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Pocramé, la petite start-up à la pointe du combat contre le coronavirus

Par Hervé Vaudoit, le 15 janvier 2021

Journaliste

Le MephiLab, véritable mini laboratoire d’analyses médicales, livre son résultat en 22 minutes chrono @Eric Chevalier – Pocramé

Développés par la société Pocramé à l’IHU Méditerranée Infection, deux outils d’analyses et de prévention des infections ont connu en 2020 un succès sans précédent auprès des établissements hospitaliers de la région Sud, confrontés à la pandémie de Covid-19. Retour sur une success-story provençale qui a, pour l’heure, surtout profité aux Provençaux !

 

L’année 2020 restera à coup sûr associée à la pandémie de Covid-19 dans l’esprit de la plupart des habitants de la planète. Pour Pocramé, petite start-up incubée depuis 2014 à l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, 2020 restera également comme l’année du décollage en flèche de ses activités, avec un chiffre d’affaires passé pour la première fois au-dessus du million d’euros.

Un succès qui doit évidemment beaucoup à l’irruption soudaine du Sars-Cov-2 aux quatre coins du globe et aux besoins exponentiels de tests microbiologiques induits par cette pandémie. Car les deux seuls produits commercialisés (pour l’instant) par Pocramé répondent pile-poil aux nécessités du moment. Sans « l’IHU bashing » consécutif aux saillies médiatiques de son emblématique patron, Didier Raoult, ces innovations auraient même pu permettre d’accélérer le déploiement des tests sur l’ensemble du territoire dès le printemps.

 

Un mini laboratoire d’analyses médicales mobile

Le premier, baptisé MephiLab, est un mini laboratoire d’analyses médicales à lui tout seul. Capable d’identifier une myriade d’agents pathogènes (virus, bactéries, champignons, parasites) à partir d’un simple prélèvement, il sait évidemment reconnaître le Sars-Cov-2 par PCR. Sauf qu’il livre son résultat en 22 minutes chrono, pour un coût évalué à environ 10 euros par test. Utilisé par les équipes soignantes de l’IHU, le MephiLab n’est d’ailleurs pas pour rien dans la performance marseillaise en matière de tests. Longtemps, cet hôpital spécialisé dans les maladies infectieuses a même été le seul établissement français capable de tester en masse et de délivrer des résultats en quelques heures.

Pocramé, la petite start-up à la pointe du combat contre le coronavirus 1
Le MephiLab, utilisé par les équipes soignantes de Marseille @Eric Chevalier – Pocramé

Mais cela n’a pas suffi à ouvrir des perspectives nationales aux MephiLab, leur déploiement durant la crise s’étant limité à une poignée d’établissements de taille moyenne dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse et les Hautes-Alpes (1). Cette machine aurait pourtant pu rendre de grands services, quand de très nombreux médecins à travers le pays souhaitaient soumettre leurs patients à un test Covid et que le ministère affirmait que c’était techniquement impossible, sinon inutile.

 

La CMA/CGM, premier client du MephiLab

La CMA/CGM, elle, ne s’y est pas trompée. Le 4ème opérateur mondial de transport maritime a équipé depuis deux ans une soixantaine de ses porte-conteneurs, afin de pouvoir établir un diagnostic fiable et précis lorsqu’un membre d’équipage ou un passager tombe malade en pleine mer. Parce que la compagnie basée à Marseille se soucie évidemment de la santé de ses salariés et de ses clients. Mais aussi parce qu’un tel outil embarqué à bord d’un navire permet de ne recourir à une évacuation par hélicoptère ou à un déroutement médical qu’en toute connaissance de cause.

Quand on sait ce que coûte un jour de mer supplémentaire pour un porte-conteneur, la décision de CMA/CGM semble également le fruit d’une réflexion économique. Facturé entre 5 000 et 12 000 euros pièce selon les options, une misère pour un équipement médical de pointe, un MephiLab peut en effet permettre à l’armateur de substantielles économies. Sans compter le coût d’un déroutement ou d’un hélitreuillage au grand large.

 

Comment ça marche ?

Le secret du MephiLab ? L’analyseur PCR qu’il cache dans ses entrailles, un appareil capable de discriminer plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de germes dans un prélèvement biologique. Il concrétise ainsi une stratégie diagnostique développée depuis de nombreuses années à l’IHU : l’approche syndromique. Elle consiste à lister les symptômes d’un patient, à les comparer avec les symptômes connus d’une ou plusieurs maladies et à rechercher dans le prélèvement du patient les pathogènes qui correspondent à ces maladies. Une technique qui permet de savoir très rapidement et quasiment à coup sûr de quoi souffre précisément ledit patient. Pour sécuriser les résultats d’analyses, chaque MephiLab, qu’il soit à terre ou embarqué sur un navire, est connecté à l’IHU, où un biologiste peut en permanence vérifier les données envoyées par ces laboratoires mobiles.

