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La Goutte Bleue : quand le ramasseur de déchets finance aussi la recherche !

Par Olivier Martocq, le 8 juin 2021

Journaliste

L’objectif est d’écouler 100 000 kits La Goutte Bleue durant l’été @Pure Ocean

Difficile de ne pas croiser un marcheur équipé d’un sac poubelle scrutant le sol à la recherche de mégots et autres plastiques le week-end dernier. La Journée mondiale de l’environnement a rassemblé des milliers de participants partout dans le monde – merci aux réseaux sociaux pour leur incroyable exposition de cartes postales. Ce mardi, la Journée mondiale de l’océan, elle aussi siglée ONU, est l’occasion de lancer « La Goutte Bleue ». Un nouveau concept imaginé par la Fondation marseillaise Pure Ocean. Ou comment transformer le ramasseur bénévole d’un jour en financeur d’actions pérennes.

 

« La dégradation du monde naturel compromet déjà le bien-être de 3,2 milliards de personnes, soit 40% de l’humanité. Si la Terre est fort heureusement résiliente, elle a besoin de notre aide ». Cette déclaration d’António Guterres pour inciter à la mobilisation le 5 juin fera date. Qui, en 1945 au moment de la création de l’ONU, aurait imaginé que son Secrétaire Général s’exprimerait moins d’un siècle plus tard sur des questions environnementales ?

 

Sensibilisation citoyenne
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Le 6 juin, 40 ramasseurs pour 115 kilos de déchets récoltés @Clean my calanques

Le grand public entend de plus en plus ces appels à la mobilisation. L’activité a ainsi été intense tout le week-end en bord de mer et dans les calanques. Partout, des gens équipés de sacs poubelles. Cassés en deux presque à chaque pas pour ramasser bouts de plastique, canettes et autres mégots. Croisés, parmi d’autres sur le littoral marseillais, les bénévoles de Clean My Calanques. Enrôlés au côté d’autres associations comme Les enfants d’Hermès et Action contre la faim. 40 ramasseurs pour 115 kilos de déchets récoltés. Le détail des sacs (égrené sur Facebook) établit un état des lieux des déchets qui jonchent nos côtes méditerranéennes : canettes (1kg), plastique (2,35kg), verre (5,50kg), tout-venant (75kg), encombrants (30,8kg), mégots (700g soit 3181 mégots pour Recyclop), 28 bouchons pour Sauvage Méditerranée.

 

 

Payer pour faire une bonne action !

David Sussmann, le président fondateur de Pure Ocean, est un chef d’entreprise avec des réflexes de chef d’entreprise et une vision de… Y compris pour le fonctionnement de sa fondation. Pour financer les recherches sur la protection des océans, le cœur de sa démarche, il fait preuve d’une inventivité de tous les instants. Au-delà de la quête classique de financeurs publics, comme privés, son crédo est celui du ruissellement. Mobiliser le grand public à travers des actions où chacun peut participer moyennant finance. C’est par exemple nager avec un champion de natation sur une distance honorable. Réaliser un marathon sous-marin en relais. Pagayer en équipe et récupérer des déchets au fond de l’eau. Pour toutes ces actions relayées sur les réseaux sociaux, à même de donner lieu à défi et classement, le bénévole paie sur le modèle du sportif amateur qui s’inscrit à une course. La Goutte Bleue illustre ce concept. Mais poussé à l’extrême, puisque le ramasseur de déchets va payer un sac poubelle recyclable de 40 litres 5 euros… quand il vaut un centime.

 

 

 

Quand le sac poubelle devient un produit à mission !
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Thomas de Williencourt et le kit @Pure Ocean

Pour que l’opération réussisse, il faut que chacun y trouve son compte ! Le packaging a été étudié pour être beau, informatif et valorisant pour l’acheteur. Le sac poubelle en forme de goutte est bleu. « On voit immédiatement que l’utilisateur s’inscrit dans un mouvement en faveur de l’environnement », explique Thomas de Williencourt. Les supermarchés jouent le jeu car, en plus de l’image, la vente de chaque paquet génère une marge confortable : un euro sur un produit vendu 5 euros. « L’opération relève pour eux du business avec une équation intéressante. Plus ils vendent de produits, plus ils gagnent. En outre, ils participent au sauvetage de la planète », décrypte le directeur de Pure Ocean, qui supervise cette opération.

Environ 1000 magasins ont répondu à l’appel. Notamment ceux du groupe Casino. « En tant qu’entreprise, nous sommes engagés dans la transformation écologique, explicite Tina Schuler dans le dossier de presse. La directrice générale des enseignes Casino milite : « Individuel ou collectif, chaque geste compte ! ». L’objectif est d’écouler 100 000 kits durant l’été. Une somme non négligeable pour la fondation qui investit chaque année entre 800 000 et un million d’euros dans dix programmes de recherche. Le bénévole paie son sac poubelle au prix fort parce qu’il sait que 4 euros iront directement dans des laboratoires impliqués dans le sauvetage des océans.

 

Crédibilité

Au départ fonds de dotation ayant pour mission de soutenir des projets innovants autour de la protection des écosystèmes marins fragiles et la biodiversité, Pure Ocean est en passe d’obtenir le label d’ONG. Son action est labellisée « Engagés pour la nature », une démarche proposée par le ministère de la Transition écologique et portée par l’Office français de la Biodiversité. Pure Ocean finance en effet une dizaine de programmes de recherche dans le monde. Ils sont éclectiques : de la capacité des éponges de mer à filtrer, et éventuellement dégrader, les microplastiques de l’environnement marin en Méditerranée. Jusqu’aux qualités d’une bouée d’amarrage flottante inspirée d’une éponge de mer. Ce récif artificiel, imprimé en 3D à partir d’un matériau biogène, devient une véritable ruche à biodiversité, non dégradable dans l’eau de mer.

 

Des messages simples et compréhensibles
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@Pure Ocean

Ce sont les citoyens d’aujourd’hui qui construisent le monde de demain : facilitons la prise de conscience et donnons-leur le pouvoir d’agir. » L’adresse au grand public de David Sussmann, président de Pure Ocean, est simple. L’objectif visé par sa fondation l’est tout autant. « Convaincue que les scientifiques sont les premiers à pouvoir apporter des solutions face aux nombreuses menaces qui pèsent sur notre océan, l’ONG Pure Ocean sélectionne et soutient des programmes de recherche scientifique innovants ».

La communication, c’est aussi être capable d’assener des chiffres qui parlent parce qu’ils sont accompagnés d’exemples compréhensibles. Par exemple, « Chaque seconde, 250 kilos de plastique sont rejetés dans l’océan dans le monde. L’équivalent d’un camion poubelle par minute ». « Nous ingérons jusqu’à 5g de microplastiques par semaineL’équivalent du poids d’une carte de crédit ». Ou encore « L’océan produit 50% de l’oxygène que l’on respire. Soit 1 respiration sur 2 ! ». Suivent des mots d’ordre fédérateurs comme « Une action individuelle pour un enjeu collectif ». Ou « Une action citoyenne pour financer la recherche océanique ». Là encore, le message est simple, audible. Le consommateur devient acteur engagé. Même s’il ne va pas crapahuter sur les trottoirs, dans les champs ou en bord de mer pour ramasser les déchets. Au final, en achetant un kit La Goutte Bleue, il aura œuvré pour la planète. ♦

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