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Premier festival post-covid dans le sud, le FID fait son cinéma !

Par Lorraine Duval, le 17 juillet 2020

Journaliste

Goodbye Mister Wong - sélection 2020

Il a bien failli être lui aussi rayé de la carte des festivals. Mais la 31e édition de cette manifestation du cinéma d’avant-garde démarrera bel et bien à la date prévue, le 22 juillet. Une édition limitée : moins de lieux, moins de places, moins de films, moins de réalisateurs étrangers présents. Mais une programmation toujours pointue et aussi riche que le permettent les circonstances.

Le FID ? Ne cherchez pas à traduire l’acronyme, il vous fera faire fausse route. Le Festival international du documentaire est devenu depuis une bonne décennie, le festival international du film de Marseille. Et s’est ouvert à ces autres genres – fiction, animation, polar… – qui en ont fait une manifestation généraliste. Mais très exigeante avec, cette année, une centaine de films proposés contre quelque 180 d’habitude.

 

Un bon moyen de prendre des nouvelles du monde
Seul festival maintenu dans le sud, le FID se lance en édition limitée 2
FID 2020, l’équipe.

Sa spécificité ? « Un rendez-vous qui veut défendre les aventures cinématographiques plus que les normes industrielles. Qui n’est pas tourné vers le passé mais davantage vers le présent et l’avenir », expose Jean-Pierre Rehm, qui en est à la fois délégué général et directeur artistique depuis 2001. « Plus de 85% des films sont de la littérature traduite en images, mais ici prévaut le sentiment que le cinéma est quelque chose qui recèle beaucoup d’inconnu. En vertu de quoi nos critères de sélection sont l’étonnement, la surprise ». Et pour Jean-Pierre Rehm, la gamme de l’étonnement est très large, de l’oiseau qui se pose sur la branche au tsunami. « Mais qui peuvent provoquer une puissance identique dans les sentiments ». Quant au spectaculaire, lui aussi compte tant de nuances…

 

Des premières et le choix du risque

Seul festival maintenu dans le sud, le FID se lance en édition limitée 5Dans le milieu, la compétition est rude, les festivals de cinéma ne manquent pas, comme Locarno, toujours en embuscade quelques semaines plus tard. « Il faut être le premier à lever la main », concède Jean-Pierre Rehm. Car un film programmé au FID est dans 80% des cas une première mondiale et, à défaut, une première internationale (dans ce cas le film a été montré dans le pays où il a été produit). La valeur de la première ne doit pas être sous-estimée : c’est une prise de risques, un choix qui n’a pas d’abord été validé ailleurs, par d’autres. Une terre quasiment vierge.

 

Accablés par la perspective d’un festival en ligne
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The Sun and the Looking Glass… Sélection 2020

La pandémie a surgi en plein processus de sélection finale. Quand sur les 3 000 films visionnés depuis décembre, le Graal des 50 meilleurs était à portée de main. Les derniers visionnages se sont faits masqués, avec l’énergie du désespoir et la décision d’aller au bout, quoiqu’il advienne. « On était accablés par la perspective d’un festival en ligne, visionner des films de cette qualité en format timbre-poste, avec un mauvais son… » Et puis fin mai, lorsque la réouverture des salles de cinéma a été annoncée, il n’y a pas eu l’ombre d’une hésitation : y aller, mais de manière raisonnable : « moins de jours, moins de films, moins d’invités… ».

Pas d’édition du FID Campus non plus, mais de l’inédit, avec une nouvelle compétition intitulée Flash, transversale, destinée aux films de moins de 60 minutes, couronnée par deux prix, dont le prix Alice Guy, qui reviendra à une réalisatrice. Autres friandises de cette édition : une rétrospective Angela Schanelec (Ours d’argent 2019 pour Ich war in Haus, aber ; mais elle a également tourné un film titré Marseille…) et un hommage à Michel Piccoli ♦

 

* Le La Villa Médicis de Cassis parraine la rubrique « Culture » et vous offre la lecture de cet article *

  • Pratique – Le 31e FID se tient du 22 au 26 juillet. Les compétitions 2020 : Internationale, Française, Premier film et CNAP, Flash. Les projections se répartissent entre six lieux : La baleine, le Vidéodrome, les théâtres du Gymnase et des Bernardines, Montevideo et le cinéma Les Variétés.

Avec le souci de la santé de tous et pour le respect des dispositions sanitaires dans le cadre de la lutte contre le COVID-19, des outils d’accréditation et de billetterie dématérialisés ont été mis en place. Il est donc cette année obligatoire de demander et régler votre badge, d’acheter vos billets en ligne.

