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Le vélo au service de la solidarité

Par Marie Le Marois, le 29 octobre 2020

Journaliste

Livrer à vélo des colis alimentaires à des personnes vulnérables ou les invendus des marchés au Secours Populaire, voici le genre de missions qu’effectuent les Coursiers Solidaires. Née pendant le premier confinement, cette association promeut la solidarité décarbonée et le mode de déplacement vert. Entre l’explosion de la pauvreté et ce deuxième confinement, elle s’annonce incontournable dans le paysage marseillais.

12h30. Matteo Lombardi, cofondateur des Coursiers Solidaires à Marseille, est dans les starting-blocks. A cheval sur son vélo, flanqué de trois bénévoles, il attend de récupérer les invendus du marché des Chartreux. Éric, de son côté, remballe fruits et légumes. Ce maraîcher d’Oraison descend chaque jeudi des Alpes-de-Haute-Provence pour vendre ses produits et systématiquement, il en donne aux Coursiers Solidaires. Uniquement de la bonne qualité, « les plus abîmés, je les mets dans mon compost ».

Après avoir glissé choux de Bruxelles, pommes et courges dans les sacoches de leurs vélos, nos trois comparses filent au marché de la place de Sébastopol. Là-bas, même topo. Les Coursiers Solidaires Marseillais font le tour des commerçants, s’annoncent, récupèrent des denrées. Pas grande chose cette fois-ci. « L’hiver, à la différence de l’été, les produits s’abîment moins vite ou sont plus robustes – comme la courge. Nous recevons donc moins de dons », confie Nadia Mercey, guide-conférencière et présidente de l’association. Heureusement, le primeur de la place, Les Jardins du Midi, offre comme à chaque fois une cagette bien garnie.

 

Marché solidaire anti-gaspi
Les Coursiers Solidaires concilient solidarité et écologie 2
Houssine, bénévole au Secours Pop, encadré par Paul et Nadia.

13h30. L’heure de déposer ces dons à l’antenne Felix Pyat du Secours populaire 13, à 3,5 km de là. Sur place, Houssine, bénévole, récupère les fruits et légumes qui seront vendus en complément des colis alimentaires (huile, sucre, café, lait, farine…) et diversifieront les repas des bénéficiaires (voir bonus). Chaque produit frais se vend 50 centimes, « mais le plus souvent nous ne demandons rien ». Cette antenne soutient 150 familles, chiffre qui ne cesse de grossir avec l’explosion de la pauvreté liée à la crise sanitaire.

Ainsi cette opération, appelée ‘’Marchés solidaires anti gaspi’’ et complétée le samedi avec le grand marché du Prado, engage un cercle vertueux : elle évite aux maraîchers de jeter leurs invendus et permet aux personnes dans la précarité d’en bénéficier.

 

Logistique solidaire
Les Coursiers Solidaires concilient solidarité et écologie 3
Houssine avec une bénéficiaire. Don d’un ananas apporté par les Coursiers Solidaires.

Les Coursiers Solidaires répondent à des demandes précises pour d’autres associations caritatives comme La Maraude Sans Nom. « Ils nous demandent par exemple de récupérer des patates douces à l’épicerie solidaire Soli’Récup pour cuisiner un repas aux sans-abri. Ou des plats cuisinés chez un particulier pour les amener au départ de la maraude », détaille Nadia, accro au vélo comme les autres bénévoles. Cette semaine, l’association a également livré un colis alimentaire à une personne âgée. « C’est vraiment au cas par cas, mais nous œuvrons toujours par l’entremise d’une association ».

À chaque sollicitation, la jeune femme ou Matteo envoie un message sur le groupe WhatsApp de l’association. Il y a toujours un coursier solidaire parmi la trentaine de membres pour y répondre. Paul Gruson est de ceux-là. Livreur professionnel à vélo, il profite du fait que sa jeune entreprise, la Roue Libre, ait encore peu de clients pour effectuer des livraisons bénévoles.

 

Bientôt des ‘’légumes suspendus’’ ?
Les Coursiers Solidaires concilient solidarité et écologie
Eric, maraîcher d’Oraison, tient un stand au marché des Chartreux et donne aux Coursiers Solidaires.

