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Maxime Ducoulombier, fédérateur de la cause environnementale

Par Maëva Danton, le 1 décembre 2020

Journaliste

Les usines propres carburent au dioxyde de carbone 5

Maxime Ducoulombier est un des 9 speakers de l’édition 2021 du TEDx Canebière, dont Marcelle est partenaire.

En quelques années, ce Lillois d’origine est devenu une figure de l’écosystème écologique marseillais. Co-initiateur des marches marseillaises pour le climat, il commence par fédérer des acteurs qui cohabitent sans se parler. Fin 2020, un pas de plus est franchi avec la création de Synchronicity et son « QG » de l’économie circulaire.

28 août 2018. France Inter. Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique, annonce sa démission. Les lobbys sont trop forts. Il est impuissant.
La nouvelle se répand à toute vitesse sur les antennes radio, sur les chaînes de télé, sur les réseaux sociaux. Lorsqu’elle atteint Maxime Ducoulombier, il est avec son cousin Dimitri. Sidéré.

« Lui ? Ministre, engagé depuis des années, il ne pouvait rien ? », s’étonne-t-il alors. Il prend cet abandon comme un défi et décide de prouver qu’en matière d’environnement, chacun peut agir. Il tourne, sans le savoir, une nouvelle page de sa vie.

« Avant cela, j’étais déjà sensible à ce sujet, je triais mes déchets, mais cela restait dans un cadre privé. Je n’avais pas vraiment d’impact ». De son enfance passée entre Lille et Roubaix, il se souvient des bouteilles de verre consignées qu’il rapportait en échange de bonbons, des valeurs inculquées par sa famille : « On ne gâche pas la nourriture. Un euro c’est un euro. C’est quelque chose de très présent dans la culture flamande et catholique ». Mais cette fois, il veut aller plus loin. Assez des petits pas. Il entend mener des actions d’ampleur. D’impact.
Le lendemain de la démission de Nicolas Hulot, avec son cousin, il lance sur Facebook un appel pour une marche en faveur du climat. La même idée germe à Paris et Lyon.

 

 

Marcher pour le climat

À quelques jours de l’événement, la page Facebook annonce 2 200 participants. « Je m’inquiétais un peu car je n’avais jamais appartenu à aucune association ni participé à la moindre manifestation ».

Maxime Ducoulombier, fédérateur de la cause environnementale
Préparation en famille de la première marche marseillaise pour le climat. @Maxime Ducoulombier

Il ignore combien de personnes viendront réellement. Qu’importe. Avec ses filles, il confectionne une trentaine de pancartes. « On utilisait des déchets, des fonds de meubles Ikea. On a acheté trois ou quatre babioles comme des masques d’animaux pour les enfants. On réfléchissait à des slogans. C’était énorme ! », s’amuse-t-il.

Le jour J, rendez-vous est donné à 11h sur le Vieux-Port, juste en face de la Mairie. 2 200 personnes sont là, comme annoncé sur Facebook. « On était très surpris ». La presse est présente aussi. « Ils ont utilisé les photos de notre manifestation en Une du journal de 13 heures pour annoncer celles de Paris et Lyon », se rappelle-t-il, non sans fierté. L’esprit est très positif. Pas de heurts. L’opération est renouvelée à deux reprises. La troisième fois, la préfecture comptabilise 15 000 manifestants. Mais Maxime Ducoulombier préfère en rester là. « On aurait pu marcher tous les week-ends mais ça n’aurait rien changé. Et puis petit à petit, on a compris que certains politiques tentaient de faire de la récupération ».

 

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Marche marseillaise pour le climat, en septembre 2018 @Maxime Ducoulombier
Unir les forces pour amplifier l’impact

Il a envie d’actions concrètes et dispose désormais d’une meilleure compréhension de l’écosystème local. « Ce qui m’a frappé, c’est de voir à quel point les acteurs ne se connaissaient pas alors qu’ils avaient tout intérêt à se regrouper. On a donc décidé de créer un annuaire qui permette de les identifier ». Le projet est baptisé « Aix Marseille Engagés pour l’environnement ». Il permet à Maxime Ducoulombier de peaufiner sa connaissance du milieu associatif et des enjeux économiques qui y sont liés, notamment la dépendance aux subventions. Il croit à l’inverse au potentiel des associations à mettre sur pied des modèles économiques viables. Ce qu’il tentera de prouver par la pratique.

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Pendant un an, il collecte les cartons des commerçants à l’aide de son vélo cargo jaune. @Maxime Ducoulombier

En juin 2019, en parallèle de sa carrière de commercial, il lance l’association « Ça Cartonne ». Son nouveau cheval de bataille, ce sont les déchets.
« On part du constat que les déchets sont un sujet majeur pour les Marseillais. On se demande alors : qu’est-ce qu’il y a dans les poubelles ? Pour le savoir, on les vide et on se rend compte qu’elles sont pleines de cartons pas pliés, parfois à l’envers. Dans le centre-ville, cela représente 35 % à 40 % du volume des poubelles des professionnels ». Et le gâchis, ça l’agace. Depuis toujours. « Je pense être quelqu’un de fainéant. Cela me pousse à toujours chercher à maximiser les résultats par rapport aux efforts fournis ».