[(re)lire aussi notre article sur C4 Diagnostics qui a mis son savoir-faire au service de marins-pompiers de Marseille pour traquer la Covid-19]

 

Lutter contre les infections nosocomiales
Pocramé, la petite start-up à la pointe du combat contre le coronavirus 2
Plusieurs milliers de Mephibox déjà vendues @Eric Chevalier – Pocramé

Le second outil développé par Pocramé, la MephiBox, a lui aussi connu un succès considérable en 2020, avec plusieurs milliers d’exemplaires vendus dans le courant de l’année et encore plus de 450 unités commandées qui restent à livrer. Installée dans le couloir d’un service hospitalier, à la porte d’une chambre d’hôpital ou d’Ehpad, la MephiBox permet aux personnels soignants de disposer en permanence des équipements de protection à usage unique contre les infections (gants, masques, lunettes, surblouses…) et de les gérer dans les meilleures conditions de sécurité pour eux, pour les patients hospitalisés et pour leurs visiteurs.

Développée dans le but de prévenir les infections nosocomiales – qui désignent les maladies contractées dans le cadre hospitalier, où les agents pathogènes sont forcément plus présents -, la MephiBox s’avère très utile dans la maîtrise du Sars-Cov-2 et de sa dissémination à l’hôpital ou dans les établissements médicalisés pour personnes âgées. Depuis le début de la pandémie, « nous les avons vendus comme des petits pains », se félicite Michel Drancourt, qui y voit le signe d’une prise de conscience globale des personnels soignants, mieux sensibilisés aux procédures définies pour prévenir ces disséminations accidentelles.

 

Bon pour l’emploi local

Le succès récent des produits Pocramé a eu un impact évidemment positif sur l’emploi et l’économie de la région, puisque l’entreprise compte aujourd’hui six salariés à plein temps. Et aussi bien le MephiLab que les MephiBox sont fabriqués dans la région. Concernant le premier, la machine PCR qui en constitue le cœur est fabriquée à l’IHU, avant d’être montée sur un châssis mobile chez ACA Plastiques à Signes (Var), dans une carrosserie conçue et designée par Idéact à Géménos (Bouches-du-Rhône). Quant aux MephiBox, elles impliquent les mêmes sous-traitants, avec là aussi de nouveaux emplois à la clé. ♦

(1) Les hôpitaux d’Aubagne, Avignon, Carpentras, Cavaillon, Gap et Embrun.

 

*  La data au secours de la biodiversité 7 Le CEA Cadarache parraine la rubrique « Recherche» et vous offre la lecture de cet article *

 

Bonus [pour les abonnés] L’État pas intéressé pour l’instant – Développement et financement des outils Pocramé –

  • L’État pas intéressé pour l’instant – En dépit de ces caractéristiques et des services rendus dans les quelques hôpitaux où ils sont en service, les MephiLab restent donc circonscrits à Provence-Alpes-Côte d’Azur, où ils ont bénéficié du soutien de l’Agence régionale de Santé (ARS) et de la Région Sud, présidée par Renaud Muselier, médecin lui-même et fervent supporter de Didier Raoult. Les ARS ont beau être le bras armé de l’État dans les régions, le ministère de la Santé n’a manifesté jusque-là aucune velléité d’équiper en MephiLabs les hôpitaux du pays. Côté privé, un contrat a d’ores et déjà été conclu avec la compagnie du Ponant, organisateur de croisières de luxe, pour en équiper ses navires. Et des discussions seraient en cours avec un armateur de taille mondiale qui souhaiterait faire de même. Pour les croisiéristes durement touchés par la crise et les restrictions de circulation, il s’agit effectivement d’un outil de gestion des maladies contagieuses susceptibles d’affecter passagers et membres d’équipage. Mais il s’agit aussi d’un moyen inédit de rassurer une clientèle encore traumatisée par les images de paquebots transformés en clusters et interdits de débarquement dans les ports du monde entier au début de la pandémie.

 

  • Développement et financement – C’est d’abord la Banque publique d’investissement (BPI) et l’incubateur Impulse qui ont financé et soutenu Pocramé les premières années. Créée en 2014 par Didier Raoult, Michel Drancourt et Pierre-Yves Lévy, la start-up a rejoint les locaux de l’IHU dès son ouverture, fin 2016, et signé rapidement son premier contrat avec CMA/CGM pour la fourniture de MephiLab. La MephiBox est, elle, apparue en 2017 dans le catalogue de Pocramé.