Fermer

Inter-Made, l’incubateur social

Par Rémi Baldy, le 12 décembre 2019

Journaliste

Le saviez-vous ? Marseille abrite une couveuse dédiée aux start-ups de l’économie sociale et solidaire. Chaque année, ce sont une centaine de sociétés qui profitent de l’un des dispositifs d’Inter-Made. Un travail reconnu puisque d’autres incubateurs viennent se former pour apprendre à accompagner des entreprises sociales.

 

Case (presque) obligée pour les entrepreneurs en passe de lancer leur start-up, le passage par un incubateurs – et ils sont légions. Ces couveuses doivent préparer au mieux les dirigeants débutants à appréhender les marchés qu’ils souhaitent conquérir et consolider leur modèle économique. Un accompagnement essentiel si l’on en croit la multiplication de ces structures depuis une dizaine d’années à l’initiative de grands groupes ou de collectivités territoriales. Il faut dire que d’après l’Insee, six entreprises sur dix sont encore actives cinq ans après leur création.

Mais peu se focalisent sur les entreprises sociales. Or une entreprise qui se positionne dans l’économie sociale et solidaire (ESS) n’est pas une société comme les autres. Et cela veut aussi dire qu’elle doit être accompagnée d’une manière spécifique. Par une structure comme Inter-Made par exemple, lancée à Marseille au début des années 2000 par l’Association d’aide aux jeunes travailleurs (AAJT). « Nous sommes convaincus que c’est la réponse aux enjeux de notre époque et que les territoires ont besoin de ce type d’entreprises pour leur développement économique », affirme Cédric Hamon, directeur de la structure depuis 2015. Entre lui et Inter-Made, on pourrait presque parler de coup de foudre. C’est en tant qu’incubé, avec la société Oléo Déclic qui récupère l’huile de friture pour en faire de l’énergie, qu’il a connu son premier contact avec la couveuse, alors installée dans un appartement du quartier des Chartreux à Marseille. « Cela m’a tout de suite plu, se souvient-il. Quand le poste de directeur s’est retrouvé vacant, je me suis dit que cela serait intéressant ».

Affiner les projets

Cedric Hamon, directeur d’Inter-Made

Aujourd’hui, c’est à la friche de la Belle-de-Mai que Cédric Hamon aide les entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire. Selon lui, ce profil d’entreprise présente trois caractéristiques distinctes par rapport aux autres : « Les dirigeants ont une surmotivation parce qu’ils se lancent souvent sur un sujet qui les touche directement, leurs projets peuvent être trop larges ou rentrer en concurrence avec d’autres et enfin les modèles économiques sont hybrides et compliqués ».

Trois éléments sur lesquels Inter-Made et ses 12 salariés apportent des conseils. D’abord en protégeant les entrepreneurs pour qu’ils ne prennent pas trop de risques personnels. Ensuite, en ciblant le projet avec parfois la possibilité de le rapprocher d’autres partenaires. « Sur la question du recyclable, beaucoup d’entreprises travaillent déjà dessus, il faut bien comprendre que la collecte est une problématique et que valoriser ce qui est récupéré en est une autre », illustre Cédric Hamon. Lui-même a connu cela avec Oléo Déclic lorsqu’il était incubé. « L’entreprise collecte les huiles de fritures pour les valoriser en énergie, mais la volonté du fondateur à l’origine était surtout de réduire le réchauffement climatique. La thématique est générale, mais ensuite on oriente sur la manière dont cela se traduit sur le territoire et comment on peut la résoudre », détaille-t-il. Une sorte d’étude de marché pour focaliser le projet.

Enfin pour le modèle économique, le panel de financement est très large. Au-delà des aides financières possibles, cela passe par différents mécanismes comme par exemple le coût évité, un mécanisme visant à faire payer à un acteur l’économie que lui fait réaliser l’innovation d’une autre entreprise.

95% de réussite

Selon les démarches, Inter-Made propose trois formules : starter, couveuse et impulse. La première dure trois mois, elle vise à coacher le dirigeant à l’entrepreneuriat et à affiner le projet. La deuxième formation de neuf mois, renouvelable une fois, permet d’avoir un retour après le premier test du produit pour d’éventuels ajustements. Enfin, la troisième se situe en aval, avec principalement du conseil.

Inter-Made est également une des structures qui porte La Fabrique à initiatives. Un concept partagé avec d’autres couveuses en France et financé par L’État (bonus). Il s’agit d’une nouvelle méthode d’accompagnement des entreprises d’économie social et solidaire. « Nous prenons le processus dans l’autre sens », explique Cédric Hamon. Concrètement, il s’agit de partir du besoin d’un territoire pour ensuite créer l’entreprise qui pourra y répondre.

