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La forteresse d’Oppède-le-Vieux aux bons soins d’amoureux du patrimoine

Par Nathania Cahen, le 20 avril 2021

Journaliste

Oppède-le-Vieux, la plus grande forteresse médiévale du Comtat Venaissin après le Palais des Papes @JJ Lohier

Depuis six ans, chaque dimanche, une poignée de bénévoles s’active au pied des vestiges de cet ancien château. Ils appartiennent à l’Association de sauvegarde de la forteresse d’Oppède-le-Vieux. Avec leurs deniers personnels et des cagnottes en ligne, à la force de leurs bras, ils entretiennent le site. Avec l’espoir de le rendre un jour au public et d’attaquer une véritable restauration.

 

Un camp de fortune occupe la barbacane. Tables et chaises de camping. Sous nos pieds, un tertre de blocs de pierre entreposés là en attendant de retrouver un rôle plus noble. Mais je ne m’en serais pas doutée si Jean-Jacques Lohier ne me l’avait signalé. Juste avant de démarrer son récit.

La forteresse d’Oppède-le-Vieux sous la bonne garde d’amoureux du patrimoine 4
Jean-Jacques Lohier @Marcelle

C’est en 2013 que l’aventure a démarré pour ce professionnel des travaux publics varois. Épris de patrimoine, il cherchait en effet un projet dans lequel s’investir. Une petite annonce et le voilà au volant de sa voiture. Cap sur le Vaucluse et sur le village d’Oppède-le-Vieux, où se trouve la plus grande forteresse médiévale du Comtat Venaissin (après le Palais des Papes). Ou plutôt, ce qu’il reste de ce monument historique. L’amoureux des pierres est pourtant séduit. Bientôt nanti d’un bail emphytéotique, il peut désormais arpenter le site. Et surtout mesurer l’ampleur de la tâche qui l’attend. Il se doute déjà des heures et de l’énergie qu’il faudra investir…

 

Des comtes de Toulouse aux barons Maynier

Cet engagement suppose bien sûr une immersion dans l’histoire locale et régionale. Le château d’Oppède-le-Vieux a été construit par les comtes de Toulouse au début du 13e siècle. Mais revient très vite aux papes, dès 1274, avant leur installation en Avignon. Ils vont l’étendre et le fortifier.

Puis, en 1501, Alexandre VI, un Borgia, cédera la seigneurie à Accurse Maynier, en faisant le premier baron d’Oppède. Son fils Jean, sera de sinistre mémoire un des meneurs de la chasse aux hérétiques Vaudois qui causera la mort de centaines de personnes entre Cabrières et Mérindol. En 1640, le château est finalement abandonné par une famille Maynier désavouée par la population. Il est très vite pillé et même déconstruit pour ses pierres tendres et ses pièces en bois.

 

En attendant le feu vert de la DRAC
La forteresse d’Oppède-le-Vieux sous la bonne garde d’amoureux du patrimoine 2
@Jean-Jacques Lohier

Impossible d’envisager d’entretenir tout seul un tel ouvrage. Alors Jean-Jacques Lohier crée l’Association de sauvegarde de la forteresse d’Oppède-le-Vieux. Sur la quinzaine de membres, des amis, un archéologue et une architecte. Mais aussi des curieux croisés le week-end à proximité de la forteresse ou de l’église voisine, emballés par le projet. Comme Bertrand, de Salon-de-Provence. Opérateur industriel, le benjamin est aujourd’hui un des piliers du groupe.

Avant d’entreprendre quoi que ce soit, il faut montrer patte blanche. Autrement dit, obtenir l’aval de la DRAC, la Direction régionale des affaires culturelles. Qui demande comme préalable une étude de l’existant. Montant du devis pour une telle étude : 59 000 euros. La DRAC en payera la moitié, un crowdfunding permettra de compléter. Avec le soutien de l’association VMF, Vieilles maisons françaises, la cagnotte Ullule a ainsi recueilli 131 dons pour un total de 20 879 euros.

