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Ne plus être douché par sa facture d’eau !

Par Agathe Perrier, le 5 novembre 2020

Journaliste

La start-up aixoise Quantia a développé un système qui récupère la chaleur de l’eau qui vient de couler pour chauffer l’eau froide qui arrive dans la douche. À la clé, des économies d’eau, d’électricité et des économies tout court.

 

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Le fonctionnement de Gecko.

Avez-vous déjà compté combien de temps s’écoule avant que l’eau ne devienne chaude au moment de prendre votre douche ? Dix, vingt, trente secondes pour certains. Assez pour que des dizaines de litres d’eau finissent directement dans les égouts sans avoir servi à rien. Un gâchis contre lequel se bat la start-up Quantia. Et qu’elle évite, grâce à son système baptisé Gecko, né en 2016 sous le nom LaDouche (bonus).

Concrètement, l’eau qui disparaît dans la bonde passe dans un tuyau spécial avant d’être évacuée. À savoir un échangeur thermique, où elle croise le circuit d’eau froide. Comme son nom l’indique, ce système permet de transférer la chaleur de l’un vers l’autre. L’eau froide récupère ainsi 84% de la chaleur de l’eau usée. Une petite résistance électrique complète le dispositif afin que l’eau sortant du pommeau puisse atteindre jusqu’à 42°C.

 

Des économies à tous les niveaux

Les avantages de Gecko sont multiples selon Jean-Luc Dorel, dirigeant de Quantia. « Vous faites des économies d’eau puisqu’elle arrive immédiatement chauffée ». Il y a toujours un litre d’eau à bonne température, conservé dans l’échangeur thermique, grâce à la résistance. « Plus besoin de cumulus », ajoute le chef d’entreprise.

Autre économie réalisée grâce à Gecko : moins d’électricité consommée puisqu’il n’y en a presque plus besoin pour chauffer l’eau venue par les tuyaux. Quantia estime que son système permet de réduire de 70% la facture sur le poste d’eau chaude sanitaire et de près de 35% celle d’électricité globale annuelle. « Soit 300 euros par an pour un foyer de quatre personnes et un retour sur investissement de quatre ans ».

Des économies facilement vérifiables, le système étant connecté. Via une application dédiée, chaque utilisateur peut ainsi connaître ses consommations (quantité d’eau et d’électricité, température de l’eau, gain par rapport à avant, etc).

 

douche-gecko-economieBtoB en priorité

Les 50 premiers exemplaires de Gecko sont en cours de fabrication et devraient être terminés fin novembre. L’assemblage s’effectue en France, dans un atelier situé à Toulouse. L’objectif à terme est de le rapatrier à Aix-en-Provence, où se trouve le siège social de Quantia. 96% des composés sont français ou européens. Seul l’échangeur thermique vient de Chine, faute d’avoir « trouvé mieux » jusqu’à présent. Jean-Luc Dorel souhaite néanmoins arriver à un produit 100% franco-français, ou « au pire de l’Europe des 27 », d’ici quelques mois.

L’entreprise cible d’abord le BtoB. Des campings, des stations de lavage de voiture et même des coiffeurs se sont montrés intéressés par le système. Et bien sûr des hôtels. Un établissement nantais en construction devrait équiper quatre de ses salles de bain dès ce mois de novembre. C’est là une situation idéale pour l’installation car, si c’est dans les cordes de n’importe quel plombier, l’agencement d’une salle de bain existante peut rendre les raccordements compliqués et saler la facture finale.

Côté prix d’ailleurs, Gecko est vendu 1 500 euros. « L’objectif est d’augmenter les capacités de production pour réduire son coût et descendre sous les 1 000 euros », espère Jean-Luc Dorel. Il estime que les ventes pourraient s’élever à 1,5 million de systèmes par an partout dans le monde, soit un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros. Mais lui ne se voit pas à la tête d’un tel business. « Mon objectif est de donner un sens à mon travail et de participer à réduire la consommation d’eau et le réchauffement climatique. Une fois que l’entreprise aura bien démarré, je la vendrai », confie le multi-entrepreneur.

