Fermer

[Série] Comment éviter de s’entre-tuer pendant le Covid #2 le couple

Par Marie Le Marois, le 9 avril 2020

Journaliste

#gérerlapromiscuité. L’amour est mis à rude épreuve avec le confinement. Vivre H24 ensemble peut exacerber les tensions et multiplier les prises de bec. Les autorités chinoises ont d’ailleurs constaté une hausse des demandes de divorce à la levée du confinement, selon le journal chinois Global Times. Voici quelques outils pour amortir les turbulences et éviter la chute.

 

Aucun couple n’est à l’abri de conflits en ce moment. Pas même ceux qui ont 30 ans d’existence. Car cette situation inédite vient mettre à mal un équilibre, parfois patiemment construit. « Les trois premières semaines, je me sentais comme une étrangère avec mon mari, incapable de communiquer avec lui sans aboyer, raconte Juliette, 20 ans de mariage. Avec du recul, je pense que j’étais totalement perdue, coupée de mes émotions : je n’avais plus mes repères ni mes soupapes habituelles. Avec le temps, on a fini par réussir à trouver chacun notre propre tempo, puis notre tempo à deux ».

 

Trouver de nouvelles stratégies

couple-confinement-conseil-coronavirusSi la relation était fluide avant le confinement, « le couple trouve solutions et stratégies pour y faire face », observe Michèle Spina, thérapeute de couple à Aix. Cela est d’autant plus vrai quand chacun des partenaires se nourrit déjà d’activités praticables à la maison. Ainsi Sophie et Sandrine, toutes deux casanières, se réjouissent de s’adonner pleinement à leurs intérêts communs : vieux films, lectures et discussions au coin du feu. « Mais pour les couples qui commençaient à être en difficulté et pour lesquels les stratégies étaient externes – travail, activités, vie sociale -, alors là oui, c’est compliqué. Car ils doivent faire face en même temps à leur propre intériorité et à l’intériorité de l’autre ». Dans ce contexte, les petits agacements du quotidien peuvent prendre de l’ampleur et les tensions latentes exploser. Parfois avec brutalité. Les signalements pour des faits de violence familiale et conjugale ont dramatiquement augmenté de plus de 30% (bonus).

 

Mettre les rancœurs de côté

Pour la thérapeute, ce n’est pas le moment de faire ses comptes, « il faut mettre de côté ses rancœurs et se serrer les coudes ». Difficile en effet d’être objectif sur son couple, tant les éléments pouvant parasiter la réflexion sont nombreux : contraintes du confinement, incertitude quant à sa fin, peur d’être malade. Sans compter la gestion complexe du télétravail et, éventuellement, du travail et devoirs des enfants. L’enjeu alors est de laisser glisser les prises de bec, lâcher les exigences envers son partenaire et réinventer un nouvel équilibre, « qui conjugue affirmation de soi et relation conjugale », précise Serge Chaumier, sociologue qui a analysé l’évolution du couple dans L’amour fissionnel, le nouvel art d’aimer.

 

Créer des zones de retrait

[Série] Comment éviter de ‘’s’entre-tuer’’ en couple #2L’intimité avec soi-même fait partie de nos besoins essentiels, d’autant plus en ce temps de confinement. Ce petit poumon personnel est essentiel, selon Robert Neuburger, psychiatre, psychanalyste et thérapeute de couple. Il permet de se régénérer et, par là même, de régénérer son couple. « Tout l’enjeu est de savoir préserver ou créer cette intimité, limitée par l’espace lui-même ». Il est entendu qu’il est plus facile de la nourrir dans une maison avec jardin que dans un petit appartement avec des enfants en bas âge. Mais pour l’auteur de ‘’On arrête ?… On continue ?’’ et Les territoires de l’intime, l’essentiel est de disposer au moins d’un coin à soi, « où les autres ont interdiction d’aller ». Un endroit où on peut se réfugier pour nourrir son intériorité ou respirer en cas de tension. Ce peut être un coin du salon ou de la chambre. Magali, par exemple, pratique une demi-heure de méditation dans l’espace qu’elle s’est choisi : entre le mur et le lit. Il ne s’agit pas seulement de vivre ensemble mais aussi d’être « libres ensemble », pour reprendre l’expression du sociologue François de Singly. De vivre des temps pour soi et des temps partagés, dans le respect mutuel.

 

Nourrir la relation

Un couple, c’est 1 + 1 = 3 (moi, lui, nous), selon Rose-Marie Charest, psychologue, co-auteure de Oser le couple. Pour faire vivre cette troisième entité, il ne suffit pas de se réaliser chacun de son côté, mais de nourrir le lien conjugal. Comment ? En prenant conscience de cette responsabilité et en choyant son couple. « Avec beaucoup de douceur, préconise Michèle Spina. Il est important d’éviter déjà tout ce qui est anxiogène pour favoriser harmonie et tranquillité, de pointer le beau et le bon, d’agrémenter le quotidien de ludique et de mettre en place des rituels ». Elle cite ce couple à qui elle vient de conseiller le jeu du roi et de la reine : « chacun à son tour s’assoit, et l’autre l’inonde de qualités et de compliments. C’est un moment de qualité qui doit se dérouler lentement, de façon à ce que celui qui donne ait le temps de chercher en lui ce que l’autre a de beau et de bon, et celui qui reçoit, de les accueillir ».

