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Avec Vanilla Milk, l’allaitement maternel a enfin sa communauté !

Par Nathania Cahen, le 22 avril 2020

Journaliste

Sur une carte de France, des icônes de 6 couleurs. Jaune pour les mamans en mal de conseils, rose pour les lactariums, bleu foncé pour les experts en allaitement, bleu roi pour les lieux où les mamans sont les bienvenues à l’heure d’allaiter…

Lauréate du concours de la fabrique Aviva en 2019, en ligne depuis deux mois, la plateforme Vanilla Milk crée des liens autour de l’allaitement maternel. On vous en donne le détail. Avant de céder la place à un pédiatre qui vous dira tout le bien qu’il pense de l’allaitement maternel.

 

Elle a déjà eu ses deux enfants et vient de quitter la Belgique pour la France quand la question de l’allaitement maternel vient la turlupiner. « En France, je découvre qu’il y zéro réseau, rien pour accompagner et renseigner les futures et jeunes mamans souhaitant allaiter. Qui ont souvent des questions mais n’osent pas les poser. Avec Vanilla Milk, l’allaitement maternel a (enfin) sa communauté 3Et qui renoncent parfois faute d’avoir les bonnes informations », se rappelle Stéphanie Habenstein.

On est en 2015 et elle constate alors : « Il y avait bien des groupes de discussion informels, sur Facebook par exemple, mais exempts d’une quelconque validation professionnelle. Alors que des professionnels, il y en a ! »

Il existe pourtant une profession dédiée, alors très peu répandue en France : consultant en lactation, consultante devrait-on dire tant la fonction est féminine. Il s’agit essentiellement de sages-femmes et d’auxiliaires puéricultrices qui, à l’issue d’une formation approfondie, deviennent des spécialistes de l’allaitement maternel et de la lactation humaine (bonus). On compte désormais 576 professionnels (chiffre de février).

Et puis l’allaitement a de nouveau la cote. Une étude de 2017 réalisée conjointement par La boîte rose et la Maison des Maternelles auprès de 7 000 femmes pointe que 71% des femmes ont toujours voulu allaiter. Mais que 25% d’entre elles hésitaient ou se posaient des questions ! Un tiers des réfractaires avoue l’être faute de savoir comment s’y prendre. De plus, le scandale Lactalis est passé par là, et a joué en faveur de l’allaitement maternel.

 

Une plateforme solidaire

Avec Vanilla Milk, l’allaitement maternel a (enfin) sa communauté 2Dans une autre vie, Stéphanie Habenstein a été responsable ventes et e-commerce pour Logitech et Kodak. Le salariat n’était cependant pas sa voie. Elle rêve d’un projet avec du sens, a envie d’être seule maître à bord. « J’ai alors choisi ma cause, l’allaitement. Par solidarité avec toutes ces mères qui subissent une grosse pression ! »

Elle se rapproche d’une infirmière puéricultrice de la région lyonnaise, Laurie Poquérusse. En binôme, entre 2017 et 2019, elles mûrissent ensemble le concept d’une plateforme croisant le référencement et la mise en relation de mamans ou futures mamans avec des spécialistes de l’allaitement. « Compte tenu de ce chiffre incroyable : 96% de mamans ayant allaité sont prêtes à se rendre utiles ». Vanilla Milk entre en gestation.

Stéphanie Habenstein ne se lance pas à la légère. À l’IRCE (Institut régional des chefs d’entreprise) des Milles, à côté d’Aix, elle suit le module « Créer son entreprise », puis intègre l’incubateur  « Les Premières » pour un programme de mentorat.

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Le soutien de la Leche League
Avec Vanilla Milk, l’allaitement maternel a (enfin) sa communauté 1
Laurie Poquérusse et Stéphanie Habenstein

Les jeunes femmes peinent pourtant à décrocher des aides : « Ce n’était pas facile car en dépit d’innovations d’usage, le projet n’était pas très technologique ». Mais l’an dernier, elles remportent le concours de la Fabrique Aviva et un généreux chèque de 40 000 euros qui va permettre de développer l’application.

La plateforme est désormais ouverte, fonctionnelle. Avec le soutien précieux de la puissante Leche League (association internationale de soutien et information sur l’allaitement maternel). Le modèle économique table sur des partenariats avec des marques spécialisées dont le référencement sera payant – la marque de tire-laits Kitett est déjà intéressée. Ainsi que la mise en place prochaine d’un calendrier d’événements – rencontres, conférences. On y trouve également un annuaire et des conseils de lectures. Deux mille mamans y sont déjà référencées. C’est beaucoup, et peu en regard des 758 000 bébés nés en France en 2018. Mais une telle marge de progression, c’est encore mieux qu’une bénédiction ! ♦

 

Bonus
  • Interview du Dr Nicolas Falaise, pédiatre à Marseille, co-responsable du DU allaitement maternel de l’Université Aix-Marseille.

Marcelle – On parle toujours des « bienfaits de l’allaitement maternel ». Mais quels sont-ils précisément pour un nouveau-né ?

Pendant le coronavirus, quelles consultations continuent ? 2Dr Falaise – Des hauts niveaux de preuves scientifiques nous permettent de dire qu’allaiter son bébé diminue significativement le risque de diarrhées infectieuses, d’infections ORL et respiratoires de la petite enfance. Toujours avec un haut niveau de preuves, nous savons que le risque de mort subite du nourrisson est divisé par deux lorsque le bébé est allaité.

