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Des graines de danseur dans les écoles des quartiers

Par Agathe Perrier, le 18 juin 2021

Journaliste

Des élèves de l'école Saint-André Barnier où la compagnie Grenade assure des ateliers danse © DR

Voilà plus de 30 ans que Josette Baïz a commencé ses ateliers de sensibilisation à la danse dans les écoles des quartiers nord de Marseille. Au-delà de la seule pratique, les séances développent la confiance et la créativité des élèves. Sont révélatrices de talents. Si bien que la chorégraphe a créé un groupe puis une compagnie, baptisés Grenade, pour permettre aux jeunes pépites de continuer à s’exprimer.

 

Jour de spectacle à l’école Saint-André Barnier (16e arrondissement de Marseille). Deux classes de CP et quelques grands de CM1 et CM2 vont montrer le fruit de six mois de cours de danse devant l’ensemble de leurs camarades. Avant même la restitution finale, les maîtresses tirent un bilan positif de ces séances hebdomadaires. « Ça a favorisé la cohésion de groupe. Des élèves timides se sont lâchés et révélés, alors qu’on n’aurait pas parié sur eux », échangent Agnès et Laurence. Les écoliers assurent ensuite un petit show malgré un « trouillomètre » à zéro. À leur suite, une troupe de pros enchaîne démonstration et workshop. Trois temps forts – faire, observer, apprendre – constituent les bases de la pédagogie que Josette Baïz transmet depuis 30 ans dans les établissements scolaires du quartier.

 

 

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Workshop avec les professionnels du groupe OOTA, cellule hip hop de la compagnie Grenade, à l’école Barnier © Agathe Perrier
L’influence des enfants des quartiers

Josette Baïz a démarré les ateliers en milieu scolaire en 1989. Chorégraphe à la tête d’une compagnie, elle est sollicitée par le ministère de la Culture pour organiser une résidence chorégraphique à l’école Saint-André Bricarde, au nord de Marseille. De cette année en immersion est tiré le film Mansouria mettant en scène les rêves des enfants au travers de la danse. « On a utilisé leur culture, leur façon de danser, leur métissage », raconte Josette Baïz. Plutôt tournée vers la danse classique et contemporaine, l’artiste évolue elle-même au contact des enfants vers un style plus urbain. Un changement qui s’accompagne de l’envie de poursuivre ces temps d’échange avec les scolaires.

En parallèle, Josette Baïz crée le groupe Grenade, destiné justement aux pépites repérées dans les écoles. Ils disposent ainsi d’un espace où continuer la danse en dehors de la sphère scolaire. À la fin des années 1990, elle va jusqu’à lancer sa compagnie professionnelle, toujours sous le nom Grenade, avec cinq danseuses issues du groupe. « On compte aujourd’hui une cinquantaine d’enfants dans le groupe et une quinzaine de danseurs professionnels dans la compagnie », confie fièrement la directrice. Et qui sait, des élèves de l’école Barnier rejoindront peut-être leurs rangs ?

 

  • Pour connaître les dates des spectacles du groupe et de la compagnie Grenade, cliquez ici.

 

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Magali Fouque anime les séances hebdomadaires auprès des scolaires © DR
Gagner en confiance avant tout

Des graines de danseur ont en effet tapé dans l’œil de l’équipe pédagogique de Grenade, menée par Magali Fouque. Des élèves alliant« une super mémorisation, une précision du mouvement, de la concentration et de l’envie », résume celle qui assure une partie des interventions auprès des scolaires.

L’objectif premier des séances n’est cependant pas de trouver de nouvelles recrues pour le groupe, mais d’ouvrir l’esprit et le corps des enfants. « On commence toujours par une présentation dansée tour à tour, en cercle, avec différentes poses. Cela favorise les échanges, l’écoute et la concentration », explique l’assistante. Suit ensuite un jeu de mémoire où les élèves répètent les mouvements de Magali pour créer une chorégraphie. Sans oublier un atelier d’improvisation pour titiller leur imagination et créativité. Le but est bien qu’ils gagnent en confiance. Et si cela révèle des talents, ils ont au moins la possibilité de le développer en rejoignant le groupe Grenade.

 

 

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Josette Baïz, fondatrice du groupe et de la compagnie Grenade © Claude Almodovar
Danser mais aussi observer

La nouveauté 2021 pour la compagnie Grenade repose sur le dispositif Les cités éducatives. Il se compose toujours d’ateliers danse chaque semaine pour booster confiance et créativité. Auxquels s’ajoutent des spectacles, en tant que danseurs ou spectateurs. « C’est important pour les enfants d’observer, d’avoir des modèles. Ça les aide encore plus à s’ouvrir », considère Magali Djian, directrice de l’école Saint-André Barnier. Destiné à des élèves de CP, le dispositif va les suivre jusqu’à leur entrée en CE2.

Démarré en janvier, le programme a pu se maintenir malgré les conditions sanitaires. « Les élèves ont fait les premières séances en classe, assis sur leur chaise. On a travaillé sur les gestes du quotidien, avec le haut du corps seulement. Ce n’était pas prévu, mais on s’est adapté », glisse Magali Fouque. Des séances attendues par les enfants d’une semaine sur l’autre « comme le Messie »,aux dires de leurs maîtresses. Un engouement qui se transmet à l’ensemble des élèves de l’école le jour du spectacle de fin d’année. Et même si aucun d’entre eux ne poursuit sur une carrière de danseur, nul doute que l’expérience les aura fait grandir. Et ce n’est que le début. ♦

 

Bonus
  • Le budget de la compagnie – Il repose sur des subventions des collectivités locales (Villes de Marseille et Aix-en-Provence, Département des Bouches-du-Rhône, Région Provence-Alpes-Côte d’Azur) ainsi que de l’État via la Drac. La compagnie a aussi obtenu une enveloppe de la Ville de Marseille afin de créer une cellule hip-hop. Baptisée OOTA, elle a notamment pour but de développer ce style de danse dans les quartiers.

 

  • Plus d’infos sur Les Cités éducatives – Lancé en septembre 2019, ce dispositif a pour objectif de contribuer à la réussite des enfants et des jeunes, du plus jeune âge jusqu’à 25 ans, dans certains quartiers prioritaires de la Politique de la ville. Accompagnement à la scolarité, soutien à la parentalité, accès à la culture, aux sports, aux droits et à la santé : tels sont les enjeux majeurs visés par ce programme pour une prise en charge avant, pendant et après le temps scolaire. Parmi les projets déployés à Marseille, les classes danse métissées de la compagnie Grenade. Plus d’infos en cliquant ici.