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Des solutions simples pour booster le solaire en France

Par Paul Molga, le 19 mai 2020

Journaliste

Centrale au sol. Commune de Garein (Landes). 12 MWc. © Samuel Duplaix

Le confinement n’a pas paralysé les services de l’État. Ainsi, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 2018/2028), qui est la feuille de route de la politique énergétique de la France a été publiée à la mi-avril. Dans huit ans, le solaire assurera 10% de la demande française en électricité contre 2% aujourd’hui… Si les lourdeurs administratives sont levées pointent les professionnels du secteur ! État des lieux avec Tenergie.

Comme toute filière industrielle, celle de l’énergie solaire renouvelable a son syndicat. Énerplan se félicite du plan ambitieux du gouvernement qui prévoit de porter le parc photovoltaïque français de 10 à 40 gigawatts (GW) ce qui placera l’hexagone dans le peloton de tête des pays européens. Mais sans doute loin derrière l’Allemagne qui dispose déjà d’une puissance de 50 GW.

 

Des procédures administratives trop lourdes
Des solutions simples pour booster le solaire en France
Entrepôts avec toiture photovoltaïque (Bouches-du-Rhône). 686 kWc. © Samuel Duplaix

Les professionnels du secteur affirment que pour atteindre cet objectif, il faut lever de nombreux blocages administratifs liées aux procédures d’urbanisme, entre autres. Ainsi, les petits projets comme les toitures, les ombrières de parking ou celles qui coiffent désormais les cultures ne doivent plus être soumis aux appels d’offres. L’installation de panneaux solaires sur le résidentiel qui permet aux foyers d’économiser jusqu’à 40% de la facture d’électricité devrait doper l’expansion du solaire en France. Sauf que dans la pratique, les procédures s’accumulent pour le particulier avant qu’il n’obtienne l’autorisation de se connecter au réseau électrique. Le parcours du combattant peut prendre jusqu’à deux ans. Il est de quatre ans en moyenne entre le dépôt du dossier et le démarrage du chantier pour les projets plus lourds qui nécessitent des études d’impact là où, en Allemagne, il faut compter un maximum de deux ans. Le syndicat avance des solutions : par exemple, que tout nouveau bâtiment construit en France soit potentiellement « solarisable », c’est-à-dire à même d’accueillir dans le futur des panneaux solaires et donc doté de toits pouvant les supporter, des gaines prévues dès l’origine à cet effet ainsi que le raccordement au réseau électrique classique simplifié. Autre demande : que les mairies puissent autoriser les installations au sol sur les terrains de moins d’un hectare dégradés sans passer par les modifications du plan local d’urbanisme procédure – longue et complexe…

 

En PACA, l’exemple Tenergie

Le numéro deux de l’énergie renouvelable en France veut doubler ses capacités solaires d’ici deux ans. Son crédo : une énergie propre, durable, produite localement et accessible aux agriculteurs comme aux collectivités locales. Les 90 millions qu’il vient de lever vont lui permettre d’asseoir sa place au soleil. Ce producteur indépendant d’énergie photovoltaïque et éolienne a donné un sérieux coup d’accélérateur à sa croissance en ouvrant le capital de sa foncière Terres d’Énergie à la Banque des Territoires. La filiale de la Caisse des Dépôts a injecté 90 millions d’euros pour 40% des parts de l’entreprise. Elle rejoint le Crédit Agricole Pyrénées Gascogne, son actionnaire historique : début 2018, Ternegie avait repris ses actifs solaires logés dans la société Cam Énergie, devenue depuis Terres d’Énergie, dont elle détient encore un peu plus de 15% du capital.

 

Un parc de 851 sites
Les freins au développement du solaire en France 1
Nicolas Jeuffrain

Depuis trois ans, cet opérateur créé en 2008 et basé à Aix-en-Provence, s’est imposé au deuxième rang national (avec 3,6% de parts de marché derrière Engie à 4,9% selon le classement Finergreen) en investissant massivement pour racheter, et exploiter, des centrales existantes dans un contexte de consolidation très porteur. À ce jour, Tenergie détient 851 sites (821 installations solaires en toitures, 28 centrales au sol et deux parcs éoliens) pour une capacité totale de 488 MW situés essentiellement en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Occitanie. Pour développer ce parc, il lui aura fallu investir 2 milliards d’euros financés par de la dette bancaire. L’activité a généré en 2019 un chiffre d’affaires de 200 millions d’euros, contre 120 l’année d’avant. Il pourrait atteindre 500 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022.

« Nous avons besoin de moyens très importants et très compétitifs pour rester dans la course. La croissance externe représente aujourd’hui trois quarts de notre moteur de croissance. Nous devons poursuivre ce rythme et investir dans nos propres développements avec un objectif de plus de 200 MW supplémentaires par an », explique Nicolas Jeuffrain, président co-fondateur de l’entreprise.

Avec ses partenaires dans Terres d’Energie, il a constitué un véhicule très compétitif pour financer le développement et la construction de nouveaux projets de production d’énergies renouvelables.

 

Bientôt l’autoconsommation électrique locale et verte
Des solutions simples pour booster le solaire en France 1
Hangar agricole avec toiture photovoltaïque. Hérault. 250 kWc ©Samuel Duplaix

Il y a quelques mois, il a également mis la main sur Hyséo, un acteur vedette de l’installation solaire de toiture dans les années 2010 pour préempter le marché naissant très prometteur de l’autoconsommation électrique locale et verte. La société Thyséo née de ce rapprochement s’est d’emblée positionnée sur les chantiers de rénovation auprès des agriculteurs et des pme industrielles. Elle a hérité d’un portefeuille de plus de 260 projets privés pour une capacité de 30 MWc et en a remporté 12 autres (2,9MWc) lors du dernier appel d’offre de la Commission de Régulation d’Energie. « Nous voulons être un des principaux bénéficiaires de la nouvelle loi sur la programmation énergétique », explique Nicolas Jeuffrain.

 

Des ombrières énergétiques

L’arrivée de la Banque des Territoires permettra de pousser l’innovation dans ce domaine de la décentralisation énergétique et des circuits courts énergétiques en  rapprochant production et consommation. L’entreprise imagine par exemple l’installation d’ombrières énergétiques pour alimenter des bâtiments et des véhicules sur des nœuds de transport multimodaux. « Les systèmes d’informations seront la clé de cette territorialisation », anticipe Nicolas Jeuffrain. Son objectif est ambitieux : opérer 10 000 centrales solaires d’une puissance totale de 5GW en 2025 pour un chiffre d’affaires de plus de 500 millions d’euros. Pour y parvenir, il doit encore trouver 8 milliards d’euros ♦