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Eqosphere guide les grosses boîtes sur le chemin de la sobriété

Par Hervé Vaudoit, le 18 mai 2021

Journaliste

Produire un déchet a un coût, toute réduction à la source constitue donc une économie @ Eqosphere

Créée à Paris en 2012, implantée à Marseille depuis 2017, Eqosphere conçoit et met en œuvre des programmes de réduction des déchets à la source et de lutte contre le gaspillage, à l’intention des grandes entreprises et des institutions publiques. Ou comment une petite boîte agile peut aider les plus grosses à devenir vertueuses et responsables.

 

À force d’être répétée, la phrase a fini par se banaliser. Mais le principe qu’elle énonce reste, lui, d’une brûlante actualité. Parce que « le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas », Xavier Corval a compris qu’il y avait une belle idée à promouvoir. Et un business utile à développer.

 

Les petits fours qui finissaient à la poubelle
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Xavier Corval, fondateur et patron d’Eqosphère, a fait le choix de déménager l’entreprise de Paris à Marseille après être littéralement « tombé amoureux » de la ville. (Photo DR)

C’était il y a une dizaine d’années, au moment où Nicolas Sarkozy lançait son « Grenelle de l’Environnement », initiant un mouvement qui n‘allait plus s’interrompre au sein de la société française. 

À l’époque, pourtant, pas grand monde ne s’intéressait à la gestion des déchets, hormis les élus locaux qui en avaient la charge. Xavier Corval, lui, y était déjà sensibilisé. « Quand j’étais étudiant à Sciences-Po, au début des années 2000, raconte le jeune entrepreneur, nous organisions régulièrement des cocktails. En fin de soirée, il restait toujours pas mal de petits fours, de verrines et de canapés qui finissaient à la poubelle. »

 

Aider les pros à gérer leurs déchets

Révolté par ce gaspillage, il prend alors l’habitude de récupérer les surplus après chaque événement et d’aller les distribuer aux nombreux sans –abris du pavé parisien.

Un réflexe qui le conduit à s’interroger sur la gestion des déchets produits par les entreprises dans le cadre de leurs activités. « Pour les déchets ménagers des particuliers, il existait déjà une panoplie de dispositifs et d’incitations en faveur du tri et du recyclage, rappelle-t-il. Mais, du côté des professionnels, hormis les entreprises du BTP et celles qui génèrent des déchets toxiques ou dangereux, il n’y avait pas grand-chose. »

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Sans rien sacrifier à la qualité de la prestation, Eqosphère organise des événements éco-responsables en évitant tout gaspillage et tout déchet inutile. (Photo DR)

Xavier Corval flaire alors la bonne opportunité. À l’heure où la réglementation dans ce domaine commence de se resserrer pour les professionnels, il anticipe les évolutions à venir et développe une offre à leur intention.

 

Modèle économique qui fonctionne

Ainsi est né Eqosphere, courant 2012 à Paris. « L’idée, explique le jeune patron, c’était de concevoir des programmes de réduction des déchets à la source pour les entreprises, sur le mode zéro culpabilisation. Et de leur proposer de les mettre en œuvre ensemble, avec à la clé une diminution des volumes de 20 à 70%, selon le type d’entreprise et les outils de gestion existants. »

En complément, Eqosphere s’attache à identifier toutes les possibilités de valorisation pour les déchets résiduels. C’est-à-dire ceux qu’une entreprise ne peut, à l’instant T, s’abstenir de produire.

Pour cela, l’entreprise a conçu un modèle économique qui fonctionne. Partant du principe que produire un déchet a un coût, toute réduction à la source constitue une économie. N’oublions pas que « le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas. » Et pour ceux que l’on produit malgré tout, le recyclage et/ou la valorisation peuvent générer une richesse nouvelle. Dont bénéficient le plus souvent les associations et les systèmes de solidarité.