 

Pratiquer une activité ensemble

don-solidaritePour nourrir la relation, il est fructueux également de pratiquer une activité ensemble : faire du yoga, lire le même livre, bricoler, trier objets et vêtements. « Mettre de l’ordre chez soi, c’est par ricochets mettre de l’ordre en soi. Cela permet de se délester de ce qui nous encombre l’esprit et de se réinviter », préconise Nadine Hamoudi, psychothérapeute au Chemin Vert, association de psychothérapie marseillaise. Cela peut être également cuisiner ensemble pour les soignants de l’hôpital ou participer à une maraude. S’engager pour les autres enrichit et transcende le couple, et il y a tant de besoins en ce moment pour pallier les manques dont souffrent les populations les plus fragiles. Ces moments partagés nécessitent de préserver l’intimité du couple, qu’il y ait ou non d’autres personnes dans le foyer : s’accorder un moment précis dans la journée, interdire l’accès de la chambre… « Tout est une question de gestion de temps et d’espace. Au couple de définir ensemble un cadre, en organisant une réunion par exemple à deux une fois par semaine », propose le Dr Neuburger.

 

Faire des projets

Pour le psychiatre, même si l’avenir est incertain, il est important de continuer à construire des projets ensemble, car ils donnent de la substance au ‘’nous’’. Ils nourrissent la relation par l’échange et la confrontation des points de vue. Ils permettent de révéler ou confirmer des facettes de son (sa) bien-aimé(e), de poser sur lui (elle) un regard nouveau et, par là, de raviver le désir. Ils concentrent les énergies dans une même direction et les démultiplient. Ce pas de deux dynamise le couple, le met en mouvement, le ‘’jette en avant’’, selon le sens étymologique du terme ‘’projet’’. Sarah et Luc, qui vivent en appartement, ne cessent de parler de leur désir de déménager à la campagne, pour « s’enivrer de nature, après toutes ces années de béton ».

Se poser les bonnes questions

abre-foretCe temps de confinement est l’occasion d’envisager la suite : avons-nous envie de modifier des choses dans notre couple ? Notre vie de famille ? Notre travail ? Notre mode de consommation ? « Ce confinement nous extrait du tourbillon dans lequel on se noyait. La vie nous échappait complétement. Avec cette situation, le temps a soudain une présence », observe le Dr Neuburger.  C’est le moment de se poser les bonnes questions et d’écouter ce que dit l’autre, « avec ses mots et la musique de sa parole, ses silences, ses ponctuations, sa posture », détaille Nicole Sarradon, psychologue, psychothérapeute RE ® à Marseille. La lenteur, le silence, le calme, imposés par le confinement, sont l’occasion d’engendrer un nouveau couple, avec ses propres valeurs. Car l’amour ne s’enferme pas dans une vérité absolue. Chacun fonctionne d’autant mieux qu’il s’est inventé lui même ♦

 

[Focus] Les thérapeutes sont là pour vous écouter

 

  • Michèle Spina, psycho-pédagogue, thérapeute conjugale et familiale à Aix et Pertuis, a ouvert un cabinet virtuel. Elle s’appuie sur Imago, méthode relationnelle qui met l’accent sur la qualité de conscience et de présence dans la relation. Elle propose une séance gratuite pour toute personne en difficulté avec le confinement. Au téléphone (06 47 49 03 88), via Messenger, FaceTime, WhatsApp ou Skype.
  • Le Chemin vert propose des consultations en ligne de soutien ou de thérapie pour les couples via Skype. Méthodes pratiquées : psychothérapie classique, EMDR,  EFT, Sophrologie, Tipi. Rdv au 04 91 53 47 30
  • Des praticien.nes de La Méthode RE – Relationship Enhancement® dont Nicole Sarradon se mobilisent pour une Écoute et un Soutien gratuits pendant le temps du confinement. Cette méthode que l’on peut traduire par « Embellissement de la relation » a été créée par Bernard et Louise Guerney aux Etats-Unis dans les années 60. Encore peu développée en France, elle permet de restaurer et de renforcer le lien avec autrui. Contact via la messagerie de la page IFRE ou secretariat.ifre@gmail.com. Conseils de Nicole Sarradon sur le confinement en couple et en famille ici.

 

 [Focus] Les outils pour éviter de s’entre-tuer
  • [Série] Comment éviter de s’entre-tuer pendant le Covid #2 le coupleSoazig Castelnerac, fondatrice du concept Save Your Love Date a imaginé un rendez-vous Syld spécial confinement pour aider les couples à partager leurs angoisses et leurs besoins, à organiser le quotidien pour que chacun y trouve sa place, à désamorcer les conflits en les anticipant et les inciter à passer du temps de qualité à deux. Ce rendez-vous est offert et téléchargeable ici.  Save Your Love date est un parcours unique de communication, avec 12 thèmes de rendez-vous guidés par des questions pertinentes et percutantes.

 

 

 

Bonus
  • Le confinement est un facteur aggravant des violences conjugales. Une cocotte-minute qui peut exploser à tout moment. Des dispositifs ont été mis en place : 

– Appeler le Cidff Phocéen : 04 96 11 07 99

– Appeler Violence Femmes Info : 39 19

– Envoyer un SMS au 114

– Envoyer un message sur la plateforme d’écoute Stop-violences-femmes.gouv.fr

– Envoyer un signalement sur l’application mobile App-Elles

Comme il est difficile pour les femmes d’appeler alors qu’elles vivent sous le même toit que leur conjoint, deux dispositifs sont ou seront mis en place :

– Un dispositif d’alerte dans les pharmacies. ll suffit aux victimes de prononcer le terme « Masque 19 »

– Des points d’accompagnement éphémères dans les centres commerciaux