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Bali, l’envers du décor…

Par Olivier Martocq, le 30 décembre 2019

Journaliste

Aquarelle Claude Cardella

Son portrait orne l’escalier d’honneur de la Chambre de Commerce et d’Industrie Marseille-Provence. À la différence de tous les autres présidents, Claude Cardella n’y figure pas en peinture mais sur une photo – car l’homme d’influence qu’il fût au passage du siècle a toujours été iconoclaste. À la retraite il s’est servi de son entregent pour financer des douches, des sanitaires et des poubelles dans un village de carte postale sur une île présentée comme paradisiaque : Bali.

 

J’ai donné rendez-vous à Claude Cardella, 78 ans aujourd’hui, dans l’arrière-salle d’une boucherie de la rue d’Endoume aménagée en restaurant familial et confidentiel. Je l’ai connu alors qu’il était le président de la fédération du BTP. Ingénieur, chef d’entreprise, il tentait de convaincre que la domotique révolutionnerait le bâtiment. Ce mot, coBali : l’envers du décor ! 1mme le concept qu’il recouvrait, ne signifiait rien pour le grand public. C’était il y a 30 ans ! Puis il devint Président de la CCIMP. À l’époque, une puissance économique et un lieu d’influence réel qui désignait entre autres le président du Grand Port Maritime de Marseille (on disait alors le PAM, pour port autonome) et celui de l’aéroport. Qui pesait sur les choix stratégiques des différentes collectivités et de l’État. Je l’avais perdu de vue. Son mandat achevé, il avait décidé de couper les ponts. De s’isoler pour vivre sa retraite dans une ferme ardéchoise. Là-bas, d’une rencontre avec un voisin psychologue hollandais, Hanz de Groot, va naître l’association internationale « CpourE ».

 

Des conditions d’hygiène déplorables

Claude Cardella ne connaissait pas Bali. Il découvre avec le village de Lean, sur la côte est de l’île, l’envers du décor. Une population pauvre, qui loin des complexes hôteliers de luxe vit dans des conditions d’hygiène déplorables. Pas de sanitaires, des ordures qui s’amoncèlent sur la plage et autour des maisons. « Habitué à ne rester que quelques heures dans les pays où je me rendais, toujours pour des raisons professionnelles, et à ne fréquenter que les hôtels haut de gamme et leurs salles de réunions aseptisées, ce fût un choc ». À Bali, deux mondes se côtoient sans se croiser. Les zones touristiques respirent l’opulence, le luxe et la gabegie. L’arrière-cour, celle où vit la population, est composée de rizières, de champs labourés avec des bœufs et de villages de pêcheurs traditionnels, privés de matière première pour cause de surpêche par une flotte internationale de bateaux usines.

 

Un projet mené par les habitants

Bali : l’envers du décor ! 2L’association va apporter de quoi acheter les outils et matériaux nécessaires à la réalisation de sanitaires et de douches. Une vision écologique aussi avec, par exemple, des toilettes sèches. Mais ce sont les habitants qui vont réaliser les travaux, définir les priorités puis répartir les tâches incombant à chacun. « Au-delà de l’apport financier, le plus difficile est de sensibiliser à l’hygiène et à la propreté une population pauvre dont la priorité est de se nourrir. » Déterminante, la création de la décharge va donner lieu à un concours ouvert aux enfants du village. Des équipes sont constituées pour ramasser tous les détritus avec des lots à la clé, notamment des vélos tout terrain, très convoités. À cette occasion, les jeunes innovèrent en transformant des fûts en poubelles, puis en les perçant pour y passer une perche afin de les transporter selon les pratiques de portage ancestrales de l’île.

Cette mission a donné lieu à un carnet de voyage. Une édition originale comportant de nombreuses aquarelles de Claude Cardella. Une BD pourrait suivre, l’objectif étant de recueillir des fonds pour autofinancer CpourE, et ainsi permettre d’engager d’autres opérations de ce type. ♦

 

Bonus – Recommandation de lecture au rayon de la réalité de la vie sur certaines îles paradisiaques : « Paradis [avant liquidation ] » de Julien Blanc-Gras, journaliste et écrivain globe-trotter qui a fait une longue escale sur les îles Kiribati, en plein océan Pacifique.