Fermer

Série kilos émotionnels #1 : voir un psy… et maigrir !

Par Marie Le Marois, le 24 février 2021

Journaliste

Lac de Constance @ Pixabay

La prise de poids ne dépend pas seulement de notre alimentation. Elle peut être liée à des émotions ou des pensées douloureuses. En les déposant avec un psy, il est possible de s’en libérer et de perdre des kilos. Tout dépend, bien sûr, de l’origine et de l’ancienneté de son surpoids. Juliette, Chloé et d’autres* m’ont confié leur chemin vers l’allègement.

 

Lorsque Juliette a décidé de consulter un psy, c’était pour déposer un mal-être. Pas pour maigrir. Mais au fil des séances, cette maman de 38 ans a fondu. Comme si, en déposant ‘’ses valises’’, elle s’était également délestée de ses kilos en trop. Un hasard ? «  Si ce phénomène est possible, il n’est en aucun cas systématique. La thérapie n’est pas magique », prévient toutefois Gérard Apfeldorfer, psychiatre et psychothérapeute, cofondateur du GROS (Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids – en bonus).

 

Manger pour ne plus souffrir ou pour se rendre indésirable

En revanche, la thérapie peut avoir un impact lorsque la prise de poids a eu pour fonction d’éviter de souffrir : enfants maltraités, parents divorcés, harcèlement scolaire.

Voir un psy… et maigrir
@Elodie Sueur-Monsenert, photo-thérapeute. Série  »Chloé prend le large »

Ou de se rendre indésirable en s’enrobant d’une carapace : victimes d’inceste, de viol ou de toute intrusion intime. Ainsi, ce mécanisme inconscient permet de se prémunir d’une nouvelle agression.

Le surpoids de Juliette, par exemple, lui permettait de se protéger du regard des hommes – elle a subi, enfant, des attouchements de son grand-père – mais aussi… d’elle-même. Alors qu’elle était adolescente, son père a quitté sa mère pour une autre femme. « J’ai eu le sentiment qu’une mante religieuse avait séduit et dévoyé mon papa. J’ai intégré que ma féminité était dangereuse et je l’ai cachée pour que seules mes qualités intellectuelles soient estimées. »

 

Mais aussi du poids pour « prendre sa place »

Poids-carapace, poids-évitement, poids-puissance mais aussi « du poids pour prendre sa place : enfant non désiré, né après une fausse couche, béquille ou sauveur… », ajoute Valérie Grumelin, psychologue spécialisée en thérapie comportementale et cognitive, auteur de ‘’Mon corps me dit’’.

De même, le poids peut servir à « faire le lien », comme Chanel, 21 ans, une de ses patientes. En effet, la nourriture lui permettait de tisser inconsciemment un fil entre ses parents séparés. « Son cerveau avait intégré que, quand on mange, on est bien, on est le lien entre ses parents, on induit l’unité de la famille », explique la psychologue.

 

Émotions négatives mais parfois aussi positives
kilos émotionnels Elodie Sueur-Monsenert
@Elodie Sueur-Monsenert, photo-thérapeute. Série  »Chloé prend le large ».

Ces kilos émotionnels, comme les appelle Stéphane Clerget, psychiatre, sont provoqués par des émotions négatives (la colère, la tristesse…) mais aussi positives – paix, bien-être… « Auxquelles s’ajoutent des émotions secondaires, explique le spécialiste, comme le vide, la honte, la culpabilité ».

« On enfouit son chagrin dans sa poche gastrique et on le recouvre de nourriture, ce qui permet de ne pas connaître la teneur de ses souffrances », résume Bernard Waysfeld, nutritionniste et psychiatre, cofondateur du GROS.

 

Accueillir ses émotions, sans jugement
Voir un psy… et maigrir 2
@Elodie Sueur-Monsenert, photo-thérapeute. Série  »Chloé prend le large »

Comment agissent les émotions sur notre poids ? Elles peuvent pousser à manger davantage, accentuer l’appétit pour le gras et le sucré, décourager l’activité physique. Ou provoquer un stockage de graisses. Ces quatre mécanismes observés par Stéphane Clerget, auteur de l’ouvrage ‘’Les Kilos émotionnels’’, peuvent se cumuler. Et l’enfant devenu adulte va les pérenniser à son insu.

Pour s’en libérer, souligne-t-il, « il sera nécessaire de repérer les différentes émotions à l’origine des prises alimentaires. Puis d’analyser chacune d’elles. »

Il ne s’agit pas de remplacer les émotions pénibles par d’autres positives, prévient Gérard Apfeldorfer, mais de les accueillir sans jugement.

 

Passer en mode dégustation
kilos émotionnels Elodie Sueur-Monsenert
@Elodie Sueur-Monsenert, photo-thérapeute. Série  »Chloé prend le large »

En les vivant pleinement, elles se dissipent d’elles-mêmes et n’ont plus besoin d’être étouffées par la nourriture. « On aide le patient à explorer ses pensées et sensations grâce à la pleine conscience. De même, face aux envies de manger émotionnelles, mieux vaut là encore les accueillir, et donc s’autoriser à manger plutôt que de vouloir les contrôler, ce qui ne fait que les renforcer », explique encore celui qui a signé de nombreux livres sur le sujet, dont Maigrir, c’est dans la tête, et cofondé un programme en ligne, Linecoching.