Née mi-avril, pendant le premier confinement (lire bonus), l’association évolue sans cesse. Ainsi, pour récupérer davantage de denrées, elle envisage avec le Secours populaire 13 de tenir un stand sur les marchés de producteurs, comme celui de la Joliette. L’idée ? « Les clients pourront nous apporter directement des dons, deux pommes, un navet ou trois bottes de poireaux », raconte Nadia. Matteo envisage même de lancer une opération ‘’Légume suspendu’’, sur le même principe que ‘’Baguette suspendue’’ : le client achète deux kilos de clémentines, par exemple, et en laisse un pour les Coursiers Solidaires.

Autre projet, collaborer avec les associations sur le terrain pour identifier les personnes précaires dans l’incapacité de se déplacer. « Nous n’avons pas la capacité de savoir qui est vraiment dans le besoin ou pas. Chacun son métier. Encore une fois, nous tenons à rester des intermédiaires », insiste Nadia.

 

Promouvoir le vélo

L’association a lancé une cagnotte pour acheter vélos à assistance électrique, remorques et vélo-cargo. Ces moyens permettront aux bénévoles d’assurer plus régulièrement, plus rapidement et sans trop de difficultés les missions de logistique solidaires et écologiques. Un exemple : un vélo-cargo a été mis à disposition des Coursiers Solidaires grâce à l’alliance entre Gourde For You (relire notre article ici), Plus Belle La Vie et CUBE Bikes. Dès la première semaine d’utilisation, ce vélo cargo a roulé plus de 200 km pour livrer des dizaines de kilos de denrées alimentaires, et même des vêtements pour l’hiver qui approche.

L’écologie tient en effet une place centrale dans cette association affiliée au collectif Vélos en Ville et au réseau Ramdam avec le vélo. Coursiers Solidaires démontre qu’il est possible de livrer des kilos sans être obligé de passer par un engin motorisé polluant. En plus, la livraison est plus rapide et moins coûteuse. Lors de la dernière collecte, 50 kg de denrées, dont 3 kg de paella, ont été recueillies. Et aussitôt livrées, en quelques coups de pédale. ♦

*Tempo One, parrain de la rubrique « Solidarité », partage avec vous la lecture de cet article dans son intégralité *

 

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Bonus [pour les abonnés]Collectif né pendant le confinement – Récupération des déchets en projet – Des paniers bio et ateliers cuisine au Secours Pop –

 

  • Collectif né pendant le confinement- Le concept des Coursiers Solidaires est né à Annecy en avril 2020, avant de contaminer des citoyens de Lyon, Grenoble, Montpellier, Limoges, Vaucluse, Toulon, Paris Est, Nancy et Marseille. Le but est de ravitailler bénévolement les personnes précaires, isolées et vulnérables (personnes âgées, en situation de handicap, mères de famille nombreuse). Le principe est simple : chaque coursier bénévoles est représenté sur une carte google maps par une petite icône qui comprend son prénom et son numéro de téléphone. Les particuliers en demande d’aide ont juste à consulter la carte, repérer le coursier le plus proche, le contacter et s’arranger avec lui en fonction de leurs besoins.

Le collectif a connu un engouement rapide à Marseille, avec 69 coursiers bénévoles et des opérations trois fois par semaine avec, à chaque fois, la livraison de 15 à 20 colis d’environ 10 kilos. En trois mois, cinq tonnes de nourriture ont été livrées. Des produits non alimentaires ont aussi transité par les Coursiers Solidaires, comme des matériaux pour la confection de masques et des surblouses destinés aux hôpitaux

De tous les collectifs nés au début du confinement, celui de Marseille est le seul à perdurer. Mais sans doute, avec les évènements actuels, des collectifs d’autres villes vont se relancer.

 

  • En projet – Le développement de nouvelles actions comme la récupération de déchets à recycler et à valoriser (plastiques, mégots, huiles usagées..)

 

  • Des paniers bio et ateliers cuisine pour les bénéficiaires du Secours Populaire 13. Donner accès aux familles à une alimentation saine et rendre le bio plus accessible, telle est la démarche du Secours Populaire 13 depuis un an. Dans ce cadre, chaque mardi, en collaboration avec une AMAP de L’Isle-sur-la-Sorgue, elle distribue 45 paniers bio à 3 euros (épinards, pomme de terre, blettes, oignons…). Elle propose également des ateliers cuisine autour des légumes, animés en alternance par les bénéficiaires et les bénévoles. À partir des produits bio, chacun peut montrer sa manière de les cuisiner et l’influence de sa culture.