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2 500 tonnes de biens d’urgence convoyés à Beyrouth

Par Adeline Descamps, le 27 août 2020

Journaliste

Touché en raison des racines franco-libanaises de la famille Saadé, le groupe – CMA CGM se positionne en première ligne de l'aide à Beyrouth @CMA CGM

Le roulier CMA CGM Aknoul a pris la mer le 25 août au départ de Marseille et en direction de Beyrouth chargé de 2 500 tonnes de produits, équipements, matériels donnés par une cinquantaine d’entreprises et d’associations. Si le groupe CMA CGM apporte son savoir-faire dans le transport et la logistique, l’opération est portée par la Fondation CMA CGM.

 

Quarante-sept donateurs. Des grandes entreprises, dont certaines ont leur siège à Marseille (Sodexo, Onet, Kaporal, Ponant), des PME, des ONG et associations humanitaires. Des marques connues ou plus confidentielles. Le roulier CMA CGM Aknoul de 188 EVP, traditionnellement exploité sur la ligne maritime SSLMED Roro Algeria (Marseille, Skikda, Alger, Mostaganem, Marseille), a quitté le port de Marseille ce 25 août pour Beyrouth chargé de 2 500 tonnes de produits et biens de première nécessité. La liste des donateurs donne un aperçu de la nature des marchandises : Eiffage, Saint-Gobain, Schneider, Vinci, Fosselev, Lesaffre, Orpea, Danone, Sodiaal, Panzani, Onet, Bongrain, Système U, Kaporal, Décathlon mais aussi la compagnie de croisière Ponant ont confié matériaux de construction, vêtements, denrées alimentaires, équipements médicaux, groupes électrogènes, jeux pour les enfants, produits d’hygiène, médicaments, matériel scolaire, meubles, ou encore linge de maison…

Transport, manutention portuaire et stockage pris en charge

Si la compagnie maritime française et sa filiale logistique Ceva apportent leur savoir-faire dans le transport, l’opération est portée par la Fondation CMA CGM, initiée en 2005 par Naïla Saadé, l’épouse de Jacques Saadé et présidée depuis 2019 par sa fille Tanya Saadé Zeenny. La fondation du quatrième armateur mondial de porte-conteneurs soutient d’ordinaire des projets en faveur des enfants, intervenant en France et au Liban. Notamment dans le cadre de l’opération connue « Conteneurs d’espoir », qui permet à des ONG d’acheminer gratuitement du matériel humanitaire sur les lignes maritimes du groupe.

"Un Bateau pour le Liban" convoie 2 500 tonnes de biens d'urgence pour Beyrouth 1CMA CGM a pris en charge les frais de transport maritime et des opérations portuaires et a également mis à disposition une solution de stockage à Marseille, jusqu’au départ du navire.

L’opération a été coordonnée avec le centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français. « Une cellule opérationnelle mixte (AideHumanitaireLiban@cma-cgm.com) a été mise en place à Marseille et à Beyrouth pour étudier les demandes, identifier les ONG et structures réceptionnaires, et organiser le transport dans les meilleurs délais. L’Ambassade de France au Liban a certifié le besoin et l’ONG bénéficiaire à Beyrouth. Les bénéficiaires de chaque don sont ainsi clairement identifiés », indique CMA CGM.

 

CMA CGM, tête de proue d’une logistique internationale d’urgence

Très rapidement après l’explosion du port de Beyrouth le 4 août, engendrée par le stockage dans un entrepôt de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium, CMA CGM s’est affirmé en tête de proue d’une logistique internationale d’urgence alors même que ses bureaux ont été très sévèrement endommagés par le souffle, qu’un de ses salariés y a perdu la vie et qu’elle comptera de nombreux blessés parmi ses 261 employés basés localement.

Touché en raison des racines franco-libanaises de la famille Saadé, le groupe – CMA CGM, avec sa filiale CEVA Logistics – a d’abord proposé son aide logistique et maritime aux gouvernements libanais et français afin de « répondre à l’urgence sanitaire et médicale » et d’assurer l’approvisionnement du pays.

 

Assurer la sécurité alimentaire
"Un Bateau pour le Liban" convoie 2 500 tonnes de biens d'urgence pour Beyrouth
Le groupe CMA-CGM a permis à neuf marins-pompiers de Marseille de se rendre sur place avec 500 kg de fret médical d’intervention ©Bataillon des marins pompiers de Marseille.

60% des importations du Liban transitent par le port de Beyrouth, l’un des plus importants de la Méditerranée orientale. La sécurité alimentaire du pays en dépend. Le blé constitue notamment 80% des importations agricoles du Liban (le pays importe plus d’un million de tonnes de blé et 900 000 tonnes de maïs par an) et il passe majoritairement par Beyrouth.

Après un premier avion affrété par sa filiale Ceva Logistics pour convoyer neuf marins-pompiers et 500 kg de fret médical d’intervention depuis Marseille, CMA CGM a lancé l’opération « Un bateau pour le Liban » qui trouve sa concrétisation ce 25 août avec le départ du roulier.

Le navire a pris la mer depuis Marseille en présence de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, de Rodolphe Saadé et Tanya Saadé Zeenny, ainsi que de personnalités représentant des institutions publiques locales et nationales.

 

Foi dans le Liban

La compagnie marseillaise n’a jamais cessé de croire et d’investir dans le pays du Cèdre malgré sa situation financière, économique, sociale et politique. Le Liban est en effet frappé par une crise économique sévère. Sa monnaie n’a plus de valeur. L’inflation y règne. Tout un pan du secteur privé y est hors-jeu alors que le taux de chômage dépasse les 30%. La classe moyenne libanaise, considérée pourtant comme l’élite du Moyen-Orient, souffre. Près de la moitié de la population est proche du seuil de pauvreté,

La parole politique y est de surcroît démonétisée, ses représentants étant taxés de corruption et de clientélisme. Désigné Premier ministre le 19 décembre dernier en replacement de Saad Hariri, l’universitaire Hassan Diab a initié des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) afin d’obtenir de l’aide pour son pays et a promis des réformes pour redonner confiance aux investisseurs.

« Le pays est au ralenti, pour ne pas dire à l’arrêt (…), reconnaissait Rodolphe Saadé dans un entretien accordé quelques jours avant l’explosion à L’Orient-Le Jour. Nous croyons encore dans le Liban. Nous sommes là pour le soutenir, l’aider à sortir de cette crise. C’est pour cela que nous poursuivons les projets en cours et en lançons de nouveaux. Nous continuons de recruter et d’investir ».

CMA CGM porte en effet le projet d’un entrepôt dans la zone franche du port de Beyrouth et envisage de construire à Taanayel (campagne à une heure trente de Beyrouth) 6 000 m2 d’entrepôts frigorifiques. Un investissement « visant à valoriser la production agricole de la vallée de la Békaa ».

À Tripoli, l’armement tricolore doit porter à 78 % sa participation dans la société qui gère le terminal à conteneurs en rachetant les parts de l’actionnaire actuel. Pour Beyrouth, il attendait l’issue de la procédure d’adjudication du terminal à conteneurs, suspendue en raison de la crise sanitaire. Allié dans cette aventure à MSC, les numéros 2 et 4 mondiaux du transport maritime conteneurisé représentent à eux deux 80% des volumes du port de Beyrouth. ♦