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Ramasser les détritus, un acte citoyen

Par Agathe Perrier, le 9 octobre 2019

Journaliste

© Clean my calanques

Le mistral souffle depuis quelques jours sur Marseille et fait s’envoler comme à chaque fois nombre de détritus en tous genres. Un spectacle dont on se passerait bien, ce à quoi s’emploie l’association marseillaise Clean my calanques. Elle s’évertue à réduire la quantité de déchets présents dans la nature à grands coups de collectes citoyennes – la barre des 20 tonnes vient d’être franchie.

 

Gryffondor, Poufsouffle, Serdaigle et Serpentard. Vous aurez reconnu le nom des quatre maisons de Poudlard, référence directe à la saga Harry Potter écrite par J.K. Rowling. Ce dimanche 6 octobre, ils ont été utilisés pour un événement un peu particulier. Une opération de nettoyage de la calanque de Morgiou. À la clé : la coupe des déchets à gagner pour l’équipe aux sacs les plus remplis. 80 personnes ont participé à l’événement et bien plus encore hors compétition. Des jeunes, des moins jeunes, des parents avec enfants…

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La coupe des déchets mise en jeu lors du ramassage d’octobre © AP

Tous les âges se sont côtoyés, portés par l’envie commune de débarrasser les abords de ce petit paradis des saletés laissées par l’homme. Et les trouvailles « exceptionnelles » n’ont – malheureusement – pas manqué. Aux côtés des habituels plastiques et objets métalliques, ce qui s’apparente à une énorme marmite, une carcasse de voiture, une canalisation de plus d’un mètre, un chariot de supermarché (qu’il aura fallu déterrer)… Au total une tonne rassemblée en seulement deux heures.

 

De démarche personnelle à mouvement citoyen

Derrière cette opération de ramassage de déchets quelque peu insolite se trouve l’association Clean my calanques. Elle organise ce type d’événement ouvert à tous presque chaque mois depuis sa création en 2017. « Tout est parti d’un jour où, alors que je faisais un footing dans les calanques, je suis tombé sur une crique pleine de détritus. C’était horrible, dégoûtant. J’ai décidé d’y retourner, cette fois avec gants et sac », explique Éric Akopian, à l’origine du mouvement. Car au départ, il s’agissait bien d’une initiative personnelle, seulement suivie par des amis.

Le jeune homme a alors créé la page Facebook Clean my calanques pour faciliter l’organisation de ses sorties. De huit à l’origine, ils ont rapidement été rejoints par de nombreux inconnus. Si bien qu’ils sont désormais entre 40 et 60 à sillonner les calanques tous les mois. « L’idée est que ce soit convivial : un apéro et un pique-nique auquel se mêle la collecte. Chacun apporte sa nourriture et nous nous chargeons de fournir le matériel ». Le butin est de l’ordre de 40 à 50 sacs de 100 litres remplis lors de chaque sortie. Un beau geste pour la planète, mais la mesure d’une triste réalité.

 

Sensibiliser, sensibiliser et sensibiliser

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Luisa et ses trois enfants, Lina, Liam et Kelya, mobilisés lors de l’opération « Harry Potter et la coupe des déchets » © AP

Éric Akopian n’a pas fondé son association dans le seul but de passer derrière ses homologues pour nettoyer leurs traces. Son but est aussi de sensibiliser pour faire évoluer les habitudes. Et cela passe en grande partie par les enfants. D’où l’idée de la thématique Harry Potter pour l’opération de ce mois d’octobre. Judicieuse, puisque les familles ont été nombreuses à participer. Comme Luisa et ses trois enfants, Lina, Kelya et Liam, habitués de ce genre de pratique. « On fait une rando presque tous les week-ends, toujours avec un sac poubelle. On leur a inculqué ce geste de ramasser les déchets depuis petits, car s’ils ne le comprennent pas maintenant… », laisse planer la mère de famille. Parent d’élève, elle regrette qu’il n’y ait pas plus de sensibilisation sur le sujet à l’école. Mais l’initiative personnelle semble porter ses fruits puisque la petite Kelya a bien compris pourquoi elle était là : « C’est important pour la nature ! ».

En parallèle des collectes mensuelles, Clean my calanques intervient également une à deux fois par mois dans les collèges et lycées. Mais aussi dans des entreprises qui en font la demande, toujours dans l’optique d’alerter sur la nécessité de tendre vers le zéro déchet. « Si on continue à produire autant de plastique, les générations futures vont nous prendre pour des dégénérés. J’espère que les mentalités vont changer », confie Éric Akopian.

Des mentalités qui évoluent doucement

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Jeanne, Maude et Mathilde, trois amies venues participer au ramassage du 6 octobre © AP

Pas facile de rester optimiste quand, d’une opération de nettoyage à une autre, toujours autant de détritus sont ramassés. Mais le jeune homme ne lâche rien. « Beaucoup ont ce discours que les collectes sont « un puit sans fond », mais si on part de ce principe, on ne fait plus rien ! ». Même son de cloche chez trois amies venues tenter de gagner la coupe des déchets. À tout juste la vingtaine, elles tentent aussi d’agir dans leur quotidien. « J’essaye d’acheter de plus en plus local », met en avant Maude. Et Mathilde de renchérir : « Et de moins prendre la voiture, pour le vélo et les transports en commun, bien que ce soit assez difficile à Marseille ».

Éric Akopian voit de « réels changements » parmi ses proches. Des amis qui lui posent des questions sur le fait qu’il ne mange pas de viande, qui ne jettent plus leur mégot de cigarette par terre. De quoi le motiver à continuer. « On dit toujours qu’on ne peut rien changer à notre échelle, mais c’est faux. On a le pouvoir d’acheter plus intelligemment et de modifier nos habitudes. Les gens n’osent pas faire ce premier pas car les autres ne le font pas. Il faut renverser ces mentalités ». Parmi ses actions écolos : arrêter de tirer la chasse d’eau. Il utilise à la place les eaux de sa douche et de sa vaisselle qu’il récupère dans des seaux. De quoi donner peut-être des idées aux lecteurs de ces lignes. ♦

 

Bonus 

  • Lors de chaque opération, certains déchets sont triés pour être valorisés. C’est le cas par exemple des mégots de cigarette, séparés du reste et donnés à l’association Recyclop. Cette dernière les envoie ensuite à une entreprise qui les transforme en plaques de plastique servant à la construction. Les bouchons de bouteille sont également mis de côté pour des entreprises marseillaises qui les réutilisent.