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À Orgon, un supermarché vise le zéro déchet alimentaire

Par Rémi Baldy, le 10 juillet 2020

Journaliste

Phenix, une PME parisienne, s’est fixé comme cap d’aider les magasins à en finir avec le gaspillage alimentaire. Et compte faire de l’Intermarché d’Orgon le premier du genre dans les Bouches-du-Rhône. Les solutions passent par le don aux associations, des paniers d’invendus ou encore de la nourriture pour les animaux des fermes ou zoos.

 

Le chiffre est vertigineux. Dix millions de tonnes d’aliments finissent à la poubelle chaque année en France. Un gaspillage immense qui ne laisse plus insensible les différents acteurs du secteur alimentaire depuis quelques années. Les initiatives se multiplient pour éviter de remplir nos poubelles et d’impacter l’environnement (voir bonus) pour rien. Les lignes bougent à tous les niveaux, y compris réglementaire (voir bonus).

À la limite des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse, l’Intermarché d’Orgon se fixe comme objectif de réussir dans l’année à ne plus produire de déchets alimentaires. Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’une collaboration avec Phenix. Cette société parisienne travaille depuis six ans auprès de différents super et hypermarchés en France pour favoriser le don aux associations. Elle fait du « zéro déchet » son axe de développement et revendique 40 millions de repas sauvés en 2019 ainsi qu’un chiffre d’affaires de 13 millions d’euros.

« Nous leur proposons d’externaliser leur gestion du don, cela permet d’augmenter la qualité des produits offerts et la quantité« , explique Clément Carreau, responsable communication de Phenix. « Au-delà du gaspillage alimentaire à proprement parler, les supermarchés n’aiment pas jeter car cela leur coûte de l’argent. Le traitement des déchets se facture au poids ou au volume« , précise-t-il. La rémunération se prend sur ce que le magasin économise.

 

Environ 28 tonnes d’invendus reversés chaque mois à des associations

 Des bureaux locaux permettent de mailler au mieux les différents territoires. Celui de Marseille compte quatre personnes. Il travaille au total avec 25 magasins dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var, du Vaucluse et du Gard. « Sur un mois « moyen« , les magasins de notre secteur reversent l’équivalent de 28 tonnes d’invendus à des associations caritatives« , chiffre Adrien Bériol, en charge de l’activité de Phénix auprès de la grande distribution dans le Sud.

La mission est triple. Il faut démarcher les acteurs de la grande distribution, trouver les associations pour récupérer les dons et s’assurer que la chaîne fonctionne. « Nous faisons de la formation auprès des agents des supermarchés pour tout organiser afin de bien définir qui fait quoi, et quand. Nous suivons aussi les quantités de dons d’une semaine sur l’autre pour nous assurer qu’il n’y a pas de problème« , détaille Adrien Bériol. Un vrai travail de logistique auquel s’ajoute de la pédagogie pour identifier ce qui peut être donné ou non.

Illustration d’un don auprès d’associations.  Crédits : Phenix

Il faut aussi garder à l’œil les associations pour garantir leur présence au bon endroit et au bon créneau. « Il s’agit de notre contrat de base avec les magasins, nous leur assurons qu’il y aura bien quelqu’un pour récupérer le don ».

 

Le don ne suffit pas pour le zéro déchet

À Orgon, Phenix travaille avec l’Intermarché depuis un an et demi. Cela a permis de réduire de moitié les déchets. En 2019, ce sont 17,9 tonnes d’invendus qui ont été re-routés, soit 35 800 repas distribués. Maintenant, la direction veut aller plus loin pour devenir le premier supermarché zéro déchet du département. Cela ne signifie pas que les poubelles se vident complètement, mais y atterrit seulement ce qui ne peut pas être revalorisé.

A Orgon, un supermarché vise le zéro déchet alimentaire 1
Visuel de l’application de Phenix pour les paniers d’invendus.

« Pour se rapprocher du 100%, le don ne suffit pas« , prévient Adrien Bériol. La société mise également sur la distribution pour l’alimentation animale dans les fermes ou parcs animaliers et sur son application de vente de paniers. Depuis une paire d’années, la vague du numérique permet de proposer des solutions de ce type. C’est le cas notamment de Too Good To Go qui depuis 2016 permet d’acheter des invendus, choisis par le commerçant, à moindre prix.

 

À (re)lire : Notre test de l’application anti-gaspillage Too Good To Go en cliquant ici.

 

Un système gagnant, pour les consommateurs qui réduisent leurs dépenses, et pour les vendeurs qui limitent leurs déchets. Depuis un an, Phenix propose aussi une application similaire. « Nous sommes différents de Too Good to Go car nous proposons différents types de panier« , précise Sandra Negrel, qui s’occupe du développement de l’application à Marseille.

Cet outil numérique vise avant tout les petits commerces. « Généralement, les associations n’y recourent pas car elles préfèrent se rendre dans un supermarché pour récupérer beaucoup d’un seul coup. Nous venons donc en complément« , explique Sandra Negrel. Après un long travail préalable de rencontres, il a fallu convaincre et former les commerçants. « Au début, certains pensaient que cela serait compliqué, mais une fois que les premiers se lancent cela donne une image positive. Maintenant ce sont les commerçants qui nous contactent« , raconte-t-elle.

Aujourd’hui, elle revendique 150 commerces disséminés à Marseille, Aix-en-Provence, Martigues ou Aubagne. « Depuis septembre, date du lancement de l’application, plus de 10 000 paniers ont été vendus« , se félicite Sandra Negrel. Pour l’instant, la démarche n’en est qu’à ses balbutiements. Mais la marge de progression est immense ♦

 

Bonus –
  • Un gros impact sur l’environnement. Dans le monde, 1,3 milliard de tonnes de nourriture sont perdues chaque année. Du gâchis qui touche aussi la nature. Car pour être fabriquées, ces marchandises qui finissent dans les poubelles ont nécessité 350 m3 d’eau, 1,4 million d’hectares de terre et 3,3 milliards de tonnes d’émission de CO2.  L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) chiffre à 900 milliards d’euros le coût économique direct des produits perdus chaque année. Si l’on y ajoute le coût environnemental, cela grimpe à 2 340 milliards d’euros.

 

  • La France est le premier pays à légiférer contre le gaspillage alimentaire grâce à la loi Garot de 2016. Ce texte oblige chaque supermarché de plus de 400 m2 à donner ses invendus et interdit aux distributeurs alimentaires de rendre impropres à la consommation des invendus encore consommables.