûr. Son expression participe de l’empathie et de l’écoute. Les élèves sont invités à s’intéresser à de nouveaux segments de population, moins élitistes. Aux circuits courts, alors qu’avant la discipline était dans un temps long. Aujourd’hui le designer intervient dans la production à part égale avec l’ingénieur et le gestionnaire. Il travaille à des solutions d’hébergement d’urgence, des ruches partagées, de nouveaux équipements urbains interactifs – entre autres choses. La pensée design a gagné le cœur de la pensée économique. Il existe un courant de l’économie du partage et de la fonctionnalité, avec la recherche de solutions et de ressources pour optimiser nos modes de consommation.

On vous tend une baguette magique pour mettre en lumière une association. Sur laquelle la pointez-vous ?

Une association aixoise qui s’occupe d’insertion et de réinsertion de femmes au moyen de cours de couture : l’Atelier Jasmin. Beaucoup de femmes vivent en effet la double peine de leur origine sociale et de la difficulté d’accéder à l’emploi. Il faut être à leurs côtés. ♦