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[Série] Mobilité #1 Marseille peut-elle devenir une ville-vélo ?

Par Olivier Martocq, le 14 janvier 2020

Journaliste

Électriques, classiques, profilés ou minimalistes, estampillés Le Vélo : on a l’impression qu’à Marseille les vélos ont poussé comme des champignons. Pourtant, ils ne représentent que 1,2% des déplacements quotidiens. Qu’est-ce qui freine ?

 

[Série] Mobilité #1 Marseille peut-elle devenir une ville-vélo ?Jean-Claude Gaudin n’a jamais considéré le vélo comme un mode de déplacement pour ses concitoyens. Sa ville, deux fois Paris intramuros (bonus) était trop étendue. Et puis, avec ces collines partout, ce moyen de locomotion ne convenait qu’aux seuls sportifs. Résultat, à Marseille, alors que 60% des habitants considèrent le vélo comme un mode de déplacement d’avenir, il ne représente aujourd’hui que 1,2% des déplacements quotidiens contre 16% à Strasbourg, 15% à Grenoble ou 5% à Paris (bonus). L’apparition du vélo électrique ayant changé la donne physique, favoriser l’essor de ce moyen de transport individuel et propre devient un des enjeux de la mobilité dans l’une des villes les plus embouteillées de France (bonus).

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Rue Paradis, un simple marquage au sol.
La mairie n’en ayant donc pas fait une priorité durant les 25 années de la mandature Gaudin, le premier frein actuel à l’extension du vélo vient de l’absence de pistes cyclables dignes de ce nom. « De simples marquages au sol à contresens du flux des voitures ou sur les trottoirs », explique Karine Zeggane, responsable d’une agence de voyage qui parcourt chaque jour à vélo les sept kilomètres qui séparent son domicile de son travail, faute d’un transport en commun direct. « Surtout, il n’y a pas de continuité. Nous bénéficions de bribes de pistes soudainement interrompues en arrivant sur une place ou un rond-point. On la retrouve après. Ou pas ! » Consciente que la mobilité serait un des enjeux de la campagne des municipales, Martine Vassal, candidate LR soutenue par Jean-Claude Gaudin, a fait adopter il y a six mois un plan ambitieux par la métropole qu’elle préside (bonus). Il prévoit la création sur 10 ans de 130 kilomètres de pistes en site propre sécurisé et le triplement du linéaire des pistes cyclables -marquage au sol- pour atteindre 400 km dès 2024. « Ces deux types d’équipements n’ont rien à voir, analyse Karine Zeggane, notre la cobaye cycliste de Marcelle. Sur une piste entièrement dédiée aux vélos, la peur disparaît totalement ». Et de fait, elle préfère désormais allonger son parcours de deux kilomètres pour emprunter la première piste sécurisée ouverte depuis cet été sur le front de mer.

 

Consensus politique général  

[Série] Mobilité #1 Marseille peut-elle devenir une ville-vélo ? 2L’arrivée d’un vélo électrique à la portée de toutes les bourses a bouleversé la donne technologique et financière : on en trouve sur le marché à moins de 500 euros désormais et le département peut contribuer avec une aide à l’achat pouvant aller jusqu’à 25% du montant (bonus). Le consensus politique est général. La période électorale actuelle propice aux surenchères ne s’applique pas en la matière. Le plan présenté et adopté par la métropole fait l’unanimité. L’écologiste Sébastien Barles alerte toutefois sur des freins annexes comme la nécessité de créer dans le même temps des places de parking sécurisées et équipées de recharges pour les vélos électriques, « sans ce type d’équipements complémentaires essentiels, les marseillais n’adhéreront pas massivement à ce moyen de transports ». Parmi ses autres préconisations l’une pour le coup beaucoup moins consensuelle est la nécessité d’une verbalisation accrue de ceux qui ne respectent pas les règlementations : « Il y a des conflits d’usages entre piétons, trottinettes, vélos et bien-sûr deux-roues. Seule la peur du gendarme peut permettre une cohabitation apaisée et sécurisée ».

