EnvironnementSanté
Scandales sanitaires : quand la mobilisation finit par payer !

Le documentaire a été projeté en avant-première au cinéma de Fos-sur-Mer, le 8 octobre. L’occasion de rencontrer les acteurs de ce dossier mais surtout la majorité silencieuse. Tous ces habitants de la région qui savent que leur environnement est peut-être dangereux mais restent passifs parce que ces industries les font vivre eux, leurs familles ou leurs amis (50 000 emplois) mais aussi parce qu’en l’absence de données officielles sur les polluants ou les maladies… on ne sait pas vraiment !
Au-delà du film la réalité d’une mobilisation citoyenne !

15 ans de lutte solitaire !

Des témoignages d’ouvriers… enfin !

Quand les citoyens suppléent l’État !
L’absence de données officielles est l’un des facteurs qui expliquent la difficulté de mobilisation. Les pouvoirs publics s’en tenant à la stricte vérification des normes de rejets usine par usine, un collectif de citoyens a créé l’Institut Écocitoyen afin de regrouper des scientifiques capables de fournir d’autres études et surtout des indicateurs. Véronique Dolot, en charge de la communication, n’hésite pas à mettre en cause des normes administratives qui n’auraient aucun sens. « On travaille avec des universités, ce qui fait que l’on est adossé à la recherche publique française. Tout ce qu’on produit est de fait validé par des scientifiques. Or ce sont des gens qui n’appartiennent pas au milieu de la recherche qui disent « vos études, vos chiffres ne sont pas valables, parce que ça n’entre pas dans les critères administratifs ou les cases de la règlementation. Le problème est que la règlementation française n’est pas faite pour analyser les zones industrielles du point de vue des riverains et des salariés. Et elle ne précise pas si en-dessous des seuils réglementaires, la santé des gens est respectée ». Et le maire actuel de Fos, Jean Hetsch, de compléter de façon limpide : « On ne dit pas que chaque usine n’est pas aux normes. Ici il y a 13 usines Seveso. Donc 13 fois des rejets aux normes ce qui donne des densités et des accumulations de pollutions totalement… hors normes. Un cocktail explosif ! »
La fin de l’omerta ?
Après quinze années de luttes, la justice a été saisie dans deux procédures distinctes. Une plainte déposée en novembre 2018 au pénal pour mise en danger de la vie d’autrui. On devrait savoir dans les semaines à venir si elle donne lieu à une instruction. Une plainte au civil déposé le 4 octobre dernier pour troubles du voisinage. Surtout, devant la mobilisation citoyenne relayée par les médias et les réseaux sociaux, l’État a décidé d’ouvrir un registre des cancers qui pourrait être étendu aux malformations congénitales. Le budget de l’étude, un million d’euros, est désormais connu. L’annonce a été faite en février mais, depuis, c’est l’expectative. ♦
Bonus
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Y. Rineau et A. Dreyfus La genèse du film – Par Antoine Dreyfus.
« Ce film est né de ma rencontre avec Yann Rineau, chef opérateur et réalisateur. Nous nous sommes rencontrés sur une émission de France 3 PACA, « Chroniques méditerranéennes », une émission de découvertes, présentée par Nathalie Simon. Nous nous sommes bien entendus professionnellement – nous sommes complémentaires -, et avons décidé de chercher des idées de documentaires.
C’est Yann qui m’a parlé des problèmes de santé à Fos-Sur-Mer, car il avait entendu une longue enquête sur France Inter. Yann est sensibilisé à ces questions de santé et d’environnement. Il a perdu sa maman d’un cancer, alors qu’il n’avait que 14 ans. De mon côté, l’industrie c’est quelque chose qui m’est familier. Mon grand-père maternel a été numéro deux de Simca, une marque auto aujourd’hui disparue, dans les années 60. Mon père a été ingénieur dans la sidérurgie et a refusé d’aller travailler à Fos-Sur-Mer dans l’usine qui est aujourd’hui ArcelorMittal, car il estimait que c’était dangereux et que la technologie était déjà obsolète : usine trop grosse, avec des méthodes de travail dépasséees et des process pas assez maîtrisés.
Nous avons d’abord proposé le sujet à France 5 pour l’émission Le Monde en face, qui a trouvé que c’était un peu trop anxiogène. Puis à Match Prod, la filiale audiovisuelle de Paris Match qui l’a proposé à Infrarouge et ça s’est fait assez rapidement. Catherine Alvarese, la patronne des documentaires de France Télévision connaît bien le coin, et pour Infrarouge elle veut donner la parole à des gens qui sont souvent invisibles, que l’on n’entend pas, qui ne sont pas experts, mais juste citoyens. Elle nous a poussés à raconter les « petites » histoires des gens, pour raconter la grande histoire de Fos et de cette aventure industrielle. France Télévisions nous a tout le temps encouragés à avoir un point de vue d’auteur, à nous engager. Et c’est ce que nous avons fait. »
Le tournage a eu lieu de juin à novembre 2018, date du dépôt de plainte devant le TGI d’Aix-en-Provence.
- La directive Seveso – L’émotion suscitée par le rejet accidentel de Dioxine en 1976 sur la commune de SEVESO en Italie, a incité les États européens à se doter d’une politique commune en matière de prévention des risques industriels majeurs. Le site du Ministère de la transition écologique et solidaire en explique les dispositions, établissements concernés etc.
