Fermer

Pour un Grenelle de la Méditerranée

Par Les invités de la rédaction, le 3 février 2021

[tribune] Chaque jour, les effets conjugués de la pollution, du réchauffement climatique, de l’acidification et du stress hydrique érodent la qualité de vie des Méditerranéens. Menacent leurs ressources, leur santé et leur habitat. Mettent à mal les patrimoines naturels et culturels. D’où l’appel lancé par plusieurs personnalités liées au milieu maritime qui appellent à la tenue d’un Grenelle de la Méditerranée. Ce doit être une priorité de la future présidence française de l’Union européenne. 

Écouter cet article en podcast – 8 minutes

 

Note de la rédaction – Cette tribune se prolonge par une pétition sur change.org. Marcelle a décidé de la relayer car notre média est associé en 2021 à une étude menée par le Press Club de France. Celle-ci portera sur la transition énergétique dans la plaisance. Les ports français de la Méditerranée accueillent 238 000 bateaux à moteur, 90% d’entre eux sont de conception ancienne (23 ans en moyenne). La restauration et le retour de la biodiversité marine dans les ports et la bande côtière ne doivent pas pour autant s’opposer à la donne économique locale ni aboutir à une écologie punitive. 

20 journalistes spécialisés membres des rédactions des grands médias français sont en train de recueillir les informations. Et les restitueront sous forme d’articles courts à retrouver dans Marcelle à partir du mois d’avril.

 

730 tonnes de plastiques, chaque jour

Au bord de l’asphyxie, la Méditerranée, berceau de notre civilisation est un joyau qui se meurt. Elle constitue l’une des zones marines les plus polluées au monde. Elle est, en outre, identifiée par de nombreux experts comme un hot spot du changement climatique.

Les chiffres, à ce titre, sont éloquents. Chaque jour plus de 730 tonnes de plastiques se déversent dans les fonds marins. D’autres polluants tels que les nutriments, les métaux lourds, les pesticides et les hydrocarbures contribuent à détruire son écosystème, fragile par nature.
Les projections du changement climatique pour le bassin méditerranéen sont quant à eux très inquiétants. Les modèles prévoient un réchauffement régional hors norme. Les taux seraient supérieurs d’environ 20% aux moyennes mondiales, tandis que les précipitations chuteraient drastiquement. Nous devons laisser à nos enfants une Méditerranée autour de laquelle il sera encore possible de vivre.

 

20% des poissons et invertébrés menacés

Le réchauffement impacte déjà fortement la biodiversité. Pour ne citer qu’un exemple, environ 20% des poissons et invertébrés se trouvant actuellement en Méditerranée orientale pourraient s’éteindre localement.

Le constat est clair. Continuer ainsi serait criminel. À ce rythme nous assisterons à l’effondrement irrémédiable des écosystèmes.

Le poids de la dégradation écologique est donc immense. Il frappe également la santé humaine. Notre corps, nous le savons, est limité dans sa capacité à réguler de trop fortes chaleurs. Il s’avère par conséquent très sensible aux variations climatiques.
La multiplication d’épisodes caniculaires (nuits à des températures supérieures à 23 degrés) ne ferait, dès lors, qu’aggraver la situation sanitaire des populations méditerranéennes. 53 à 93 millions de personnes supplémentaires pourraient d’ailleurs être exposées à un stress thermique élevé ou très élevé dans le nord de la Méditerranée d’ici 2050. La lutte contre le réchauffement en Méditerranée, constitue un enjeu de santé publique autant qu’un enjeu géopolitique majeur.

 

Corollaire du réchauffement, l’appauvrissement

Sur un plan strictement économique, les effets du changement climatique rendront vulnérables l’ensemble des pays méditerranéens.

Dans les pays les plus fragiles, une réduction de 1,1 point du produit intérieur brut (PIB) pourrait advenir suite à une de température de près de 1°C du réchauffement. Au Maroc, par exemple, les effets du changement climatique sur le PIB pourraient être de -3% d’ici 2050 par rapport à 2003. Dans le même ordre d’idée, le réchauffement climatique et la rareté de l’eau frapperont de plein fouet des secteurs vitaux pour les populations comme l’agriculture et l’économie touristique. La réduction de la consommation de fruits et légumes en raison du changement climatique sur la disponibilité alimentaire pourrait ainsi entraîner jusqu’à 125 000 décès en 2050… Il y a urgence à agir, la vie des populations est en jeu.