 

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Gecko fait ici office de sèche-serviettes. Il peut aussi être paré d’un miroir © DR
Une V2 en préparation

Mais d’ores et déjà, Jean-Luc Dorel a en tête une version 2 de Gecko. Il s’agirait d’un système directement intégré dans la colonne de douche et non plus indépendant comme c’est le cas actuellement. Gecko s’intègre en effet dans un boîtier de 70 cm de haut sur 50 cm de large à fixer au mur de la salle de bain. Il peut aujourd’hui être paré d’un miroir ou d’un sèche-serviettes pour le camoufler et le rendre utile. La V2 irait donc plus loin en gagnant de l’espace. « Le fait de proposer un ensemble complet faciliterait également l’installation. Une personne qui veut changer son système de douche pourrait ainsi s’en équiper sans de potentiels gros travaux à réaliser », souligne le dirigeant.

Quid d’un système compatible un jour avec une baignoire ? Jean-Luc Dorel a une petite idée derrière la tête à ce sujet. Mais le fonctionnement serait bien différent du Gecko actuel. L’équipe de quatre ingénieurs a encore du pain sur la planche avant de se disperser. Et quelques incertitudes liées à la crise de la Covid-19. « Si le premier confinement ne nous a pas impactés, les répercussions se ressentent aujourd’hui. Les clients sont plus frileux à l’idée d’investir. On sent que le marché est tendu », reconnaît le chef d’entreprise. Il demeure malgré tout optimiste, sûr de l’intérêt de son produit. Ne lui reste plus qu’à prendre son bâton de pèlerin afin de convaincre les professionnels des avantages économiques et écologiques de son système. ♦

 

Bonus –
  • De LaDouche à Gecko – Si Jean-Luc Dorel conçoit aujourd’hui Gecko, ce n’est pas lui qui est à l’origine de l’idée. Ses fondateurs, Pascal Nuti et Saadi Brahmi, sont aussi ceux de la start-up Solable, qui développe notamment « LaVie », un purificateur d’eau du robinet sans filtre ni consommable (dont nous vous avons déjà parlé ici). En parallèle, ils ont imaginé LaDouche, un système pour récupérer les calories de l’eau chaude de la douche. Les prémisses de Gecko. Jean-Luc Dorel a racheté le brevet afin de commercialiser le produit. Finalement pas assez performant et pas industrialisable en l’état, l’entrepreneur est reparti de zéro. En gardant l’idée de base de LaDouche mais en modifiant de nombreuses pièces dont le circuit imprimé. Il lui a fallu trois ans pour passer de LaDouche à Gecko.

 

  • Gecko au CES 2021 – Gecko sera parmi les innovations présentées au prochain CES de Las Vegas, le plus grand salon de l’électronique grand public, qui se tiendra de façon virtuelle en janvier 2021 en raison de la pandémie de Covid-19. Une presque première. Car LaDouche avait déjà participé à l’édition 2017… et reçu un Innovation Award. Une récompense qui aujourd’hui aide beaucoup Jean-Luc Dorel dans la démarche commerciale et qu’il espère obtenir de nouveau.
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  • Les financements de Quantia – Il s’agit quasiment uniquement de fonds propres apportés par Jean-Luc Dorel. L’entreprise a pu compter également sur une subvention de l’Ademe (agence de la transition écologique).

 

  • Réutiliser l’eau grise de la douche, c’est interdit en France –Et si Gecko allait plus loin en récupérant et filtrant l’eau de la douche pour créer une boucle ? Impossible actuellement. L’utilisation des eaux grises traitées (collecter les eaux provenant des douches, baignoires, lavabos, lave-linge, et éventuellement de la cuisine, puis s’en servir après traitement) n’est pas autorisée en France pour des usages domestiques. En 2011, la Direction générale de la santé a saisi l’Anses afin qu’elle évalue les risques sanitaires potentiels liés à la réutilisation des eaux grises pour des usages domestiques. Dans son rapport de 2015, l’Agence estime que « la pratique de réutilisation des eaux grises dans l’habitat doit être encadrée, et ne doit être envisagée que pour des usages strictement limités, dans des environnements géographiques affectés durablement et de façon répétée par des pénuries d’eau ».