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Notilo Plus : la future sentinelle des mers

Par Olivier Martocq, le 22 janvier 2020

Journaliste

Photo @Notilo Plus

[mer] Les drones volants permettent depuis une dizaine d’années à tout un chacun de réaliser vidéos et photos aériennes. Les plongeurs attendaient l’équivalent en version sous-marine. Elle vient d’arriver sur le marché grâce à Notilo Plus, une start-up marseillo-lyonnaise.

 

« L’idée de départ était simple et à priori facile. Il s’agissait de concevoir une nouvelle application de loisirs. Un drone pour filmer sous l’eau depuis un bateau, le quai d’un port ou même une plage, à la portée de toutes les bourses. Sauf qu’on s’est rendu compte que c’était impossible à faire car toutes les technologies applicables pour piloter et garder le contact avec des drones aériens – Bluetooth, wifi, GPS- ne fonctionnent plus dès que l’on s’enfonce de quelques centimètres sous l’eau ».

 

Une technologie nouvelle !

Notilo Plus : la future sentinelle des mers 1
Nicolas Gambini

Expliquer simplement un problème d’une complexité redoutable n’est pas donné à tout le monde. Nicolas Gambini, le président fondateur de Notilo Plus, utilise un vocabulaire accessible. Raconte que son aventure industrielle a mis trois ans pour aboutir à l’objet jaune en forme de soucoupe qu’il tient à la main. Trois ans pour réunir une équipe de chercheurs, financer et fabriquer le premier drone sous-marin au monde. « Jusqu’à notre invention, il n’y avait que les ROV, des engins téléguidés depuis la surface avec un fil. C’était compliqué à mettre en œuvre et limité du fait du câble. Il fallait trouver une technologie qui n’existait nulle part ailleurs. Et on l’a fait ! »

 

Quand les industriels se jettent sur une invention

À Marseille, Notilo Plus a intégré ZEBOX, l’incubateur de la CMA-CGM (bonus) et ce n’est pas un hasard. Car certains, comme l’armateur français, viennent avec leurs propres problématiques : des navires de 400 mètres de long et 60 de large – « un paquet de terrains de foot à inspecter sous l’eau. C’est la demande des professionnels qui nous a fait évoluer ».

Le constat pour les armateurs est simple. Depuis les années 60 et la généralisation du scaphandre autonome Cousteau, la méthodologie n’a guère évolué. L’opération est réalisée avec des équipes de plongeurs. Leurs rapports mettent du temps à parvenir au siège, et selon les pays où est réalisée l’inspection, la méthode employée et les contraintes météo, le coût varie entre 1 000 et 2000 euros la journée. Il est en outre impossible de savoir si cette inspection a été minutieuse. Or cette opération est essentielle pour des questions de sécurité, comme un choc en mer avec un objet flottant ou des paquets de drogue arrimés sous la coque lors d’une escale par les trafiquants. Au-delà, l’état de la peinture agit directement sur le rendement d’un bateau, qui peut perdre de la vitesse et consommer beaucoup plus si l’antifouling (enduit contenant des biocides destinée à empêcher les organismes aquatiques de se fixer sur la coque – ndlr) n’est plus efficace.

 

L’avantage du drone sur le plongeur 

Notilo Plus : la future sentinelle des mers 2Avec le drone, l’inspection se fera à tout moment en temps réel puisqu’il suffira de mettre à l’eau l’engin présent sur le navire. Totalement automatisées, les données seront envoyées en temps réel au centre de contrôle de la compagnie. Pour la CMA-CGM, il s’agit d’une révolution digitale. « Ils ont fait une étude de marché au niveau mondiale avant de nous choisir », glisse Nicolas Gambini. Commande potentielle :  509 drones. De son côté, EDF s’est montrée intéressé pour l’examen de fissures potentielles sur ses barrages. D’où l’apparition sur le catalogue d’une version professionnelle tournée vers l’inspection et la maintenance de toutes les infrastructures immergées.

Le Commandant Jean-Jacques Renoult, chef du centre national de plongée et référent national des activités aquatiques hyperbares de la Sécurité Civile a lui aussi pris langue avec Notilo Plus. Il a demandé aux ingénieurs de travailler sur un drone qui pourrait travailler en milieu urbain lors des inondations. L’objectif étant de pouvoir repérer dans des eaux boueuses avec un très fort courant des corps ou des objets, comme une voiture emportée avec ses occupants par une crue subite. « Il s’agit pour nous de gagner du temps. D’éviter de longues recherches très aléatoires et de mobiliser les équipes de sauveteurs/plongeurs pour aller chercher les corps ». Pour donner une idée de l’enjeu, le pompier rappelle que lors des épisodes climatiques méditerranéens extrêmes, ses équipes réalisent jusqu’à 600 missions par jour.

