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Branle-bas de casseroles pour aider les plus démunis

Par Agathe Perrier, le 12 mai 2020

Journaliste

Le chef Michel Portos élabore les plats confectionnés par Les Casseroles Solidaires à destination des plus démunis © Agathe Perrier

Les casseroles s’activent pour aider les plus démunis 6Fermé depuis le début du confinement, le restaurant Les jardins du Cloître n’a pourtant pas éteint ses fourneaux. 500 à 700 repas y sont cuisinés chaque jour pour les plus démunis. L’opération, baptisée « Les Casseroles Solidaires », vient de franchir le cap des 10 000 paniers distribués et compte perdurer même après la crise.

 

Tous les matins, c’est l’effervescence aux Jardins du Cloître. Le restaurant, installé dans le pôle d’innovation et d’entrepreneuriat social éponyme situé au nord de Marseille (bonus), connaît d’ordinaire son pic d’affluence à midi, avec principalement une clientèle de bureau. Confinement oblige, ce service a cessé net mi-mars. Mais l’activité n’a pas cessé pour autant, destinée dès lors aux personnes les plus modestes, à l’initiative du co-fondateur des lieux, Arnaud Castagnède, et du chef étoilé, Michel Portos. « Notre ADN est marqué solidaire, donc on n’a pas voulu rester fermé. On a contacté la Préfecture pour obtenir l’autorisation de récupérer des denrées auprès de la Banque Alimentaire, pour confectionner des paniers repas pour des associations », explique l’entrepreneur.

C’est ainsi que Les Casseroles Solidaires sont entrées en action le 13 avril dernier. Une quarantaine de bénévoles en fait partie et se relaie, à raison d’une dizaine de présents chaque jour. Week-end compris.

 

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Marie Siron (La Villa des Chefs) termine la salade du jour © AP
Une brigade de chefs solidaires

Une partie des volontaires se trouve en cuisine. « Ils ne sont pas tous chefs, mais la majorité est issue de près ou de loin du milieu de la restauration », glisse Michel Portos entre deux écumages de pommes de terre.

Le chef s’active à la préparation du jour suivant – le collectif a toujours 24 heures d’avance sur les cuissons – quand d’autres terminent le plat du jour. « Une salade de riz, maïs, macédoine de légumes et thon. Et en dessert, crème à la vanille, tarte citronnée et fruits en sirop », sourit Marie Siron, membre de la Villa des Chefs, structure aixoise qui organise d’ordinaire des ateliers culinaires avec des toques renommées. À l’arrêt forcé, elle a intégré la brigade solidaire de Michel Portos dès le début des Casseroles Solidaires. Idem pour Michael Cohen, propriétaire du restaurant Urban Kitchen à Marseille. Ou encore Pierre Mignot, chef à domicile et professeur en CFA. Ils viennent prêter main forte avec un seul objectif : aider sans rien attendre en retour.

 

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Michaël Cohen (Urban Kitchen) prépare les légumes frais du jour © AP
Plat, dessert, pain et extras

Michel Portos élabore le menu jour après jour en fonction des arrivages. « La base c’est des pâtes ou du riz, afin de proposer quelque chose de consistant. On essaye de varier quotidiennement, mais tout dépend de ce que l’on récupère », précise Arnaud Castagnède. Que ce soit auprès de la Banque Alimentaire ou d’autres dons. Certaines entreprises ont en effet intégré très tôt la boucle de la solidarité. À l’image de Cafpi Joliette, agence de courtiers en prêt immobilier, qui a réalloué une partie de son budget événementiel pour fournir le collectif en fruits et légumes frais, grandement appréciés par le chef.

Les paniers distribués se composent classiquement d’un plat principal, d’un dessert et d’un morceau de pain fourni par le réseau de boulangeries solidaires Bou’Sol (dont nous vous avons déjà parlé ici). Les dons de particuliers ou professionnels – aussi bien des restaurateurs que des enseignes de la grande distribution – permettent de les agrémenter de divers « extras » comme des sodas, des bonbons ou du chocolat. De quoi apporter un peu de plaisir supplémentaire aux bénéficiaires.