Pour la soirée d’ouverture, le choix s’est porté sur une formule particulière et inédite. Plutôt qu’un seul site, quatre salles de cinéma ; plutôt qu’un seul film, quatre œuvres cultes. Plutôt qu’un salut unique en hommage à l’immense acteur Michel Piccoli, un modeste bouquet : au Théâtre du Gymnase (20h30), Le Mépris de Jean-Luc Godard ; au cinéma les Variétés (21h), Habeus Papam de Nanni Moretti ; au Videodrome 2, Themrock de Claude Faraldo (21h) ; et à La Baleine (20h30), Mauvais Sang de Léo Carax.

Prix du pass : 75 euros. Prix d’une place : 9 euros.

 

Bonus [ Pour les abonnés] – Jean-Pierre Rehm – Le palmarès 2019 – Les chiffres du cinéma français en 2019 –

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J_P Rehm. Photo Vanessa Santullo
  • Jean-Pierre Rehm – Né en Alsace, ancien élève de l’École Normale Supérieure. Après l’enseignement (Histoire et théorie des arts et du cinéma dans différentes Écoles d’Art en France de 1989 à1999), il entre au ministère de la Culture (chargé de l’enseignement artistique à la Délégation des Arts plastiques de 1999 à 2001). Il assure divers commissariats d’expositions internationales en France et à l’étranger (Musée d’Art Moderne du Caire, Yokohama Art Center au Japon, Witte de Witte à Rotterdam, Fondation Caixa à Barcelone). En outre, il écrit régulièrement : membre du conseil de rédaction des Cahiers du Cinéma, catalogues d’exposition, diverses revues d’art et de cinéma (Trafic, Revue de Littérature Générale, L’œil, Rue Descartes, Vertigo, Trouble, Vacarme), co-signe des ouvrages sur Isidore Isou, Jacques Rozier ou Tsaï Ming-liang. Il avoue un double appétit précoce : « pour le cinéma comme une pratique de l’art contemporain. Et pour l’art contemporain dans sa diversité ».

 

  • Palmarès 2019 – Le Grand Prix de la compétition internationale a été remporté par Nunca subí el Provincia du Chilien Ignacio Agüero. Le sujet : un bâtiment de 10 étages a été construit à 127 mètres de la maison du cinéaste. Celui-ci décide de rencontrer ceux qui vivent dans le bâtiment, savoir qui ils sont, d’où ils viennent et pourquoi sont-ils là.

La compétition française a couronné La Mer du milieu de Jean-Marc Chapoulie. Un film sur la Méditerranée d’aujourd’hui dont les images proviennent de webcams disponibles sur Internet installées sur le pourtour du bassin méditerranéen, au bord des plages, par les offices de tourisme, les associations de surfeurs, de météorologie, ou par des particuliers comme une version 2.0 de la perception.

Le prix du meilleur premier film est allé à Zustand und Gelände de l’Allemande Ute Adamczewski. « Le premier mérite de ce film est de porter sa rigoureuse attention sur un moment et une géographie méconnues de l’horreur hitlérienne et sur ses premières victimes : militants ou sympathisants communistes, syndicalistes, journalistes socio-démocrates, etc. La mise en relation des études de paysage et des archives fabrique de la mémoire et du savoir historique tout en documentant l’oubli, l’effacement ».

 

  • Le rapport 2019 du CNC, Centre National de la Cinématographie – En 2019, en France, le nombre de films agréés est stable à 301 films (+0,3 %). Le nombre de films d’initiative française est en légère hausse à 240 films (+1,3 %, soit +3 films). Les premiers et deuxièmes films représentent 51,7 % des films d’initiative française en 2019. Le nombre de premiers films d’initiative française diminue et s’établit à 70 titres en 2019 (dix de moins qu’en 2018), alors que celui des deuxièmes films augmente pour atteindre 54 titres (17 de plus qu’en 2018). Le nombre de coproductions internationales demeure à un niveau élevé à 116 films (deux films de moins qu’en 2018). Le nombre de coproduction à majorité étrangère diminue de 3,2 % à 61 films. Au global, les coproductions internationales représentent 38,5 % des films agréés. Ces films ont été coproduits avec 35 pays différents. Stabilité des investissements avec 1 116,62 M€ investis dans la production de films agréés (-0,8 % par rapport à 2018). Une production 2019 marquée par l’augmentation des films à devis inférieur à 4 M€. Et beaucoup de chiffres dans l’étude publiée en mars 2020.