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Jardin d’Eden dans un lycée marseillais

Par Marie Le Marois, le 31 mars 2021

Journaliste

Photo @ Pixabay

Après un premier jardin en permaculture, un verger maraîcher a été planté début mars dans l’enceinte du lycée Marseilleveyre. En tout, 4000 m2 de végétaux foisonnants offrent de la fraîcheur au milieu du bitume. Ces jardins, partagés avec le lycée agricole des Calanques, ont principalement des visées pédagogiques. Des élèves peuvent découvrir que les tomates ne poussent pas en hiver, ou observer concrètement la pollinisation. Tandis que d’autres appliquent leurs cours d’aménagement paysager en mettant les mains dans la terre.

 

Brouillon auto 97Quand elle regarde les plantations du haut de sa classe, Juliette s’imagine dans le Jardin d’Eden. Un jardin où cette élève du lycée Marseilleveyre pourra lire à l’ombre d’un arbre à la récré. Un jardin où elle pourra cueillir un fruit et mordre dedans sur place. Son rêve sera bientôt réalité : un verger maraîcher avec 50 arbres fruitiers vient en effet d’être planté dans son établissement (voir bonus).

Initié par le lycée agricole des Calanques, lycée voisin, ce jardin partagé entre dans un projet global : promouvoir l’alimentation en circuit court, favoriser la biodiversité en ville et développer la Cordée Verte (voir bonus). Il intervient également pour le lycée Marseilleveyre dans sa stratégie d’écocampus, qui comprend notamment la lutte contre le gaspillage.

Pour la petite histoire, une première version de ce jardin bio a été réalisée en 2017. Puis l’association Cultures Permanentes (bonus) a pris la relève en 2020.

 

Une nouvelle parcelle de 2000 m2 : verger maraîcher

Ce nouveau jardin de 2000 m2 (environ la taille de quatre courts de tennis) jouxte le bâtiment scolaire. Autant dire qu’il ne passe pas inaperçu auprès des 956 élèves du lycée Marseilleveyre. Cultures Permanentes a planté cinq rangées de pêches et de poires Saint-Jean. Ces variétés ont été choisies « pour leur taille facile et leur récolte rapide », souligne Romain Criquet. Le fondateur de l’association gère le site 365 jours par an avec les apprentis du centre de formation agricole Valabre et les élèves du lycée des Calanques.

Entre chaque rangée, sur dix mètres, sont plantés radis, navet, mesclun et autres légumes choisis pour leur cycle court (ils poussent rapidement). Une fois ramassés, ils laisseront place aux légumes d’été actuellement en semi dans la pépinière du lycée des Calanques (voir bonus).

 

Une première parcelle de 2000 m2 ensemencée en 2020 
Jardin Marseilleveyre
Vue sur la première parcelle cultivée au lycée Marseilleveyre, délimitée par une haie et une table de pique-nique pour les élèves sous le pin… Au deuxième plan : le futur verger-maraîcher

Ce verger maraîcher prolonge une première parcelle cultivée dès février 2020. Elle a produit 1600 kg de légumes entre juin et septembre : tomates, courgettes, poivrons, piments, haricots verts, pommes de terre et légumes rares.

Pour la prochaine récolte, Cultures Permanentes a lancé son deuxième chantier. L’apparent désordre cache une plantation étudiée d’espèces complémentaires entre elles mais le plus divers possible : fèves, choux, aromatiques, asperges, artichauts, cassis, framboisiers, groseilliers et de nombreuses plantes aromatiques.

L’idée est de laisser décider la nature. Les plantes s’organiseront dans le temps et l’espace. ‘’Mauvaises’’ herbes et plantes sauvages protégeront et enrichiront le sol, bouleversé par les gravats liés à la construction du lycée dans les années 50. Enfin, ce foisonnement végétal attirera insectes, papillons et autres vivants, favorisant la biodiversité dans la ville.

