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Comment des bouts de chambre à air peuvent remédier à l’obésité !

Par Antoine Dreyfus, le 16 octobre 2019

Journaliste

Cités marseillaises : la seconde vie des encombrants 3Un ex-prof de sport et athlète international a trouvé, à Nice, un moyen original et ludique pour faire bouger les enfants et lutter contre l’obésité, en douceur : le pitchak. Un jeu traditionnel méditerranéen constitué de bouts de chambres à air de vélo recyclées. Une solution durable, ludique et bonne pour la santé.

 

Dans sa maison familiale sur les hauteurs de Nice, dans ce qui lui sert de bureau et de salle de réception, Serge Gabrielich se lève d’un coup. Il prend sur la table l’un des pitchaks, pousse la chaise et commence à jongler avec les mains, puis avec les pieds. Il alterne d’une jambe à l’autre avec une étonnante facilité. À le voir, aussi à l’aise, avec les bouts de caoutchouc noir, on se dit que ça doit être facile. D’ailleurs Serge nous tend un pitchak et nous dit : « Antoine, vous voulez essayer ? » L’auteur de ces lignes se dit que ça ne doit pas être compliqué, si des enfants y arrivent. Et Serge, il n’est pas à la retraite ? Erreur. Sans un bon entraînement, le pitchak, la première fois, c’est presque mission impossible. Avec Serge, les bouts de caoutchouc virevoltent. Avec moi, c’est une catastrophe. Il faut que je me reprenne à dix fois pour obtenir trois jongles de suite…

Comment des bouts de chambres à air peuvent remédier à l'obésité ! 1« C’est crevant, hein ? » Serge Gabrielich a un petit sourire au coin. « Oui, c’est bien crevant Serge. Mais c’est amusant, il y a un petit côté addictif dans ce jeu », je réponds le front couvert de sueur, le souffle court… « Mais c’est pour ça que c’est efficace pour faire bouger les enfants et leur faire lever la tête de leur téléphone portable ou leur écran. »

En fait, dès qu’il a un pitchak dans la main, Serge a la banane. Et son enthousiasme est communicatif. Sec et athlétique, Serge Gabrielich est prof d’EPS à la retraite à Nice. Dans une autre vie, il a été l’un des espoirs perchistes français, jusqu’à intégrer l’équipe de France et participer à des compétitions internationales.

Et depuis qu’il goûte aux joies de la retraite, il a fait du pitchak son activité principale. Il pense même que c’est un excellent moyen de lutter contre l’obésité des enfants. Il occupe d’ailleurs l’essentiel de son temps libre à promouvoir ce jeu de cours de récréations, auprès des institutions, des établissements scolaires, des enseignants et des jeunes, les premiers concernés.

 

Un jeu traditionnel d’Afrique du nord

Comment des bouts de chambres à air peuvent remédier à l'obésité !Au départ, le pitchak vient d’Afrique du nord, c’est un jeu traditionnel méditerranéen de jonglage, que Serge a connu dans son enfance. « À la récréation, dans les années 50 et 60, on jouait au pitchak avec les copains, explique l’ex-prof de sport. Nos copains d’Algérie y jouaient. Rapatriés à Nice, ils ont tout naturellement continué à jouer à ça. Et nous on adorait. On passait des heures à jongler. Le pitchak ressemble au pilou, une forme de jonglerie avec des pièces de monnaie percées dans lesquelles on glisse un volant. Là aussi, il faut effectuer le plus de jongles possible sans le faire tomber à terre »… Jusqu’à 284 rebonds pour le recordman du monde.

 

Aujourd’hui, Serge, à travers son association – Pitchak France Solidaire- utilise des chambres à air des vélos bleus de la ville de Nice. Elles se sont accrochées aux roues, ont avalé les kilomètres de bitume niçois et ont (parfois) été malmenées par leurs utilisateurs. Après plusieurs mois au service des vélos bleus, les chambres à air sont bonnes pour la déchetterie, mais par pour Serge Gabrielich, qui leur offre une seconde vie en les transformant en pitchak. « La société qui gère les vélos bleus nous permet de récupérer toutes les vieilles chambres à air crevées pour éviter de les jeter. Chaque année, près de 2 000 d’entre elles sont changées, on en récupère une grande partie. »

Régulièrement, la ville de Nice lui en délivre des cargaisons, devant sa maison. Serge et des bénévoles les récupèrent, les découpent en rondelles, les assemblent avec une cordelette. Et le tour est joué. La chambre à air se transforme en une petite boule qui rebondit.

 

Ludique et presque sans fin, comme les jeux vidéo

Comment des bouts de chambres à air peuvent remédier à l'obésité ! 2Serge Gabrielich, a introduit ce jeu au sein de l’association sportive du collège Jean-Henri-Fabre, où il enseignait le sport. Puis, devant le succès, d’autres collèges et des écoles s’y sont intéressés : « J’ai constaté que beaucoup d’écoliers ou de collégiens sont voûtés, penchés sur leur téléphone mobile. Souvent, ils manquent de condition physique et on note une augmentation de l’obésité. Comment les faire bouger ? Le pitchak est un excellent moyen de les faire bouger, parce que c’est ludique et presque sans fin comme les jeux vidéo. Si on les force à faire du sport, ça ne marche pas. Là, c’est un jeu. Ils ne s’aperçoivent pas vraiment que c’est un sport. Les collégiens qui pratiquent le pitchak le dégainent comme ils dégainaient avant leur portable. C’est une très bonne passerelle vers le sport. »

À la récréation, les enfants se le passent et jonglent de toutes les manières possibles, au pied comme les footballeurs mais aussi à la main avec deux pitchaks ou bien encore en mêlant les deux. Passe au capitaine, passe à 7, passe en éventail, passe en cercle avec un gêneur, les possibilités semblent infinies et les élèves inventent sans cesse. « C’est le jeu idéal pour les récréations », explique Serge. Sans contact, non violent, il ne demande pas beaucoup d’espace car le pitchak ne rebondit pas. « Il plaît beaucoup aux élèves car il offre de multiples possibilités, témoigne une enseignante niçoise. Je leur en prête pendant les récréations mais nous l’utilisons aussi en cours d’EPS, afin de travailler sur des jeux qui puissent être réinvestis durant les récrés. C’est idéal. » ♦

 

Bonus

  • Comment des bouts de chambres à air peuvent remédier à l'obésité ! 3Afin de développer la pratique du pitchak au sein de ses accueils de loisirs adolescents, la ville de Nice a demandé aux jeunes joueurs de former ses animateurs. Plus d’infos sur le site municipal.

 

 

  •  En parallèle, Serge Gabrielich vend les pitchaks 2 euros. La moitié de la recette est consacré au financement de la construction de puits dans une école au Burkina Faso.