 

 
La distribution, la santé, l’événementiel et les collectivités adhèrent à la démarche
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La grande distribution est à la fois un client majeur d’Eqosphère et l’un de ses principaux fournisseurs de denrées à redistribuer aux associations de solidarité. (Photo DR)

Pour convaincre ses premiers clients de le suivre, Xavier Corval table dès l’origine sur le peu d’entrain des chefs d’entreprise à gérer ces questions éloignées de leur cœur de business. Et ça marche ! Au fil des mois, des enseignes de la grande distribution, des établissements de santé, des spécialistes de l’événementiel ou des collectivités publiques, adhèrent à la démarche. D’autant que la jeune entreprise décroche d’emblée de nombreux prix et récompenses à vocation sociale et environnementale, dont l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus).

Son offre n’est pas directement concurrente, mais complémentaire de celles des acteurs traditionnels du recyclage.

 

Responsabilité sociale des entreprises

À ses clients, Eqosphere propose ainsi des programmes « dans une logique de solution, sans les culpabiliser, précise Xavier Corval, mais avec l’ambition de professionnaliser, pour eux et avec eux, la démarche de réduction des déchets et de lutte permanente contre le gaspillage. Nous mettions en avant la dimension technique du projet, mais aussi sa dimension humaine, afin que nos clients intègrent petit à petit cet esprit RSE (bonus) dans leur culture d’entreprise. »
En 2013, après avoir rencontré Guillaume Garot, alors ministre délégué à l’Agroalimentaire, Xavier est invité à rejoindre le comité de pilotage contre le gaspillage alimentaire.

L’année suivante voit la mise en place des premières formations à la gestion des déchets et à l’anti-gaspi. « Avec des financements assurés par les organismes collecteurs de nos clients, pour qui ce choix était le marqueur très fort d’une entreprise qui s’engage. » Six ans après, plus de 2000 salariés de la grande distribution ont, selon le jeune entrepreneur, bénéficié de cette formation.

 

Et pourquoi pas l’OM ?
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Collecter des denrées parfaitement consommables promises à la poubelle et les remettre dans le circuit via le tissu associatif, cela permet aux producteurs et revendeurs de limiter leur volume de déchets et aux associations de lutter contre le gaspillage alimentaire en distribuant des repas de qualité à moindre coût. (Photo DR)

Dans l’intervalle, les établissements de santé sont entrés dans la danse. L’association nationale de la formation professionnelle hospitalière (ANFH) a ainsi confié à Eqosphere l’accompagnement des personnels sur la lutte contre le gaspillage alimentaire et la réduction des déchets. « Nous avons réussi à redistribuer un peu plus de 1,5 million d’équivalents repas en 2020, avec des denrées qui auraient dû finir à la poubelle », précise Xavier Corval.

Avec les outils d’analyse numériques qu’elle a mis au point pour informer ses clients et leur offrir des indicateurs de performance fiables, Eqosphere peut aussi évaluer ses résultats sur le temps long. Ainsi, d’un hypermarché de Gap (Hautes-Alpes) en contrat avec l’entreprise depuis 2007. Il a pu chiffrer « entre 1/5 et 1/4 du volume initial » la réduction à la source de ses déchets depuis 14 ans. Ces outils permettent également d’évaluer les missions de CO². Ou les consommations d’eau et d’énergie évitées, le temps de traitement des marchandises… etc.

Demain, c’est même l’Olympique de Marseille qui pourra afficher ses performances, non pas sportives mais environnementales. Le club et Eqosphere ont en effet conclu un partenariat pour réduire la production de déchets les soirs de match au stade Vélodrome. Une autre façon de courir droit au but. ♦



Bonus
  • Responsabilité sociétale des entreprises. Le concept est apparu dès les années 1950, avec la publication de « Social Responsabilities of the Businessman », de l’économiste américain Howard R. Bowen, en 1953. Vint ensuite « The Responsible Corporation », du britannique D.G. Goyder, en 1961. Quinze ans plus tard, le concept est véritablement lancé. D’abord via les lignes directrices définies par l’OCDE en 1976, à l’attention des entreprises multinationales. Ensuite avec la déclaration tripartite de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la politique sociale des entreprises multinationales, en 1977.