 

Un Grenelle de la Méditerranée s’impose

La démarche que nous prônons ? Des solutions existent et d’autres doivent émerger : changement de process, évolution des comportements, solutions fondées sur la nature ou apports des nouvelles technologies. Mobiliser les énergies et les compétences. Travailler sur les acceptations et orienter les financements pour favoriser la mise en œuvre de ces solutions sont des challenges urgents à relever.

Si les récentes avancées du « One Planet Summit » (1) sont, à nos yeux, positives, notre devoir est d’aller plus vite et plus fort. La présidence française de l’Union européenne, en janvier 2022, devra, à ce titre, se montrer exemplaire et proactive pour relever les défis imminents. Nous, militants, acteurs associatifs, membres de l’association EGALI-TERRE et forces vives de la société civile méditerranéenne appelons à ce que la Méditerranée connaisse enfin un véritable Grenelle. Ce mouvement inédit doit prendre à bras le corps les problématiques les plus vives : bon état écologique de la Méditerranée, santé publique durable, économie maritime et côtière dynamique et tempérante, adaptation au changement climatique.

 

Engager des actions concrètes

Au-delà des mots et des concepts, il s’agit de lancer des actions concrètes s’appuyant sur le travail des chercheurs, des ONG, mais aussi des industriels car nous sommes convaincus que le renouveau écologique passe par l’économie circulaire, l’écologie non punitive, les solutions globales adossées à des dispositifs techniques et juridiques innovants. Parmi les dizaines d’exemples, le cas de la plaisance résume les enjeux et les possibles.

Le confinement en mars et avril 2020 a montré l’impact de l’absence de navires sur la faune, la flore et plus globalement l’ensemble de l’écosystème côtier. À échéance de dix ans, la circulation dans les ports et la bande des 300 mètres doit se faire en mode énergie propre.

C’est une décision forte que peut prendre la France. Elle signifie en amont la mise en place d’une nouvelle filière pour reconditionner la flotte existante avec, à la clé, des emplois, de la formation. Comme pour les passoires thermiques dans le bâtiment, il s’agit d’une approche novatrice adaptée à chaque problématique environnementale.

 

La France doit initier le mouvement

Voilà pourquoi, nous pensons que la France peut être l’organisatrice d’un authentique Grenelle de la Méditerranée. En 2009, le Grenelle de la Mer lancé par Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno avait fixé d’inscrire les activités maritimes dans une perspective de développement durable. Cette ambition doit être renouvelée, d’urgence, en faveur de la Méditerranée.

Nous appelons, dès lors, à ce que la France prépare sa future présidence européenne, pour lancer sans tarder ce Grenelle. Le dialogue entre les deux rives, l’écologie, la paix, la coopération, le développement économique couplé à un système de santé durable, sont l’avenir du bassin méditerranéen. Soyons à la hauteur des enjeux liés à la préservation de notre trésor maritime commun, mare nostrum. ♦

 

  • Les signataires – Caroline Gora, Présidente de l’association Égali-Terre. Militante écologiste, féministe et laïque. Christophe Madrolle, militant écologiste. Spécialiste des questions méditerranéennes. Cyprien Fonvielle, Président de la fondation NEEDE Méditerranée. Antony Lacanaud. Fondateur du musée subaquatique de Marseille. Fabrice Bernard, environnementaliste, spécialiste de îles et rivages de Méditerranée. Gilles Berhault, Délégué général de la Fondation des transitions, ancien Président du Comité de programme de la MedCOP Climat. Christopher Pratt, navigateur.

 

Bonus
  • (1) One Planet Summit – Le premier sommet a eu lieu le 12 décembre 2017, deux ans jour pour jour après l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat. 4 000 personnes rassemblées autour d’une tribune de leaders du monde politique, du secteur privé, d’organisations internationales, d’organismes financiers, de fondations, d’ONG et de citoyens. Car l’engagement des seuls décideurs politiques ne suffit pas. Les partenariats multi-acteurs – ou coalitions One Planet  – sont donc fondamentaux. Ils permettent de casser les silos et de mettre en œuvre la transition bas-carbone. Pour engager un changement d’échelle dans la transition écologique, la plateforme d’engagements One Planet Summit promeut les solutions. Elles vont de pair avec l’emploi, l’innovation et la création d’opportunités économiques pour tous.

[relire notre article sur la pollution plastique en Méditerranée. Agir c’est maintenant mais c’est pas gagné !]