 

L’intelligence artificielle au service des pompiers

Les pompiers comme les ingénieurs de Notilo misent sur l’intelligence artificielle pour analyser une foule de données recueillies par les capteurs ou caméras thermiques (pour la vision nocturne) qui équiperont le drone pour détecter la victime. « On explique nos techniques de recherche et leurs développeurs les intègrent dans leurs programmes ce qui permet au drone de répondre exactement aux besoins », explique le patron de la start-up.

Autre axe de travail : la formation. « On a une approche par compétence et retour d’expérience. Le drone nous permet de filmer en conditions réelles ce qui se passe sous l’eau durant l’apprentissage et de le retranscrire ensuite lors du debrief ». Dans ce dernier cas le modèle utilisé est alors proche de celui de l’amateur de plongée.

 

Une veille environnementale

« Demain on sera la sentinelle des mers ». Nicolas Gambini a une vision presque sociétale de ce que pourrait permettre son invention. « Un drone dans chaque port pourra à la fois être un support logistique pour l’inspection de toutes les coques de navires mais aussi des fonds. Les capteurs seront capables d’analyser la température et la qualité de l’eau, de remonter sur les sources de pollution comme les batteries ou les trottinettes électriques jetée par-dessus bord ».

Plus besoin d’équipes dédiées car l’engin peut être manipulé par n’importe qui. D’une facilité d’utilisation et d’une simplicité de mise en œuvre déconcertante, un peu comme une console de jeu. Toute la data conçue autour du drone fait également appel à des technologies complexes mais d’une utilisation simple et automatisée qui permet par exemple d’envoyer directement les données recueillies à des kilomètres de là, pour traitement par des laboratoires spécialisés. Plus besoin de posséder soi-même une base de gestion dédiée et compliquée à développer. Les données recueillies peuvent par exemple être immédiatement envoyées et intégrées dans des bases externes déjà existantes de ports, de villes ou de côtes.

Le tout accessible au grand public. « La force de notre plateforme c’est qu’elle est totalement modulable. C’est un couteau suisse sous l’eau avec des capteurs capables d’interagir avec des données en surface. On adapte la machine en fonction des cas d’usage du client. »

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Un produit 100% français

L’idée couchée sur une feuille de papier en 2016 est devenue une PME high-tech d’une trentaine de salariés qui, lors de sa première année de commercialisation en 2019, a livré 300 drones (bonus). Au-delà de ces données économiques, le discours de Nicolas Gambini est intéressant car il marque une rupture avec la vision des sociétés high-tech de ces dernières années. Notilo Plus conçoit et fabrique en France : « Un engin qu’on envoie par 100 mètres de fonds ne supporte pas la médiocrité, il faut que tous vos fournisseurs soient fiables. »

C’est un équipementier automobile, EFI automotive, qui assemble la coque dans son atelier de Joinville, en Haute-Marne. « Les dirigeants de cette entreprise familiale ont donné un coup de pouce en entrant dans notre capital. » Ce modèle vertueux ou l’emploi d’une ligne standard automobile reconditionnée permet de pérenniser l’emploi dans cette région en y apportant une industrie nouvelle high tech et finalement très … Marcelle. ♦

À quoi peut ressembler une start-up sociale ? 5

* RushOnGame, parrain de la rubrique « Économie », vous offre la lecture de l’article dans son intégralité *

 

 

Bonus – [Pour les abonnés] Les articles Notilo dans le commerce – L’incubateur CMA-CGM

  • Shopping – Le drone de loisir, iBubble, équipé d’un sonar pour repérer la position du plongeur et éviter les obstacles coûte 4 500 euros TTC. Une version sur mesure, Seasam commence à 9 900 euros HT et peut monter à bien plus en fonction des éléments que l’industriel entend y intégrer.

 

  • L’incubateur de la CMA-CGM – ZEBOX, inauguré en septembre 2018, est l’accélérateur international de start-ups innovantes fondé à l’initiative de Rodolphe Saadé, président directeur général de CMA CGM et dirigé par Matthieu Somekh, un expert de l’entrepreneuriat et de l’innovation. Des partenaires leaders dans leurs domaines et d’envergure mondiale tels que ACCENTURE, BNP Paribas, Centrimex, CEVA, EY & CIMC soutiennent déjà la structure. ZEBOX se concentre sur deux domaines sectoriels : le transport, la logistique, les mobilités, et l’industrie X.0 avec au cœur de chaque projet sélectionné, des technologies de pointe, telles que l’intelligence artificielle, la blockchain, la réalité virtuelle ou augmentée, l’IoT et la robotique. ZEBOX propose aux start-ups deux programmes d’accompagnement adaptés selon l’état d’avancement de leur projet. Un an après sa création, une nouvelle étape sera franchie avec l’ouverture prochaine d’un nouveau hub d’incubation aux Caraïbes. Une trentaine de start-ups venues du monde entier sont aujourd’hui accompagnées dans le développement de leur potentiel.