 

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Une partie des paniers du jour, remplis petit à petit par les bénévoles © AP
10 000 repas en moins d’un mois

La majorité des bénévoles de l’opération œuvre dans la salle du restaurant. Les tables ont été alignées pour former une longue rangée où les paniers attendent d’être garnis. Les petites mains solidaires s’activent dès 9 heures du matin. Parmi elles, Marine et Viviane, deux amies qui organisent leur semaine de télétravail de sorte à dégager une matinée. Elles remplissent des barquettes avec le plat du jour, assaisonnent si besoin, déposent le tout dans des sacs en papier. D’autres y ajoutent le dessert, le pain, les extras. Un travail à la chaîne qui s’étire sur près de deux heures.

De 600 repas confectionnés aux premiers jours des Casseroles Solidaires, le rythme s’est progressivement intensifié pour atteindre les 3 400 la semaine passée. En un peu moins d’un mois, ce sont 10 000 paniers qui ont été distribués à trois structures locales : le Samu Social, l’association Vendredi 13 et la Fraternité de la Belle de Mai.

 

Ne pas faire une opération « Instagram »
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Une partie des bénévoles chargés du conditionnement © AP

Cette première semaine de déconfinement chamboule quelque peu l’organisation des Casseroles Solidaires. Mais en substance seulement. En bon chef d’orchestre, Arnaud Castagnède a tout prévu en amont. « En maintenant six à huit bénévoles par jour, on peut continuer à fonctionner correctement. Cela nous fait juste un peu plus de travail », balaye-t-il.

L’objectif est même de pérenniser l’opération après la crise, « que ce ne soit pas juste une opération « Instagram » », souligne Michel Portos. « L’idée est de proposer à des chefs et des restaurateurs de se mobiliser pour cuisiner des plats une fois par semaine pour des associations. Grâce à une application, ils seront géolocalisés et les structures caritatives prendront contact avec eux pour collecter les repas », détaille Arnaud Castagnède. Le projet n’est qu’à ses prémisses mais peut déjà compter sur le soutien des chefs bénévoles de la brigade solidaire. « On veut maintenir cet élan de solidarité dans le but de ne pas perdre le meilleur de ce qu’a apporté cette crise », assure l’entrepreneur. Un sentiment partagé par l’ensemble des volontaires des Casseroles Solidaires, qui n’ont pas fini de rissoler ♦

* S’engager avec les Casseroles Solidaires – il est possible de devenir bénévole en envoyant un mail à l’adresse : contact@lesjardinsducloitredemars.fr. Rapprochez-vous également du restaurant si vous souhaitez faire un don.

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Bonus [Pour les abonnés] Le financement des Casseroles – Ailleurs, d’autres chefs-cuisiniers engagés – Le Cloître.

  • Le financement de l’opération – Les denrées proviennent de la Banque Alimentaire ou de dons. L’État fournit de son côté les contenants et accessoires (barquette en plastique, sacs en papier, couverts, etc). Le restaurant Les Jardins du Cloître finance l’achat de masques, gel hydro-alcoolique et gants pour les bénévoles. Il assume aussi les coûts de fonctionnement de l’établissement.

 

  • Ailleurs aussi, des chefs motivés – Le chef David Gallienne, du restaurant étoilé « Le Jardin des Plumes » à Giverny, soutient le personnel hospitalier de Vernon, Evreux et Mantes-la-Jolie en élaborant 160 repas par jour. Cette bonne action est possible grâce à un appel à dons et à ses quinzaines de fournisseurs et petits producteurs qui participent de manière bénévole à cette initiative. De son côté, le chef aux deux étoiles au Guide Michelin, Christophe Hay, du restaurant « La maison d’à côté » entre Blois et Chambord, se rend deux fois par semaine dans des établissements pour personnes âgées (Ehpad) pour cuisiner tout en respectant et en s’adaptant aux régimes spéciaux des pensionnaires. Alors que tous les restaurants d’autoroute sont fermés, le chef étoilé Laurent Poulet et son équipe de bénévoles distribuent des repas en bordure de l’autoroute A8 près de Cannes pour les chauffeurs qui continuent de travailler. Cette initiative en collaboration avec Vinci Autoroutes, relayée sur les ondes radio. À Marseille encore, regroupés sous l’étiquette Gourméditerranée, une autre brigade de têtes coiffées œuvre pour les plus démunis.

 

  • Le Cloître – Cet ancien couvent est devenu village d’entreprises à vocation sociale. Il se situe à Saint-Jérôme, dans le 13e arrondissement de Marseille. Nous y avons consacré un reportage, accessible en cliquant ici.

Au Cloître, la foi dans le social