 

 

L’arbre au cœur de cette agriculture

Autour de ce jardin, pas de clôture. L’équipe vient juste de planter au nord une haie de 130 arbustes comestibles – noisetiers, lauriers… -. Elle sert de coupe-vent (mistral oblige) et de matière organique pour le sol. L’association a par ailleurs introduit 60 arbres du nord au sud, par ordre décroissant de taille pour favoriser un ensoleillement optimal : quatre grands pacaniers (noix de pécan), cerisiers et figuiers, puis abricotiers, amandiers, grenadiers, vignes, pruniers, etc. Enfin, des pêchers.

Ce jardin « multi-étagé » est « expérimental dans la région », souligne Romain Criquet. L’association s’inspire de l’agroforesterie successionnelle, nouvelle technique agricole – encore une ! – qui vient du Brésil (voir bonus).

 

 

Ces deux jardins partagés sont en permaculture
Jardin Marseilleveyre
@Cultures Permanentes. Première récolte en juin 2020 : 1600 kg de fruits et légumes

Tous les végétaux sont valorisés, selon un principe circulaire et multifonctionnel, « le principe de la permaculture », indique Romain Criquet. Ainsi, la taille puis la décomposition sur place de certains végétaux, comme le chou deux fois par an, vont amender le sol et aider au développement des champignons. Toujours sur ce principe de circularité, les végétaux coupés dans le quartier par les jardiniers élagueurs ne partent plus à la déchetterie. Mais sont transformés en broyat de bois pour pailler les cultures.

Le centre équestre du parc de la Campagne Pastré et le théâtre du Centaure, tous les deux voisins, donnent leur crottin de cheval pour nourrir le compost et servir d’engrais naturel. Côté entretien du jardin, aucune machine n’est importée, tout se déroule sur place.

Même l’eau pour l’irrigation provient désormais d’une source locale : le canal de Marseille, frontière naturelle entre les deux lycées. Cultures Permanentes a pour projet de récupérer et stocker les eaux de pluies de toitures d’ici 2023.

 

 

Mise en pratique par les lycéens agricoles

Si ce jardin partagé est profitable pour la nature, il l’est tout autant pour les humains. Cultures Permanentes veut tester plusieurs formes d’agriculture durable (verger-maraîcher, agroforesterie successionnelle, verger paturé, paysage comestible, etc.). Les apprentis du centre de formation agricole de Valabre (à côté d’Aix) y appliquent leur formation et apprennent de nouvelles techniques. Les élèves du lycée des Calanques en Aménagement Paysager s’entraînent avec un jardin centré sur les plantes comestibles et plus uniquement ornemental.

 

Et au lycée général ?
Jardin Marseilleveyre
Première parcelle plantée en  »agroforesterie successionnelle »

Les profs de Sciences de la vie et de la terre (SVT) organisent une partie de leur programme dans le jardin. Les élèves observent le déroulement de la pollinisation, répertorient les oiseaux pour la Ligue de la Protection des Oiseaux (LPO). Ils ont même installé des nichoirs fabriqués par les élèves en ébénisterie du Lycée Poinso-Chapuis (encore un voisin !). Les lycéens peuvent pique-niquer à l’heure du déjeuner sur l’une des tables en bois installées dans le jardin et trouver de la fraîcheur en cas de coup de chaleur. Comme le résume Gabriel, un élève, « dès mai, on fuit le bitume de la cour ».

Quant à la direction du lycée, cet échange avec l’association Cultures Permanentes, a conduit à des changements de pratique. Par exemple, elle débroussaille désormais les espaces verts uniquement en juin, pour préserver la pollinisation et l’habitat des milliards de petites bêtes. Donc la biodiversité.

 

 

Les légumes pour la cantine

Les premières récoltes de fruits et légumes sont attendues dès mai. Elles reviendront à l’association Cultures Permanentes et nourriront en priorité la cantine du lycée des Calanques. Claire Morcioni, proviseure du lycée Marseilleveyre, prévoit néanmoins d’acheter une partie de la production. Elle souhaite organiser quelques repas dans sa cantine « pour éduquer au goût et à la qualité des produits bio, de saison, et cueillis à maturité ».

Ces repas en circuit archi-courts seront également un moyen de lutter contre le gaspillage alimentaire. Les élèves auront certainement à cœur de terminer leur assiette et ne pas jeter les légumes qui ont poussé sous leur nez.

