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[Série] Tourisme et seuil de tolérance à Marseille #1 Le positif

Par Olivier Martocq, le 29 mai 2019

Journaliste

État des lieux à Marseille en trois volets : #1 Du positif #2 Du négatif, c’est évident #3 Pistes de réflexion pour cohabiter.

Dans le sud, le pont de l’Ascension lance officiellement la saison estivale. Provence Tourisme* se félicite de la tendance 2019 qui se dessine. La croissance devrait être de 6% dans ce secteur et la barre des huit millions de touristes pourrait être franchie. La Provence sera une des destinations les plus prisées de France, avec Marseille en pointe en raison des croisiéristes. Un afflux qui pose désormais la question du seuil de tolérance. Venise, Barcelone, Lisbonne, Porto ou tout récemment Amsterdam ont pris des mesures pour limiter le tourisme en raison de son impact sur la vie quotidienne des habitants.

[Série] Tourisme et seuil de tolérance #1 Quelles retombées ? 1Avant de rédiger cet article, c’est-à-dire de compiler mes notes et interviews réalisées ces derniers jours, je me suis installé à la terrasse du Sunset café, sur la Corniche Kennedy, hier de 15 à 16 heures. Vue magnifique sur la rade. À bord de bus à impériale et de petits trains qui se succèdent à raison respectivement d’un toutes les sept minutes et un tous les quarts d’heure, des touristes manifestement subjugués mitraillent la rade avant la montée vers Notre Dame de La Garde qui emprunte une petite rue sinueuse. « On n’en peut plus de cette circulation et de cette pollution », me confie ma voisine de table, intriguée par les photos que je prends à chaque passage de touristes. Cette habitante du quartier, excédée par ce va-et-vient incessant sous ses fenêtres, aborde une des problématiques posées : le surplus de pollution et d’encombrement dans une ville déjà fortement exposée.

 

Les millions de la croisière ?

[Série] Tourisme et seuil de tolérance #1 Quelles retombées ? 2
@taxis-aéroport
Le tourisme est une manne pour l’économie locale. Ce mantra des milieux patronaux, relayé par les politiques, de prime abord ne souffre pas discussion. Les chiffres sont là. L’Office du Tourisme prévoit cinq millions de visiteurs en 2019 à Marseille, parmi lesquels près de deux millions de croisiéristes. Le Club de la Croisière, l’instance de pilotage de cette filière, est fière de la montée en puissance du port, devenu le troisième hub de Méditerranée avec 523 escales de navire programmées par 25 compagnies maritimes. Dans ce seul secteur, celui de la croisière, l’impact économique serait de l’ordre de 300 millions d’euros et 2 000 emplois. Quand on se penche sur la source statistique, le plaidoyer devient moins catégorique car, en fait, il n’existe pas de données précises. Les professionnels évaluent le panier moyen par touriste à 50 euros, en comptant les taxis et autocars chargés du périple sur un jour. Dans Marseille intra-muros pour les « low-cost all inclusive » ou dans plusieurs sites touristiques de Provence pour les croisières plus luxueuses. Dans la réalité, en matière de dépenses, l’immense majorité de ces visiteurs se contentera d’une glace et d’un petit souvenir soit moins de 15 euros. Concernant les emplois, même flou. Sont rattachés à cette activité la réparation navale, parce qu’elle entretient les paquebots, les 250 salariés de l’unique armateur français de navires de croisières, la Compagnie du Ponant (qui vient d’installer son siège à Marseille), les agences de tourisme qui vendent de la croisière, ainsi qu’une partie des agents du Grand Port de Marseille et pas seulement les pilotes qui accomplissent les manœuvres et les avitailleurs qui fournissent les navires en produits de toutes sortes. En face, il y a le coût des infrastructures dédiées, financées par le contribuable, la pollution générée par chaque paquebot qui lors des manœuvres équivaudrait à celle d’un million de voitures pour les particules fines ou encore celle des bus qui promènent dans les rues du centre-ville des croisiéristes réfractaires aux transports en commun.

 

50 000 emplois dans l’hôtellerie et la restauration ?

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@Le Lamparo
« Le tourisme ce n’est pas que la croisière », explique Martine Vassal, la Présidente du Département et de la Métropole, qui mise sur ce secteur pour doper la croissance d’une économie locale en passe de tourner définitivement sa page industrielle du pourtour de l’étang de Berre. Ses services avancent la somme de 2,7 milliards d’euros de consommation touristiques en Provence. Des chiffres pour le coup crédibles, car fondés sur des données de l’INSEE, mais qui englobent de très larges champs comme la culture avec les festivals, l’agriculture pour le surcroît de productions consommées du fait de ces bouches supplémentaires, sans oublier les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration ou de la location de bateaux. Soit 50 000 emplois directs selon le syndicat de l’hôtellerie des Bouches-du-Rhône, qui vient de lancer une vaste campagne de recrutement car la main d’œuvre estivale manque. Quand on essaie d’avoir des précisions sur Marseille, Nicolas Guyaut son vice-président, est plus à la peine. Avec 116 hôtels et 7 500 chambres, la ville est loin d’être suréquipée et de générer autant d’emplois. La faute à Airbnb, dénoncent les professionnels. Ainsi, selon eux, 13 000 logements seraient cet été sur le marché sans aucun contrôle. À la différence de Paris et des autres métropoles touristiques, la Mairie de Marseille refuse de règlementer la location d’appartements via cette plateforme, ce qui a des conséquences directes sur l’hôtellerie mais aussi sur les prix des biens immobiliers à la vente comme à la location. « Mais pas sur la restauration », ajoute en souriant un conseiller municipal. Et de fait, les restaurants et bars se multiplient dans les quartiers touristiques avec, en contrepoint, la fureur des habitants face à un nouveau type de pollution : sonore celle- là !  ♦

*Office de tourisme du département des Bouches-du-Rhône