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Le CEA de Cadarache planche sur les énergies d’aujourd’hui et de demain

Par Hervé Vaudoit, le 24 avril 2020

Journaliste

Inauguré en 1963, le centre de recherche de Cadarache a été créé en 1959 pour développer les chaudières de propulsion nucléaires des futurs sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) de la Marine Nationale. Soixante ans plus tard, il est devenu l’un des plus importants centres de recherche et de développement sur les énergies en Europe. Et pas seulement pour le nucléaire.

 

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Photovoltaïque

C’est l’un des noms de châteaux les plus connus de la région, même si presque personne n’est capable de faire le lien avec l’immense bâtisse qui surplombe la Durance, embrassant d’un seul coup d’œil les confins des quatre départements de la Provence. Cadarache, pour l’immense majorité des Provençaux, est en effet synonyme d’atome et de réacteur nucléaire. Ils n’ont pas tort. Car c’est bien pour étudier, développer et fabriquer les moyens de propulsion des futurs sous-marins de la force de dissuasion nucléaire que le gouvernement décida d‘y implanter le 5e et dernier centre de recherche du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), après ceux de Fontenay-aux-Roses, Saclay, Marcoule et Grenoble.

Avant même son ouverture, le centre fut aussi chargé de développer la filière des réacteurs à neutrons rapides, afin de répondre à la volonté du général De Gaulle de doter la France d’un parc de production électronucléaire de nature à garantir l’indépendance énergétique du pays. C’est donc en grande partie à Cadarache, où ont été construits huit réacteurs expérimentaux – dont un, CABRI, est toujours en service pour étudier la sûreté – que les technologies françaises de production électrique d’origine nucléaire ont été développées au fil du temps. Plus de 60 ans après les premières expériences, les technologies dites de nucléaire de fission continuent d’y être étudiées et développées, dans un nouvel institut nouvellement créé le 1er février 2020 : l’IRESNE – institut de recherche sur les systèmes nucléaires pour la production d’énergie bas carbone. Un nouveau réacteur nucléaire d’essai, baptisé Jules-Horowitz, est d’ailleurs en cours de construction sur le site, afin de préparer les futures générations de réacteurs électronucléaires et développer la production de radio-isotopes utiles à la médecine nucléaire du futur. Sa mise en service est prévue pour 2025.

 

La fission, c’est l’IRESNE

Si la fusion nucléaire représente l’avenir à long terme de la production électrique, malgré les incertitudes techniques et scientifiques qui pèsent encore sur ces technologies au cœur du projet Iter, c’est encore la fission qui incarne le présent et l’avenir à court et moyen terme de la filière électro-nucléaire. D’où la volonté de regrouper, au sein d’une même entité, l’ensemble des laboratoires et des unités de recherche et développement de cette filière, présents à Cadarache. C’est l’objectif à l’origine de l’Iresne car, en attendant de vérifier la faisabilité d’unités de production industrielles basées sur la fusion nucléaire – une éventualité que les chercheurs n’envisagent pas avant 2050, au mieux -, la fission restera sans aucun doute un élément majeur du mix énergétique. En imaginant une montée en puissance progressive des énergies alternatives (solaire, éolien, biomasse… etc), la nécessité de disposer d’une technologie à même de gérer les variations de puissance continuera en effet de s’imposer. Deux types de production sont aujourd’hui capables de répondre à ce besoin : l’hydro-électricité, déjà quasiment à son potentiel maximum dans l’hexagone, et le nucléaire. La fission a donc encore de beaux jours devant elle, d’ici à ce que d’autres technologies permettent de s’en passer complètement.

 

Diversification vers les énergies renouvelables…
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Micro-algues

Pour autant, Cadarache n’est plus depuis longtemps un site exclusivement dédié à l’atome. Dès le milieu des années 1970, le CEA y a en effet transféré ses activités de recherche en énergie solaire conduite jusque là à Grenoble (pour le photovoltaïque) et à Saclay (pour le solaire thermique), avec le même objectif que pour le nucléaire une vingtaine d’années plus tôt : doter la France de technologies spécifiques afin de garantir son indépendance, y compris en matières d’énergies renouvelables.

Depuis, cette vocation de centre de recherche sur les énergies ne s’est non seulement jamais démentie, mais elle n’a cessé de se renforcer au fil des ans, en intégrant les autres voies prometteuses comme les bioénergies, qu’il s’agisse de micro-algues, de bio-carburants, de biomasse, d’hydrogène… En 2010, cette réalité s’est même traduite dans la dénomination du CEA, l’autorité de tutelle du centre de Cadarache, qui est devenu le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives.

…et la fusion nucléaire
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Tokamak WEST pour l’étude sur la fusion par confinement magnétique

Parmi ces nouvelles formes de production énergétique étudiées à Cadarache figure l’une de celles qui porte les plus grandes ambitions de la communauté internationale : la fusion nucléaire. Avec un espoir : recréer, au sein d’un imposant réacteur en cours de finalisation, les processus physiques à l’œuvre au cœur du soleil et produire ainsi une énergie sûre, abondante, peu coûteuse et quasiment inépuisable. C’est en tout cas l’espoir des centaines de chercheurs et d’ingénieurs impliqués dans ce qui reste le plus vaste et le plus coûteux projet de recherche international existant à la surface du globe. Financé par l’Union européenne et les grands pays du monde (Etats-Unis, Chine, Corée du Sud, Japon, Russie et Inde), ce projet connu sous son acronyme Iter (pour International Thermonuclear Experimental Reactor) s’inscrit dans une forme de continuité pour le site de Cadarache. Les recherches sur la fusion nucléaire y ont en effet débuté dans les années 1980, avec la construction du 3e tokamak français, Tore Supra, mis en service en 1988 et détenteur à ce jour du record mondial de durée de fonctionnement, avec plus de 6 minutes 30 secondes en 2003. Depuis 30 ans, il a permis de tester nombre de solutions et d’équipement repris aujourd’hui pour Iter, dont la mise en service est prévue en 2025 ♦