Il est prouvé aussi que chez les prématurés, le lait de leur mère permet une diminution des infections digestives graves, et un meilleur développement cognitif.

D’autres études tendent à prouver qu’être allaité serait bénéfique pour des pathologies de l’âge adulte ! Obésité, diabète, maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, maladies coronariennes…).

La recherche scientifique est très active pour comprendre le rôle d’une multitude de substances bioactives présentes dans le lait maternel : les cellules souches (capables de réparer un tissu), les microARN (capables de réparer l’ADN), les substances pro et pré-biotiques (fondatrices du microbiote intestinal si important), les chémokines et les cytokines qui régulent la balance inflammatoire et l’immunité, les hormones, les facteurs de croissance… Et les plus beaux effets sur la santé du lait maternel restent sans doute à trouver !

L’allaitement peut changer de façon déterminante la trajectoire de santé d’un bébé pour tout le restant de sa vie. Mais avant tout, le lait maternel est l’aliment le plus adapté à la croissance et au bon développement de l’enfant.

 

Pour les mères, le bénéfice est-il seulement un risque moindre de développer un cancer du sein ?

Les bénéfices de l’allaitement maternel ne concernent pas seulement des pathologies rares, bien que graves, tels que les cancers hormono-dépendants (sein, endomètre ou ovaire), mais aussi des pathologies chroniques, beaucoup plus fréquentes, telles que les maladies cardio-vasculaires, l’hypertension et le diabète. Les mères qui allaitent ont moins de saignements dans le post-partum, et leur corollaire, moins d’anémie.

La dépression du post-partum, qui toucherait environ 15% des femmes, est diminuée en cas d’allaitement maternel.

Des études de bonne qualité montrent que l’attachement entre une mère et son bébé est facilité lors de l’allaitement. Et beaucoup de mamans apprécient les économies substantielles que permet l’allaitement ; certaines avancent même des considérations écologiques.

 

Qu’argumenter face aux nouvelles mamans qui redoutent d’être « esclaves » de leur bébé ?

Avec Vanilla Milk, l’allaitement maternel a (enfin) sa communauté 4Il est exact que souvent les mamans sont en porte-à-faux entre, d’un côté les ancrages biologiques de la maternité (je ne parle pas ici d’instinct maternel), et de l’autre côté les pressions et les normes sociales. Elles savent qu’en passant par l’observation de leur bébé, il sera nécessaire qu’il tète beaucoup le premier mois, qu’il tète la nuit le premier trimestre, qu’ils partagent la chambre au moins six mois… et que le papa et elle porteront beaucoup leur bébé les premières semaines.

Mais… « on » demande à la maman si le bébé fait ses nuits dès le premier mois, « on » lui assure que si elle le porte trop, elle en fera un être capricieux qui la tiendra en esclavagisme. Quant à ses pleurs, ils sont interprétés comme de la faim : son lait n’est donc sûrement pas assez nourrissant et le bébé la tyrannise… Et puis elle doit reprendre le travail au bout de trois mois !

Le maternage distal est la norme sociale, le maternage proximal est la norme biologique. L’un est l’autre sont bien ancrés… reste à comprendre lequel on peut changer : si vous n’avez pas trouvé, il suffit de demander aux bébés.

 

En 2020, la pratique de l’allaitement en France est-elle en hausse ?

Depuis les années post 1968, c’est-à-dire en 50 ans, les taux d’allaitement ont fortement augmenté (passant de 35% à 65% à la sortie de maternité). Cette embellie est à mettre à l’actif du talent seul des femmes, car les pouvoirs publics et les soignants ont fait peu d’efforts d’accompagnement.

Mais malheureusement à un mois (50%) et encore plus à six mois (25%) les chiffres s’effondrent. Et c’est encore plus vrai pour l’allaitement exclusif : on peut diviser les chiffres par deux… Nous sommes donc loin des recommandations de l’OMS et du PNNS : allaitement exclusif pendant six mois, minimum quatre mois, et jusque deux ans avec la diversification, voire plus…

Il est scientifiquement prouvé qu’une femme qui a été elle-même allaitée, allaitera plus ses enfants. Surtout, si l’allaitement de son enfant a été heureux, elle allaitera encore mieux son deuxième et donnera envie à ses consœurs d’allaiter.

 

Que pensez-vous du développement d’une plateforme d’information comme Vanilla Milk ?

Et bien je viens de dire que la clé pour plus d’allaitement était des allaitements mieux réussis, c’est-à-dire heureux, gratifiants, pour la maman et le papa. Trop longtemps les professionnels de santé (c’est démontré aussi) ont, par leurs interventions, raccourcis, interrompu les allaitements : ils n’étaient pas formés.

Se former, en particulier dans le domaine de la périnatalité est une belle preuve d’humilité (savoir qu’on ne sait pas). Et c’est ce dont les mamans ont besoin : des professionnels formés et humbles.

Vanilla Milk, depuis de longs mois, fait un travail de fourmi pour offrir aux mamans la possibilité de trouver près d’elles des soignants compétents en allaitement maternel (le meilleur exemple sont les consultantes en lactation IBCLC, qui pourront assurément leur être d’une aide précieuse lorsque c’est nécessaire. ♦