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[écogestes #3] Les Marais du Vigueirat, 100% éco-responsables (ou presque)

Par Nathania Cahen, le 17 août 2022

Journaliste

Série d’été // Eau, énergie, déchets, transports, potager : cette réserve naturelle du cœur de la Camargue multiplie les gestes durables. C’est normal, l’environnement est son métier. Et quand on accueille du public, montrer l’exemple est un devoir. Excursion au cœur d’un écosystème inspirant.

[article initialement publié le 07/08/2019]

 

Les Marais du Vigueirat, 100% éco-responsables (ou presque 2Les Marais du Vigueirat constituent un espace alimenté en eau douce de 1 121 hectares, accolé à d’autres espaces protégés du delta du Rhône, qui eux sont plutôt salés. Ce voisinage concourt à une diversité biologique hors du commun. D’où une myriade de labels et de titres. Zone d’intérêt communautaire pour les oiseaux (le label ZICO est décerné par la communauté européenne aux sites d’intérêt majeur qui hébergent des effectifs d’oiseaux sauvages jugés d’importance européenne). Membre du réseau européen Natura 2000. Réserve de biosphère (aire protégée reconnue par l’UNESCO comme une région modèle conciliant la conservation de la biodiversité et le développement durable, avec l’appui de la recherche, de l’éducation et de la sensibilisation, dans le cadre du programme MAB, « man and the biopshere »). Site prioritaire du Conservatoire du littoral dans le cadre de la Convention de Ramsar (pour la conservation des zones humides d’importance internationale). Et, pour finir, Réserve Naturelle Nationale depuis fin 2011. Pour les principales références.

L’association Les amis du marais du Vigueirat, qui gère le site depuis 2003, remplit trois missions. Protéger le domaine et ses milieux naturels en lien avec les locaux et les usagers du site, qu’ils soient pêcheurs, éleveurs ou agriculteurs. Accueillir les publics – autorisés depuis 1996. Et gérer le chantier d’insertion.

 

Pas de retour en arrière possible

Les Marais du Vigueirat, 100% éco-responsables (ou presque 3« On ne peut pas s’occuper de biodiversité et d’espaces protégés sans élargir les bons gestes et comportements à nous-mêmes et aux visiteurs, c’est du bon sens », considère Jean-Laurent Lucchesi, directeur du site. Avec les moyens du bord parfois, dans le sens d’une amélioration continue, sans retour en arrière possible. Pour épauler l’équipe, un programme a très tôt été mis en place avec WWF France pour accompagner le changement des pratiques liées à l’usage de l’eau, de l’énergie, des transports ainsi que des déchets.

Quelles mesures en ont concrètement découlé ? Pour l’eau : la réduction de la consommation d’eau potable sur le site, la création d’une mini-station d’épuration, la récupération et la valorisation des eaux pluviales pour l’alimentation des sanitaires et l’arrosage.

Pour l’énergie : la réduction des dépenses (isolation renforcée avec du liège ou de la paille de riz au nord, ampoules électriques basse consommation et limitation du gaspillage par le suivi des consommations), l’efficacité énergétique des appareils et la production d’électricité par énergie solaire et éolienne avec l’objectif de produire autant que ce que consomme le site.

Enfin, pour les déchets : leur réduction maximale en quantité et en nocivité, le tri puis l’acheminement vers la mini déchetterie créée sur le domaine. Pour les transports : le covoiturage est prôné et le principe d’une petite flotte de véhicules électriques mûrit.

Les bons gestes essaiment ailleurs. C’est le jardin potager entretenu par Ali, arrosé avec l’eau de pluie collectée, enrichi avec du compost issu du crottin des chevaux du domaine. Fruits, légumes et aromates alimentent en produits frais la buvette du parc. Ce commerce propose aussi des boissons issues du commerce équitable, des vins et des bières locaux, des jus de fruits bio…

 

« Difficile de bousculer les mentalités »

Les Marais du Vigueirat, 100% éco-responsables (ou presque 4Voilà pour le côté visible de ce cercle vertueux. Mais la mise en place a parfois été fastidieuse. « C’est parfois plus facile à dire qu’à faire », concède Jean-Laurent Lucchesi. Exemple ? Changer un système de chauffage qui fonctionnait au fuel et au gaz, avec des combustibles courants, et une installation facile à réparer et à entretenir pour une chaudière autrichienne qui se nourrit de déchets de bois, qui n’a pas d’équivalent dans tout le pays arlésien et aucun spécialiste en cas de pépin. Mais permet de réaliser 80% d’économies.

« C’est toujours périlleux de décider de s’embêter la vie pour des choses qui vont peut-être marcher moins bien, relève ce directeur qui carbure au vert. Les gens sont motivés par le changement, mais à confort égal. C’est difficile de bousculer les mentalités ». Et de souligner le propos avec une anecdote : « Nous avons cherché et trouvé des colles écolos, sans solvants. Mais un de nos salariés trouvait qu’elle était moins efficace et apportait son propre tube ».

Prochain défi : le zéro bouteille plastique. L’équipe réfléchit aux options possibles – fontaine, consigne, récipients… « Nous ne nous lancerons qu’avec la solution idéale, sur laquelle les peurs et les rumeurs sur l’eau n’auront pas prise ».

 

L’insertion en prime

Les Marais du Vigueirat, 100% éco-responsables (ou presque 5Le social est également au nombre des bonnes pratiques de la réserve. Remettre dans l’emploi des personnes en perdition est la vocation du chantier d’insertion, qui accueille jusqu’à 18 salariés ayant connu des difficultés sociales, professionnelles, familiales, ou pouvant relever de la santé ou de la justice. « Nous leur permettons d’acquérir de nouvelles compétences, explique Caroline Meffre, responsable de l’accueil du public. À commencer par l’entretien des espaces naturels comme l’état des pistes et des clôtures, la taille des végétaux, la propreté… ».

Certains sont également intégrés dans les différentes équipes du site, entre l’accueil, la boutique et la buvette. On croise également dans la réserve des jeunes qui effectuent leur service civique. La visite des Marais du Vigueirat est donc inspirante à tous points de vue – à commencer par la découverte d’une nature singulière au sein de laquelle une faune et une flore incroyables s’épanouissent. Une belle balade à programmer dans votre été… ♦

Les Marais du Vigueirat, 100% éco-responsables (ou presque

Bonus 

 

  • Le modèle financier des Marais du Vigueirat : une dépendance à 75% assumée par des dotations de l’Europe, l’État, de la Région, du Département et de la Communauté d’agglo. Et l’implication de mécènes costauds : Vinci, Total, Transdev, AG2R La Mondiale, via leurs fondations d’entreprise. En 2018, 35 000 visiteurs ont été accueillis. Il en faudrait le double pour prétendre à l’autonomie.