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Le ZEF, la scène nationale qui souffle sur Marseille du Nord… au Sud !

Par Nathania Cahen, le 9 février 2020

Journaliste

Photo Vincent Beaume

En juin 2019, la scène nationale des quartiers nord de Marseille abandonne son nom de Merlan pour celui de ZEF. Trop d’arêtes dans le poisson ? Trêve de plaisanterie. Ce petit vent nouveau a attisé la fusion avec la Gare Franche, autre place culturelle installée à 6,3 km de là. Cette identité commune rassemble 30 salariés, génère une programmation enrichie et ouverte à de nouveaux usages comme le jardinage, la cuisine, le développement durable…

 

Le Zef ? « Parce que le vent ne connaît ni les frontières ni les saisons, il prend toutes les formes, sait claquer et se montrer si doux », argumente avec poésie Francesca Poloniato, directrice de la nouvelle entité. Pour ne rien gâcher, la Gare Franche est une annexe plaisante en trois parties – un jardin potager, une usine désaffectée et une ancienne bastide. « Ce sera notre fabrique artistique », se réjouit Francesca Poloniato, directrice du Merlan depuis 2015.

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L’Usine du ZEF

Baptisé Au fil de l’autre, son programme repose sur trois valeurs : « la présence, l’ouverture et le partage ». La programmation est éclectique, exigeante et pointue, mais reste accessible à un large public. Des comédiens, metteurs en scène ou chorégraphes prestigieux – Pippo Delbono, Emma Dante, Anne Teresa de Keersmaeker, Thomas Lebrun ou TGSTAN – en ont déjà occupé la scène. Très mama latine, Francesca Poloniato forme aussi une « bande », dix artistes associés pour trois ans, choisis pour l’émotion artistique et la générosité contenues dans leur travail, pour leur envie de servir ce territoire. C’est par exemple la photographe Yohanne Lamoulère, dont Marcelle a déjà évoqué le travail (lire l’article).

 

Être au nord implique de faire du bruit

Si Le ZEF ex-Merlan n’est pas si loin que ça du centre, il n’est pas si près non plus. Avec des transports en commun qui traversent moult cités et n’aiment pas trop la nuit, et beaucoup de fantasmes, toujours, sur ces quartiers tricotés en tours et en barres. « Cela implique d’être constamment visible, de faire du bruit ». Mais pas seulement. Activités et liens transverses sont noués : les femmes cuisinent, des artistes s’impliquent auprès de la population, des jeunes s’occupent des ruches placées sur le toit terrasse, et la bibliothèque du 2e étage crée du passage

 

Marcelle et Francesca, l’idylle

Ce n’est pas le nom d’un film, mais celui d’une belle histoire. Au début de l’été 2018, Marcelle n’était encore qu’un projet qui cherchait une base de lancement pour sa présentation. Dans notre quête de lieu idéal, le Merlan était sorti du chapeau. Au mail parti un lundi matin a répondu un coup de fil moins d’une heure plus tard : « C’est super votre projet ! On peut se rencontrer ? » Francesca ou l’art de la joie. Gare, c’est contagieux ! ♦

– Marcelle s’en mêle –

 

Quelles sont les valeurs portées par votre entreprise ?

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Photo C. Marc

Francesca Poloniato – L’engagement, via des projets fédérant population, artistes, équipe, institutions. Être au plus près de l’autre, pas dans une position de sachant mais de partage. Les fondamentaux du projet en trois mots : présence, ouverture et partage.

 

Quelles causes vous sont chères ?

L’engagement envers toutes les personnes qui me font confiance, la loyauté, le soutien aux artistes, en les accompagnant du mieux que je puisse et sache faire. Le respect de l’autre, ce qui amène de la solidarité, le partage. L’environnement, important aussi. Nous veillons sur lui avec notre semaine nature et bien commun, en co-construction avec des artistes et des habitants.

 

Votre philosophie en matière de solidarité ?

Être présente et réactive. Agir dès que possible. Comme pendant l’épidémie de coronavirus, en aidant depuis nos bureaux à acheter livres, crayons, papier, cahiers, en mettant notre photocopieuse à disposition de la population alentours, des cités voisines.

 

Une association que vous soutenez ?

À titre professionnel, nous essayons de répondre aux besoins des associations. C’est par exemple la mise à disposition de la salle de spectacle, ou du hall, ou de l’usine. Ou un coup de main du service communication. Nous essayons de travailler avec le plus grand nombre d’associations du quartier ; je ne sais si cela veut dire soutenir ? ♦

 

Bonus 

  • L’histoire du Merlan– À partir des années 1960, la ville de Marseille, alors dirigée par Gaston Defferre, lance des projets d’urbanisation pour les 13e et 14e arrondissements de la ville. Le Centre urbain du Merlan est conçu dans ce cadre : un groupe de promoteurs immobiliers souhaite y implanter une galerie marchande et obtient l’accord de la municipalité en échange d’une surface de 2 000 m2 dédiée à des équipements municipaux.
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La grande salle du ZEF

C’est ainsi qu’en 1976 le bâtiment est réalisé, sous la direction de l’architecte Guillaume Gillet. Il regroupe alors une galerie marchande, une bibliothèque municipale, un centre médical, un commissariat de police, un bureau municipal de proximité et un parking. À la suite de tensions entre les jeunes du quartier et les forces de l’ordre – notamment après la mort de Lahouari Ben Mohamed le 18 octobre 1980 – la décision est prise d’y implanter un théâtre. Jean-Pierre Daniel, animateur social, initie une première action culturelle en faveur de la promotion du théâtre et du cinéma. Cette première expérience culturelle se mue en un théâtre de ville, dirigé par Renaud Mouillac jusqu’en 1992.

Le théâtre est labellisé scène nationale en 1992 et Alain Liévaux en prend la direction pendant 10 ans. Son projet a pour objectif d’ancrer le théâtre sur le territoire et de développer les liens avec les habitants et opérateurs socioculturels. De 2003 à 2014, Nathalie Marteau en prend la direction.

 

  •  Les chiffres –  30 salariés, un budget annuel de 3 millions d’euros en 2020 (la collectivité qui subventionne le plus est la ville de Marseille), une trentaine de spectacles et presque deux fois plus de représentations…

 

  •  Pratique – Le ZEF-Merlan : avenue Raimu, Marseille 14e Le ZEF-Gare Franche, 7, chemin des Tuileries. Marseille 15e Tél. : 04 91 11 19 20 Plein tarif : 15 euros. Minima sociaux : 3 euros. Tarif groupe 10 personnes : 10 euros. Carte famille : 5 euros pour des spectacles à 5 euros.