Pendant un an, il expérimente la collecte de cartons à vélo. « J’ai commencé tout seul avec mon cargo jaune. Les commerçants nous ont plutôt bien reçus. Mes services leur évitaient de payer certaines redevances ». Puis il se rapproche d’Agilenville (bonus), start-up spécialisée dans la livraison à vélo à qui il délègue une partie de ses tâches. « Le principe est que leurs équipes collectent les cartons sur les plages horaires au cours desquelles elles sont moins chargées ». La quête d’efficience, toujours.

Un créatif aux multiples casquettes

La coopération se met tranquillement en place lorsque surgit l’épidémie de covid-19. Fermeture des commerces oblige, il n’y a plus beaucoup de cartons à collecter. Pas question pour Maxime Ducolombier d’abandonner son engagement. Il s’implique alors dans le projet Du marché au palier qui livre aux Marseillais des produits locaux (bonus). « Je les aide à trouver des points de drive, à communiquer via nos réseaux citoyens », résume-t-il avant d’être interrompu par plusieurs coups de téléphone. « C’est toujours comme ça en ce moment, c’est cool », sourit-il.

Devant lui, sur la table, une feuille de paperboard généreusement garnie de mots et de cercles. Dessus, des feutres de couleur, une pomme, un rouleau de Sopalin, deux casquettes – tout un symbole pour celui qui commence à en cumuler un certain nombre. Ces temps-ci, sa créativité est à l’affût. Il parle de son dernier projet en date, Synchronicity.
« Je crois beaucoup en ce projet que je porte avec Vincent Gay, un chef d’entreprise marseillais. Il a émergé il y a an et demi. L’objectif est de créer une plateforme éco-circulaire basée sur la mobilité décarbonée ».

Pour ce, les deux associés fondent le 30 septembre 2020 une société coopérative d’intérêt collectif . Quelques mois plus tard, ils coordonnent l’installation d’une quinzaine de structures (dont Marcelle) au sein de deux bâtiments du centre-ville. Ceux-ci se muent alors en une sorte de QG des acteurs de la gestion des déchets, du circuit court et de la mobilité douce. Avec des occupants tels que Un déchet par jour, Aircato ou encore Soft Mobility.

Le but de Synchronicity est de jouer de rôle de catalyseur de l’économie circulaire. De bâtir des ponts entre les acteurs et de leur offrir une vitrine. Pour prouver que des solutions existent, qu’on a tout à gagner à les combiner. Et qu’il est possible de construire une économie plus vertueuse, où rien ne se perd, et tout se transforme.

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Maxime Ducoulombier sur une montagne de « gisements » @Maxime Ducoulombier

Car dans l’esprit de Maxime Ducoulombier, les déchets constituent une ressource à part entière. Il leur préfère d’ailleurs volontiers le terme de « gisement ».

Les enfants, « meilleurs influenceurs du monde »

« Ils sont une richesse puisqu’ils représentent un coût. C’est le deuxième poste de dépense pour la Métropole. Dans les écoles aussi, cela représente d’importantes sommes. En faisant le tri, on pourrait diviser la note par deux et dégager des fonds pour mener des actions de sensibilisation par exemple ».

S’il insiste sur l’importance du tri à l’école, c’est parce que ce père de famille est convaincu que c’est le cœur de tout. « C’est clairement la cible. C’est un centre de vie, un lieu d’expérimentation. En formant les enfants, on forme les parents et on peut gagner une demi-génération. Ce sont les meilleurs influenceurs du monde ». Il jette un coup d’œil à un portrait de ses filles accroché au mur. Elles ont cinq et neuf ans. « J’en ai ras-le-cul de les voir se baigner au milieu des sacs plastique. Tout cet engagement, c’est pour elles ». ♦

 

Bonus

[pour les abonnés] – La boutique en ligne Du marché au palier – L’association Agilenville –

  • Du marché au palier – Portée par Chloé Fenech, une boulangère marseillaise, et La Roue qui propose une monnaie locale et citoyenne, cette boutique en ligne a pour vocation d’offrir une alternative suite à la fermeture des marchés en avril dernier. On y trouve des fruits et légumes, de la viande, des produits laitiers et d’épicerie, tous issus de producteurs locaux partenaires de La Roue. Les produits sont ensuite distribués à vélo – via des prestataires locaux- chez les particuliers ou bien dans des points relais, dont un au Stade Vélodrome.
  • Agilenville – Cette start-up marseillaise et lyonnaise créée en 2018 est une société de logistique urbaine spécialisée dans les livraisons de produits frais. Elle réalise chaque 4 000 livraisons de courses alimentaires à l’aide de ses triporteurs et vélo-cargos électriques.