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Les roses : belles, mais aussi vertueuses

Par Marie Le Marois, le 26 août 2020

Journaliste

@Mahieu Lilian

[engagéS] Connue dans le monde entier pour ses roses d’exception, Roseline Giorgis est spécialiste des plantes à parfum et de la concentration des arômes dans la plante. Visite au Domaine de la Rose des Arts, à l’Isle-sur-la-Sorgue.

 

Tous les jours, cette petite femme aux mains musclées chouchoute ses 80 variétés de fleurs qui s’épanouissent le long de la Sorgue, au milieu de ses deux hectares en permaculture. Des roses à profusion, des roses qu’elle a créées – la Baptistine et l’Aurora, « mariage entre rosier rose et jasmin ». Mais aussi des roses auxquelles elle a redonné vie, comme celle d’Égypte. « Le rosier était devenu une herbacée à cause d’une maladieAu bout de trois années de soins, il a évolué en buisson vigoureux ». En Egypte, comme en Tunisie, elle est chargée par des propriétaires d’exploitation d’améliorer la qualité et le rendement de la culture des plantes à parfum.

 

Accompagner les plantes plutôt que les traiter
Roseline Giorgis, cultivatrice de rose 2
Récolte des roses de mai @MAHIEU LILIAN

Roseline a en effet le don d’optimiser la concentration des arômes dans les plantes. Elle ne leur prodigue aucun traitement, ni chimique, ni végétal. Uniquement ‘’des accompagnements’’. « J’ai planté de la bourrache pour enrichir le sol, de la sauge et du romarin comme stimulateur olfactif – car les plantes dialoguent entre elles -. Si j’ai besoin d’azote je plante des fèves ».

Les roses bénéficient également de l’apport de sept ruches habitées par « des abeilles heureuses comme tout » qui pollinisent les roses et différentes plantes mellifères – leurs fleurs nourricières –, telles que lavande, hélichryse, marjolaine et autres aromatiques.

 

Extraire l’eau florale sans eau ajoutée

Roseline Giorgis, cultivatrice de roseCette passionnée, fille d’un parfumeur Grassois, récolte ses roses à la main en mai – 30 à 40 kg à la rosée du matin, autant le soir –, les fait patienter en chambre froide à – 25°, les déshydrate dans son hangar et les distille sur place avec son alambic ancien, « la vapeur entraîne avec elle les principes actifs de la plante ».

Une partie des roses est congelée et envoyée en sac clos par lots de 200 kg à une jeune ingénieure chimiste en Bretagne. Cette dernière « fait des recherches pour que l’extraction biologique de l’eau florale se produise sans eau ajoutée », ce qui est le cas avec la vapeur de l’alambic. Le but ? Le rendement moléculaire, « capter les molécules volatiles, qu’on n’obtient normalement pas, destinées à la cosmétique ». Premiers résultats des recherches en octobre sous forme liquide, avec des huiles essentielles et des eaux florales.

 

Connue du monde entier, mais depuis peu par les habitants
Roseline Giorgis, cultivatrice de rose 3
Fleur de Basilic distillée @MAHIEU LILIAN

Roseline est connue des plus grands parfumeurs, marques de cosmétiques et noms de la gastronomie. Mais peu des habitants de sa propre ville. « Les gens me prennent pour une originale mais le confinement a tout changé ». Habituée à recevoir des WOOfeurs étrangers, elle a dû en effet faire appel en mai à la solidarité locale pour l’aider à la cueillette.

Jusqu’à 25 personnes sont venues lui prêter main forte. Lui permettant de faire connaître son précieux travail mais aussi de tisser des liens autour de la rose entre les habitants. « Cette aide se poursuit. Tenez aujourd’hui, je distille la fleur de basilic avec Martine, une lithothérapeute. Dany, une coiffeuse à la retraite, vient également souvent. Elles m’aident et, en plus, se font du bien en venant au jardin ».

 

Inventer encore et encore

Roseline Giorgis, cultivatrice de rose 1Avec ses petits yeux espiègles, la sexagénaire explique ses dernières inventions : rouleaux de printemps aux pétales de rose et pétillant de tilleul-rose, « c’est un bonheur qui a des bulles très fines et un parfum évoquant le litchi, à déguster bien frais ». Car elle transforme aussi ses roses en mets et autres produits dérivés.

Dans sa petite boutique attenante, elle propose ainsi eau florale, parfum, savon au charbon de bois « avec le bois du prunier », sirop, confiture, pétales de rose pour champagne, pétales frais. Et autres fleurs comestibles : lavande aspic, helychrise, fleur de romarin et de sauge, bourrache, soucis, pâquerette, consoude et marjolaine. Son projet ? « Faire découvrir ma rose aux Japonais, elle est magnifique dans le thé japonais ». Quant à moi, je repars de cette merveilleuse rencontre avec une bouture de Baptistine et de l’eau de rose dont je me parfume encore avec délice. ♦

Visite possible tous les matins, 1268 chemin de Reydet à L’Isle-sur-la-Sorgue (84)

 

Bonus – Bio express

  • Roseline Giorgis, cultivatrice de rose 4Naissance en 1952 à Grasse d’un père parfumeur chez Guerlain, Baptistin Giorgis. Ce spécialiste des extractions de roses appelle sa fille Roseline en mémoire de cette fleur si parfumée. Enfant, elle passe tous les jours au laboratoire de l’usine où ses dons kinesthésiques sont appréciés par l’équipe de parfumeurs. « J’avais une vision colorée des odeurs. Par exemple, j’étais capable de percevoir si ce jasmin était plus vert qu’un autre. Pour eux, cela signifiait que le jasmin en question contenait du menthol ou plus de boisé ». Cet indice entrait alors en compte dans la composition du parfum.
  • En 1967, Baptistin Giorgis met au point le rosier Centifolia. Peu satisfait par les assemblages au laboratoire, le père de Roseline se lance dans des recherches olfactives pour retrouver la composition du parfum du XVIIIe, dit ‘’parfum de cour’’. Il étudie chaque élément et découvre que la rose a perdu ses qualités olfactives d’autrefois. Au fil des printemps, il tente plusieurs essais dans le jardin familial avant de mettre au point le rosier Centifolia et de disparaître subitement.
  • Pendant 20 ans, Roseline stabilise cette nouvelle variété, par ses choix de sélection et de bouturage.
  • Jusqu’à 50 ans, cette diplômée en histoire de l’art, archéologie et arts plastiques est plasticienne designer à travers le monde.
  • Un accident la laisse handicapée et transforme sa vie. « Je ne pouvais plus peindre mes tableaux de deux mètres, ni monter à l’échelle pour les accrocher. J’ai peint des aquarelles au lit pendant deux ans, pour me consoler. Et ces aquarelles ont pris la forme de roses ».
  • En 2004, poussée par des amis, elle ose monter l’association La Rose des Arts et décide de se consacrer à l’étude du rosier Centifolia avec une variété nouvelle qu’elle baptise Baptistine Centifolia, en l’honneur de son père, et pour laquelle elle obtient le brevet européen.