Pour toutes ces raisons, le GROS nomme cette stratégie l’EME Zen. C’est à dire, l’Envie de Manger Emotionnelle en mode dégustation : « en petites quantités et sans culpabilité ».

 

Perdre du poids d’abord dans sa tête

Une personne est en mesure d’identifier les émotions négatives qui la traversent et de les laisser passer seulement quand elle a retrouvé « la capacité du “moi-je” et du désir », insiste Bernard Waysfeld, auteur de ‘’ Le Poids et le Moi ’’ et ‘’ La peur de grossir’’ (Armand Colin). Prenons le cas de Juliette, la maman de 38 ans. Elle a été suivie par ce médecin il y a treize ans mais c’est seulement cette année que ses conseils résonnent. « Il a fallu que j’emprunte mon propre chemin ».

Son cheminement ? Un ‘’mariage béquille’’ qui a pris fin treize ans plus tard, un régime draconien pour perdre 20 kilos puis en reprendre la moitié. Enfin, une rencontre avec un ostéopathe qui lui a fait prendre conscience que son corps était un « ancrage ». Au bout de ce chemin, elle était mûre pour commencer une thérapie.

 

 

Photothérapie comme clé d’accès
kilos émotionnels Elodie Sueur-Monsenert
@Elodie Sueur-Monsenert, photo-thérapeute. Série  »Chloé prend le large »

De toute évidence, « plus le traumatisme est ancien, plus il sera difficile de transformer les émotions, d’autant que d’autres s’y sont généralement rajoutées », décrypte Stéphane Clerget. Et Bernard Waysfeld de préciser : « Les facteurs de la surcharge peuvent être variés et s’additionner (dérèglement hormonal, régime yoyo…). Cela demande un débroussaillage qui portera ses fruits ou… pas. »

Des approches, autres que la thérapie classique, peuvent offrir des clés d’accès. Pour Chloé Hollings, auteur de Fuck les régimes, c’est clairement l’accompagnement d’Élodie Sueur-Monsenert, photo-thérapeute, qui a débloqué ses émotions. En effet, cette thérapeute utilise des outils,comme la photographie, pour réparer l’estime de soi, se réconcilier avec son image et s’accepter tel qu’on est.

 

L’EMDR également
kilos émotionnels Elodie Sueur-Monsenert
@Elodie Sueur-Monsenert, photo-thérapeute. Série  »Chloé prend le large »

Valérie Grumelin utilise comme clés d’accès l’EMDR et ‘’le Rebirth intra utérin en régression EMDR’’. Par cette technique qu’elle a mise au point, Antoine, 29 ans, dernier d’une fratrie, seul en surpoids et surnommé ‘’Grasdouble’’, s’est rendu compte qu’il avait été un enfant non désiré. Une fois que la bonne porte a été trouvée, les effets de la thérapie peuvent être rapides. Après ce travail, Antoine a abandonné ce surnom et cette double place qui pesait 20 kilos.

Pour cette thérapeute, en acquérant du poids intérieurement, en s’emplissant de confiance, on n’a plus besoin de s’étoffer en prenant des kilos. « On change non seulement son alimentation mais aussi sa façon d’être au monde. »

Juliette aime son corps avec ses vergetures et ses plis, découvre sa féminité et sa sexualité, et sait désormais mettre à distance un regard intrusif. Tout comme accueillir un regard désirant. ♦

 

*Témoignages recueillis dans le cadre d’une enquête pour Psychologie Magazine

 

Bonus
  • L’EMDR – Ce sigle vient de l’anglais Eye Movement Desentitization and Reprocessing, qui signifie en français « Désensibilisation et Retraitement par les Mouvements Oculaires ». Initialement développée à la fin des années 80 par Francine Shapiro, cette technique est devenue populaire pour son efficacité dans le traitement du syndrome de stress post-traumatique et des phobies.

 

  • G.R.O.S – Une approche bio psycho-sensorielle. Selon le Groupe de réflexion sur l’obésité le surpoids, plusieurs domaines sont concernés dans les problématiques liées au surpoids. Le BIO: les avancées de la recherche montrent qu’il existe des mécanismes biologiques multiples impliqués dans la régulation du poids. Le PSYCHO: la difficulté à supporter certaines émotions négatives peut conduire à des réponses alimentaires. Si ce mécanisme se répète régulièrement, il risque de provoquer une prise de poids ou une impossibilité d’en perdre. Le SENSORIEL : les mécanismes de régulation s’expriment par les sensations alimentaires de faim, rassasiement et satiété. Le respect de ses sensations permet de conserver ou d’atteindre son «set point», c’est-à-dire son poids « naturel ».

Le G.R.O.S ne propose pas remède miracle, mais une approche basée sur trois axes. Traiter la restriction cognitive, c’est-à-dire aider à manger selon ses sensations alimentaires, de tout, sans culpabilité. Reconnaître la souffrance émotionnelle et augmenter la tolérance aux inconforts émotionnels pour faire face à l’impulsivité alimentaire. Faire un travail d’acceptation, d’estime et d’affirmation de soi.

Annuaire des praticiens du G.R.O.S ici