 

 

Rejointoyer, consolider, déraciner…
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Vingt tonnes de sable acheminées par hélicoptère @JJ Lohier

« Dans l’intervalle, nous entretenons, rejointoyons et consolidons ce qui est à notre portée, commente Jean-Jacques Lohier. Nous stabilisons les zones fragiles. Nous avons débroussaillé puis dégagé la grande cour jonchée de pierres. Dégagé et extrait 630 souches d’arbres. »

Et sur un site de 5 000 m2, du boulot il y en a. D’autant que les conditions d’accès à cet éperon rocheux ne sont pas idéales. C’est par hélicoptère que les 20 tonnes de sables réparties en autant de big bags ont été acheminées sur site.

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Les vestiges trouvés sont répertoriés @Marcelle

Sous une tente plantée en contrebas, Jean-Jacques Lohier me montre les tables et boîtes où sont triés et répertoriés les quelques vestiges trouvés lors des travaux de dessouchage. La collecte est plutôt maigre : des morceaux de céramiques et des os. Ainsi que des fragments de tegulas – ces tuiles d’argile romaines qui attestent d’une présence très ancienne dans la région.

 

 

Pour pouvoir accueillir du public

Les communes voisines ne sont pas indifférentes à ces bénévoles qui suent sang et eau. Qui effectuent un travail de fourmis. Il y a quelque temps de cela, des habitants de Maubec avaient émis un chèque de 500 euros. Et le nouveau maire d’Oppède, Jean-Pierre Gerault suit de près ce qui se passe là-haut : « C’est le prolongement de notre village. Et nous avons des intérêts communs. Nous allons donner une enveloppe pour soutenir les travaux de sécurisation, qui sont l’affaire de tous ».

Une première étape espérée par l’équipe de bénévoles serait en effet de permettre au public d’entrer dans l’enceinte et d’accéder à l’esplanade qui borde les ruines de la forteresse. « Cela suppose de créer une rampe d’accès, de ranger les pierres qui encombrent la barbacane et de sécuriser le périmètre », explique Jean-Jacques Lohier. Un nouveau crowfunding sur Leetchi vient d’être mis en place pour tenter de réunir les 20 000 euros nécessaires. Il en faudrait plus du double pour y adjoindre la réfection de l’escalier à vis qui permettait d’accéder à la forteresse. Réponse avec l’été… ♦

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Bonus

Depuis 1979, plus de 400 interventions ont été réalisées en Provence et à l’étranger. Restauration de moulins, chapelles, lavoirs, murs, calades, bories. Aménagements de chemins, rues, terrasses de culture. Création de sentiers d’interprétation, études techniques, inventaires, expositions…

Si l’expérience, vous tente, vous trouverez ici des chantiers d’été qui cherchent des bénévoles.

 

  • La Fondation du Patrimoine. Depuis lundi 5 avril 2021, on connaît la liste des nouveaux monuments en péril retenus en priorité pour le Loto du patrimoine version 2021. Ce sera la quatrième édition de cette opération confiée à Stéphane Bern, soutenue par la Fondation du patrimoine, le ministère de la culture et FDJ.

Les 18 sites emblématiques de métropole et d’outre-mer sélectionnés (voire plus bas l’infographie Le Parisien) pourront bénéficier également de collectes de dons et de mécénats sous réserve de leur éligibilité. Et, pour ceux protégés au titre des monuments historiques, de subventions du ministère de la culture. La Mission Patrimoine a révélé l’intérêt du grand public pour la richesse et le potentiel d’attractivité du patrimoine local.

Depuis 2018, la Mission Patrimoine a aidé 527 sites pour leurs travaux de restauration. Aujourd’hui plus de 260 sites sont d’ores et déjà sauvés (182 chantiers en cours et 78 terminés). 670 nouveaux projets ont été signalés cette année sur Mission Bern, la plateforme dédiée. Cette dernière est désormais ouverte toute l’année. Chacun, qu’il soit propriétaire ou non, peut y signaler un site en péril.

 

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