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[forêt #1] MiniBigForest fait revenir la forêt en ville

Par Paola Da Silva, le 1 août 2022

Journaliste

Photo Stéphanie Saliou

Été 2022 // Créée fin 2018 par un couple passionné de botanique et d’environnement, l’association nantaise MiniBigForest s’emploie à recréer des corridors végétaux en ville, ou « micro forêts ». Pour cela, elle emploie une méthode particulière de plantation, qui permet de reboiser rapidement et densément de petites surfaces, tout en construisant du lien social.

[article initialement publié le 20/07/2020]

 

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Jim Bouchet et Stéphanie Saliou. Photo Lou-Marie Gautier-Saliou

C’est l’histoire d’un coup de foudre. Une révélation, qui s’est opérée dans le cadre d’une conférence donnée lors d’un congrès sur les arbres à Nantes, en 2018. « Nous avons été comme électrisés, parcourus de frissons », raconte Jim Bouchet. Avec Stéphanie Saliou, sa compagne, ils sont les fondateurs de MiniBigForest. Cette association reconnue d’intérêt général, constituée fin 2018 aux Sorinières, dans le sud de Nantes, a pour objectif de créer des forêts très denses dans de petits espaces urbains. « Nous avons découvert, ce jour-là, la méthode d’Akira Miyawaki, mise au point dans les années 70 par ce japonais spécialisé en génie écologique. Tout de suite, tous les deux, nous nous sommes dit que c’était ce que nous devions faire. Nous avons donc mis de côté nos carrières respectives et décidé de créer MiniBigForest. »

 

Trois arbres par mètre carré
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Photo Stéphanie Saliou

La méthode Miyawaki (bonus) consiste à planter des forêts très denses sur de petits espaces, parfois à peine plus grands que quelques places de parking. « On estime qu’Akira Miyawaki a planté près de 13 000 forêts par ce biais pendant l’ensemble de sa carrière », raconte Jim Bouchet. « Sa méthode a mis longtemps à arriver en Europe. Elle répond pourtant à la problématique de reforestation des villes. »

L’idée de MiniBigForest est, plus qu’imaginer un jardin, de recréer un écosystème. Surtout en ville, là où les sols sont parfois très dégradés. « Nous nous sommes positionnés sur les petits espaces urbains. Nous y plantons trois arbres par mètre carré : un arbuste, un arbre de taille moyenne et un grand ». Soit 600 arbres sur un espace de 200m2. « Nous reconstituons les strates naturelles de la forêt. Les arbres qui poussent en premier, les essences dites « premières », grandissent très rapidement. Elles laissent ensuite la place aux autres. » Afin d’être en complète cohérence avec le milieu de plantation, Jim et Stéphanie font au préalable un relevé des essences naturellement présentes, qu’ils planteront ensuite. « Les arbres poussent plus vite que dans une forêt classique. Stimulés par la forte densité de plantation, ils se font une sorte de course vers la lumière qui augmente la rapidité de pousse. »

 

Reconnecter les citoyens à la nature
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Plantation en forêt de Villeneuve. Photo S. Saliou

Meilleure climatisation des villes, amélioration de la qualité des sols, augmentation du carbone capté… Les avantages environnementaux procurés par la création de ces forêts urbaines sont nombreux. Mais ils sont aussi sociaux, comme le souhaitaient Jim et Stéphanie. « Nos opérations sont toujours participatives. Nous avions envie d’agir au cœur des villes. Les habitants viennent toujours planter avec nous ». Des habitants qui répondent présent, et qui s’impliquent ainsi dans l’évolution de leur quartier. « Nous voulions les sensibiliser afin qu’ils se reconnectent avec la nature ».

Une sensibilisation qui passe aussi par la plantation au sein d’écoles. « Nous faisons financer ces opérations par des mécènes. Les entreprises jouent le jeu. Quant aux enfants, ils sont heureux de mettre les mains dans la terre, fiers de participer et suivent l’évolution des forêts. C’est un bon moyen pour les connecter très jeunes à l’arbre. Ça a du sens pour eux. »

 

Garder les pieds sur terre
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Aménagement du quartier Clos Toreau à Nantes. illustration Jim Bouchet

Près d’un an après sa création, MiniBigForest a planté huit forêts, soit 6 000 arbres en tout. Sur Nantes et sa métropole principalement, où la bétonisation est importante, mais aussi en Bretagne et en Normandie. « Nous souhaitons rester dans le grand ouest, dans un secteur de 2 à 3 heures maximum en voiture autour de Nantes, précise Jim Bouchet. Tout d’abord, car c’est une flore particulière avec laquelle nous sommes familiers. Ensuite, car c’est cohérent de travailler localement. Six à sept autres associations en France font également ça. Celles qui se montent nous contactent pour savoir comment faire chez elles. »

Huit autres forêts sont déjà prévues pour la saison 2020-2021, qui court de novembre à mars. Une forêt d’études est également en cours d’élaboration avec l’Université de Nantes. Enfin, une formation à destination des particuliers est prévue dans les mois à venir.

L’association, qui a reçu le prix du Mouvement éco-citoyen l’an dernier, garde donc les pieds sur terre. « Nous sommes ravis, les forêts plantées ont une belle croissance, les habitants sont contents, rapporte Jim Bouchet. Dans le futur, nous n’avons pas pour vocation de devenir une multinationale de l’arbre. Nous voulons pour le moment continuer à créer 8 à 10 forêts par an. En le faisant bien, avec envie et passion. Et en restant humbles ! » ♦

 

Bonus
  • MiniBigForest fait revenir la forêt en ville 2Akira Miyawaki – Ce botaniste japonais né en 1928 est un expert en écologie végétale, spécialiste des graines et de l’étude de la naturalité des forêts. Il est mondialement réputé en matière de restauration d’une végétation naturelle sur sols dégradés, industriels, urbains ou péri-urbains. Pour prévenir la déforestation totale, le botaniste a mis au point un concept dénommé le « senzai shizen shokusei ». Pour rétablir l’écosystème, Akira Miyawaki privilégie les arbres indigènes qui sont capables de survivre dans les conditions les plus extrêmes. Cette méthode peut s’avérer très onéreuse, mais elle est propice à la reconstitution des « vraies forêts ». Le botaniste japonais affirme que les pousses d’arbres indigènes n’ont pas besoin de suivi ni d’entretien. Avec sa technique, il est possible de reboiser une zone en 20 ou 30 ans. Avec les méthodes traditionnelles, il fallait attendre 200 voire 300 ans pour reconstituer une forêt. Ainsi, grâce à Miyawaki, les Japonais ont pu reboiser 1 300 sites y compris des zones côtières.

 

  • Et ailleurs ? – Le 2 mars dernier dans le quartier de Rangueil, à Toulouse a été plantée la première micro-forêt de la ville rose, surnommée la forêt des Géants. Cette plantation de 1200 arbres sur 400 m2 est l’œuvre du groupe Micro Forêt du collectif Toulouse en Transition.