Société
À Marseille, pas de pétrole mais un propulseur de solutions supersonique !
En tant que média de solutions, difficile de ne pas s’intéresser à Marseille Solutions, cet ovni qui tient à la fois de la machine à idées et de l’accélérateur de projets dans le domaine de l’innovation sociale. Qui s’inspire (de ce qui se fait de bien ailleurs), inspire (ses clients) et aspire (à résoudre les problèmes de fond de la société que sont le chômage, la précarité ou l’enclavement). Le tout barré par quatre drôles de dames bardées d’audace et d’énergie. Attention, ça donne le tournis.
L’association est née en 2014, dans le sillage de la comète MP2013, année capitale de la culture pour Marseille. Trois passagers prennent alors place à bord du nouvel engin : Tarik Ghezali, Anne-Claire Gosselin et Jérôme Shatzman. Soudés par une indignation commune, « le Marseille bashing chronique qui sévit alors, avec des titres de presse comme Marseille et ses pauvres ou Marseille en feu », ils décident de relever le gant et de faire de Marseille la capitale des solutions. Tout en s’appuyant sur une méthodologie décomplexée, « Voir grand, commencer petit, aller vite » qui, rapidement, a fait ses preuves. Commencer petit, à l’aune de la première expérimentation qui fait la preuve du concept. Voir grand et essaimer. Trente projets plus tard, l’énergie est intacte mais l’équipe s’est récemment métamorphosée en quatuor féminin.
La mobilité, première matière à réflexion
La mobilité dans les quartiers nord de Marseille est le sujet sur lequel la petite équipe va se faire la main. La mobilité car elle impacte l’emploi dans ce secteur fragile qui compte pourtant 8 500 entreprises et 75 000 emplois. Et parce que si la Métropole a bien un plan, c’est à échéance 2030, si loin. En attendant, les gens qui sortent du boulot dans les zones d’activité des 14e et 15e arrondissements ont deux autoroutes à traverser pour rejoindre la station de métro Bougainville. Le projet Nord we go, accompagné par le réseau d’entrepreneurs Cap au Nord entreprises, a débouché sur la mise en circulation de navettes électriques effectuant des rotations, surtout aux heures de pointe. En 2018, 6 000 transports ont ainsi été effectués en micro-navettes dans ce secteur de la ville.
Des paillettes pour l’insertion

Des manipulatrices de l’ombre
« Le process est toujours le même : nous aidons à faire sortir de terre et consolider le projet de manière à ce qu’il fonctionne ensuite sans nous », explique Mathilde Gardien. « Nous sommes des manipulatrices de l’ombre », confirme Anne-Claire Gosselin. Le programme Des Étoiles et des femmes a essaimé à son tour, en Aquitaine notamment. Et a été le déclic du projet Beaux-Mets, terme dérivé du nom de la maison d’arrêt de Marseille, les Baumettes, qui s’inspire aussi de « The Clink » (terme anglais familier pour prison), une expérience aboutie de restaurants ouverts au public dans des prisons outre-Manche. Pourquoi la restauration en particulier ? « Parce que c’est un secteur en tension d’une part, qui accepte les détenus d’autre part. Donc un secteur ressource quand on sait que 48% des détenus ne sont pas diplômés », glisse Mathilde Gardien. Outre une réflexion en lien étroit avec l’administration pénitentiaire, des partenariats importants ont été noués (Accor, Carrefour, Vinci, Michel Portos…). Lever de rideau sur cette initiative inédite en France cette année peut-être.
Une trentaine de projets


Énumérer encore, en vrac, le rôle joué dans la création du Lab Zéro (relire notre article) et de Coco Velten, ICI Marseille (manufacture collaborative et solidaire) dans le sillage d’ICI Montreuil…
Un nouveau défi avec La Varappe
Le groupe d’insertion La Varappe est le premier employeur de l’économie sociale et solidaire de la région, avec plus de 4 600 salariés et un chiffre d’affaires de 37,5 millions d’euros en 2018. C’est avec ce mammouth qu’un grand partenariat vient d’être noué pour la conception d’une fabrique à projets baptisée Premium. Le principe ? « Rechercher le meilleur pour ceux qu’on appelle les invisibles. Qu’il s’agisse de l’emploi ou de la santé ». En matière de santé justement, notre fine équipe planche sur une équation intéressante : les aveugles connaissent un taux de chômage problématique et le dépistage du cancer du sein n’est pas assez important. L’Allemagne a trouvé la réponse il y a dix ans avec « Discovering Hands », une association qui exploite le sens du toucher très développé des aveugles pour détecter les tumeurs. L’idée fait son chemin avec une réunion de partenaires locaux qui se construit doucement mais sûrement.
Également dans les tuyaux, Street Art, qui sera comme un musée à ciel ouvert dans les quartiers Nord de Marseille. La réflexion se construit avec Impact jeunes et la cité des Lauriers. Et puis une participation dans le projet de l’association Wintergreat (voir bonus) pour la valorisation du potentiel des réfugiés. Une formation en 12 semaines pourrait être créée à la rentrée prochaine dans la région.
Le plus dur dans le montage de tous ces projets ? « Convaincre et amorcer », répond en cœur la codirection. « Sans angélisme et avec beaucoup de pragmatisme », affine Anne-Claire Gosselin. « On entend souvent : c’est impossible ! », s’amuse Mathilde Gardien. Sourires entendus. ♦
Bonus
- Wintergreat se présente comme un accélérateur de potentiels d’ailleurs. Cette start-up sociale créée en 2015 par deux étudiants de l’ESCP entend donner ou redonner vie aux projets des réfugiés et migrants. La solution passe par une formation adaptée (764 personnes en ont déjà bénéficié) et/ou un replacement dans les entreprises qui cherchent à diversifier leur recrutement et à sourcer des talents qu’elles ne trouvent pas ailleurs.
- Marseille Solutions ne reçoit pas de subventions institutionnelles. Les revenus proviennent à part égale du public et du privé. Les projets sûrs compensent les risques pris ailleurs.