 

Des comités d’usagers plus sceptiques

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La fête du vélo, grand rendez-vous des cyclistes. @Département13
L’association Vélos en Ville constate que les chiffres de départ minorent de 0,3% au moins -puisque l’étude de l’INSEE prise en compte date de 2017- le pourcentage d’utilisateurs de vélos à Marseille. Pour Cyril Pimentel, « les politiques se sont donné une marge non négligeable. Ce sera plus simple d’atteindre un objectif qui de surcroît n’est pas très ambitieux puisqu’il vise 5% des déplacements urbains » et le coordinateur de l’association sur Marseille de souligner que le vélo n’est pas un enjeu politique ou de lutte contre la pollution mais doit être considéré en tout premier lieu pour ce qu’il est et ce pourquoi il est fabriqué : « un moyen de déplacement individuel pratique, rapide, ponctuel et peu coûteux pour son utilisateur ». François Costé, haut fonctionnaire qui a notamment mené les études sur le métro et le tramway de Marseille est lui inquiet sur les délais. Administrateur de « Vélo Sapiens », autre association majeure d’utilisateurs de bicyclettes, il considère que la période actuelle d’avant élections municipales va interrompre les chantiers. « Un plan à dix ans c’est de la communication. Il faut un agenda avec des priorités immédiates. Or les appels d’offre ne sont pas encore lancés ». Parmi les statistiques récurrentes : quels que soient la ville ou le pays concernés, le pourcentage de gens qui adoptent le vélo comme moyen de locomotion est directement proportionnel aux kilomètres de pistes cyclables. Le coût de telles pistes varie, selon le cabinet de conseil en ingénierie et développement durable Inddigo, de 150 000 à 800 000 euros le km.

L’intermodalité joue aussi un rôle considérable. Avec une bonne nouvelle sur Marseille : sur le réseau RTM, depuis 2019, les vélos pliants et trottinettes sont officiellement autorisés à bord des bus, métros, tramways ou encore navettes maritimes (sous condition d’être en position pliée). Cerise sur le gâteau, les vélos pliants les moins chers sont les modèles électriques ! ♦

 

Bonus –

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    La carte des lignes vélo de Marseille.
    Taille des villes – Marseille 240 km2, Paris 105 km2, Lyon 48 km2

 

  • Le parc de vélo public à Marseille – Le Vélo, le site dédié de la métropole, propose des stations environ tous les 300 mètres. Mais tous les arrondissements de la ville ne sont pas égaux, alors que l’abonnement annuel à 5 euros est lui unique. La ville compte 14 000 abonnés et 3 000 utilisateurs quotidiens à rapprocher des 850 000 voyages par jour – chaque voyageur pouvant emprunter plusieurs fois dans la même journée un transport en commun recensé sur le réseau de la RTM (bus, métro, tramway).

 

  • Pour classer les villes les plus embouteillées de l’hexagone, les médias prennent depuis 2010 comme référence le spécialiste en GPS TOM TOM. Chaque année début février, cette société présente le programme « TomTom Traffic Index » qui définit le classement des villes les plus embouteillées du monde. Pour ce faire, l’entreprise calcule le temps moyen d’un trajet X en heure fluide puis le compare au même trajet en heure de pointe afin de calculer le temps perdu dans les embouteillages. Le résultat (donné en %) est appelé niveau de congestion urbaine. Selon ses données de l’opérateur néerlandais, 390 villes sont analysées dans 50 pays. Le lauréat de la première place est toujours Mexico (Mexique), avec des automobilistes qui mettent en moyenne 66% de temps en plus pour un même trajet aux heures de pointe. Deux capitales asiatiques complètent ce podium, Bangkok, en Thaïlande (61% de temps en plus) et Jakarta, en Indonésie (58%). Sur les 10 villes les plus embouteillées au monde, 6 sont en Asie. En Europe, c’est à l’est qu’il y a le plus de problèmes de circulation avec les 3 premières places occupées par Bucarest (50%), Moscou (44%) et Saint-Pétersbourg (41%). En France selon les années, Marseille et Paris se partagent la première place avec un taux de congestion autour de 40% ce qui les place au 4e rang européen, à égalité avec Londres. Concrètement, cela signifie que les automobilistes marseillais et parisiens passent en moyenne 158 heures par an dans les embouteillages, soit l’équivalent d’une semaine pare-chocs contre pare-chocs.

 

  • Le dispositif d’aide à l’achat du département – À compter du 1er janvier 2019 (date de la facture faisant foi), toute personne ayant sa résidence principale dans le département des Bouches-du-Rhône, sans aucune condition de ressources, pourra bénéficier d’une aide correspondant à 25% du prix d’achat d’un vélo à assistance électrique, plafonnée à 400 euros. Pour déposer son dossier, c’est ici.