Chaque année, une centaine de start-ups passent par l’un des programmes d’Inter-Made qui revendique 95% de projets toujours en activité cinq ans plus tard. « Je pense que ce taux élevé est la conséquence de la forte motivation des entrepreneurs et de la construction des projets autour d’un besoin du territoire », juge Cédric Hamon.

Quand on demande au directeur une entreprise marquante passée par Inter-Made, il répond spontanément les Arbats. Contraction des « arbres bâtisseurs », cette Scop est de la promotion 2006. Elle réalise de l’écoconstruction de bâtiments à base de bois. Désormais installée dans les Alpes-de-Haute-Provence à proximité de Forcalquier, elle compte plus d’une dizaine de salariés. Autre projet, mais cette fois toujours incubé : Share-Wood. Il s’agit d’un atelier bois partagé pour les professionnels, les particuliers et les groupes qui voudraient réaliser des créations en bois. Sur 1500 m², l’atelier se divise en trois espaces destinés au travail opérationnel, au stockage et à la vie collective. De nombreuses machines professionnelles de menuiserie et ébénisterie sont mises à disposition.

Crédits : Share-Wood

Réussite et formation

La formule d’Inter-Made inspire. Au point que la structure réalise des formations auprès des salariés d’autres incubateurs comme chez TVT Innovation à Toulon ou Camina à Avignon. Par ailleurs, des antennes ont été créées à Arles et Vitrolles tandis qu’un autre incubateur, Az’up, a été cofondé avec la French Tech Côte d’Azur à Nice (bonus).

Une ouverture et un déploiement qui font partie des objectifs de Cédric Hamon. « Quand je suis arrivé, Inter-Made était en crise de croissance. Les locaux étaient isolés et, faute de temps, l’incubateur ne prenait pas vraiment contact avec les autres structures qui s’étaient créées au fil du temps », raconte-t-il. Depuis, Inter-Made a déménagé dans un lieu plus « vivant » et trouve des partenaires. Un élément essentiel pour son modèle financier. Car, là aussi, les subventions publiques sont de plus en plus difficiles à obtenir. Elles proviennent de tous les échelons, de l’Europe jusqu’aux municipalités, et représentent aujourd’hui 60% des 600 000 euros de budget d’Inter-Made. « Il y a quatre ans c’était 90 voire 100% », glisse Cédric Hamon. Pour le reste, il faut compter sur les formations et les frais demandés aux incubés qui pèsent 30%.

Pour continuer d’avancer Inter-Made fait évoluer son modèle, notamment à travers la fabrique à initiative, mais aussi son modèle économique. L’incubateur noue des partenariats privés qui viennent compléter son budget. C’est notamment le cas avec Véolia qui profite d’un rapport privilégié avec les incubés. Une vraie gestion d’entreprise… sociale. ♦

À quoi peut ressembler une start-up sociale ? 5

 

* RushOnGame, parrain de la rubrique « Économie », vous offre la lecture de l’article dans son intégralité *

 

Bonus [Pour les abonnés] : La Fabrique à initiatives – Les adresses en région Paca

  • La Fabrique à initiatives – Développé par l’Agence d’ingénierie pour développer l’Économie sociale et solidaire (Avise), ce dispositif vise à favoriser la création d’entreprises sociales grâce à l’identification de besoins sur leur territoire. Aujourd’hui, on trouve ce type de structure en Corse, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Région Sud, Ille-et-Vilaine et dans la métropole lyonnaise.

Cette initiative lancée en 2009 avait permis au bout de cinq ans de créer 53 entreprises et 130 emplois. Notamment dans des quartiers prioritaires.

Les Fabriques possèdent un budget annuel moyen d’environ 160 000 euros, elles ont des modes de financement variés et spécifiques à chacune (Conseils départementaux, Conseils régionaux, communautés urbaines, métropoles, fonds social européen, etc…)

 

  • Les contacts des antennes d’Inter-Made.
    A Marseille, Violette Kelberine-Pérès : vkelberine@inter-made.org
    À Vitrolles, la responsable est Fatima Amaghnouj : famaghnouj@inter-made.org Tél.: 06 59 13 47 92
    À Arles, il s’agit de Juliette Duquesne : jduquesne@inter-made.org Tél. : 06 23 34 33 64
    Et à Nice, pour Az’up la personne à contacter est Mariane Varale : mvarale@intermade.org Tél. : 06 60 38 13 61