 

Cueillir en liberté poires et pêches
Jardin Marseilleveyre
@Cultures Permanentes. Production 2020

La proviseure espère également acheter une partie des fruits du verger pour que les élèves puissent cueillir en toute liberté poires et pêches. Elle caresse également un projet d’éco-pâturage avec des ânes. L’idée ? Entretenir écologiquement les espaces du lycée grâce à ces animaux herbivores.

Le site est en passe de renouer avec son histoire. En effet, fondé en 1945, Marseilleveyre était un établissement pilote axé sur l’épanouissement des élèves. Le rêve de Juliette est en passe de se réaliser. ♦

 

Le Fonds Épicurien, parrain de la rubrique « Alimentation durable », vous offre la lecture de cet article mais n’a en rien influencé le choix ou le traitement de ce sujet. Il espère que cela vous donnera envie de vous abonner et de soutenir l’engagement de Marcelle *

 

Bonus

[pour les abonnés] Accord et financements de ce jardin partagé – La Cordée verte – la serre bioclimatique – L’agroforesterie successionnelle – Ferme également au Lycée des Calanques –

  • Le projet du jardin partagé et pédagogique, « dit aussi Ferme des Calanques ». Il est né d’une convention entre le Lycée Marseilleveyre et les lycées du Campus Nature Provence (Calanques et Valabre). Le premier met à disposition une partie de ses terres. En échange, le Lycée des Calanques se charge du débroussaillage et de la tonte de ses espaces verts. Pour cultiver ce jardin partagé, le Lycée des Calanques a fait appel en 2020 à l’association Cultures Permanentes.

Le projet bénéficie du soutien du Ministère de l’agriculture, de la Métropole Aix-Marseille (Plan d’action Agriculture Urbaine) et de la Région Sud, propriétaire des terres sur lesquelles se développe ce jardin partagé, qui finance des arbres dans le cadre de son plan « 1 million d’arbres plantés d’ici 2021 ». 

 

  • La Cordée Verte. Il s’agit de former le plus de citoyens possible aux questions du développement durable dans les écoles des quartiers sud de Marseille. « Cette sensibilisation démarre déjà dans les petites classes avec les écoles de la Pointe Rouge et de la Madrague. Mais aussi du collège Marseilleveyre qui a une classe de sixième dédiée », se félicite Johann Berthaut, proviseur du lycée des Calanques.

 

  • Cultures permanentes est à la fois un organisme de formation et bureau d’étude de conception en permaculture.

 

  • Un nouveau bâtiment a vu le jour, avec une serre bioclimatique, à l’entrée du lycée des Calanques. Il a été conçu par l’école d’architecture l’ENSAM et construit en partenariat avec l’école Le Gabion à Embrun, centre de formation en éco-construction. Paille (roseaux de Camargue), bois, chaux, enduit plâtre et terre du lycée constituent ce bâtiment d’expérimentation.

 

  • L’agroforesterie successionnelle. Les principes de cette nouvelle forme d’agriculture sont de tirer de la complémentarité des arbres et des cultures. Mais aussi de cesser d’opposer nature et agriculture, avec l’idée que la synergie des écosystèmes se démultiplie sous l’action de l’homme.Brouillon auto 100

Les principes sont d’imiter la succession verticale d’une forêt, d’alterner les plantes comestibles au sol. Mais aussi dans le temps, avec des variétés pluriannuelles (choux-kale), annuelles (courge, fève…) ou pérennes (asperge, artichaut…).

 

  • Ferme également au sein du lycée des Calanques d’ici 2022. Avec quatre zones conçues, aménagées et mise en cultures. Actuellement, Cultures Permanentes sème des plante locales – cistes cotonneux, euphorbes…. à la place de plantes invasives et non endémiques. L’idée avec ces espèces est de faire revenir papillons et insectes en ville. Dans l’esprit des sciences participatives, les élèves du lycée des Calanques et les étudiants LPED au merlan observent la faune et comparent leurs résultats. Journées portes ouvertes le 10 avril.