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« Concevoir ensemble une ville belle, dont nous soyons fiers »

Par Guylaine Idoux, le 6 mars 2020

Journaliste

[Aux urnes] #11. Jean-Luc Rolland est architecte, ancien conseiller de l’Ordre Régional des Architectes. Il exerce désormais entre Marseille et Angers.

 

"Faire ensemble une ville belle, dont nous soyons fiers" 1Son état des lieux : « Je travaille à Marseille depuis 40 ans. Le principal objectif de l’équipe municipale, après avoir pris le pouvoir, a été de le conserver. Jusqu’à la nécrose de l’institution communale que nous vivons aujourd’hui. Pour cette équipe, idéologiquement, faire marcher la ville, c’était faire marcher les affaires. Jusqu’à transformer Marseille en champ de prédation pour les promoteurs immobiliers et les multinationales du bâtiment. Les grands projets y sont souvent confiés à des groupes privés qui font un urbanisme de profit, aménageant en retour une sociologie électorale qui renforce le pouvoir en place.

Les opérations conduites par la Soleam, société d’aménagement de la ville de Marseille, sont une offense pour des architectes qui aiment leur métier, par leur médiocrité, leur vulgarité, une densité mal gérée et une concertation quasi absente. Fait n’importe comment, sans véritable plan directeur (comme le quartier du Rouet, la Capelette, Saint Henri, le Stade ou tant d’autres), cet urbanisme va jusqu’à oublier les équipements publics, privilégiant la seule spéculation immobilière sans souci du bien commun. A Marseille, faute d’entretien, les piscines ferment, les écoles prennent l’eau, le patrimoine ancien s’écroule…

Au-delà de la rue d’Aubagne, cas emblématique, voyez le nombre d’immeubles murés, en arrêté de péril ! On ne voit pas cela ailleurs en France.»

 

Ses 100 premiers jours à la mairie : « Un maire ne peut gérer sa ville sans une véritable administration.

Il faudrait d’abord, ici, remettre de l’ordre dans les services, revoir l’organisation, le recrutement, l’influence de certains pouvoirs, rétablir les personnes compétentes qui y travaillent mais ont été écartées, ou en sont parties écœurées par le système. Il faut aussi assainir les comportements, en partant du haut de l’organigramme, pour servir à tous d’exemple à suivre. C’est déjà, là, un travail titanesque.

En parallèle, il faudrait immédiatement mener un important travail de réflexion sur les objectifs pour la ville, pour les traduire dans la planification urbaine, la politique sociale, économique et culturelle, les enjeux en termes de logement, d’adaptation aux changements climatiques, d’évolution des pratiques urbaines, etc. Cela, bien sûr, en concertation avec les habitants et les collectivités périphériques.

Il faudra restaurer un équilibre entre le nord et le sud de la ville, améliorer le confort de vie en milieu urbain, réinventer une architecture méridionale. Cela passe par une meilleure répartition de la commande architecturale, plus diversifiée, moins assujettie aux intérêts purement financiers, plus habitée par le projet de faire ensemble une ville belle, pour tous, et dont nous soyons fiers, comme, un temps, Paris ou Barcelone… Marseille le vaut largement et le mérite, absolument !

Mais, en vérité, rien que mettre en ordre l’appareil municipal et assainir la ville devraient prendre au moins un mandat. Au risque de perdre les élections suivantes ! La situation me semblait désespérante, voilà qu’elle me paraît désespérée ! ». ♦