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Dans la métropole lilloise, ânes et moutons remplacent la tondeuse à moteur

Par Régis Verley, le 25 juin 2021

Journaliste

Remplacer la tondeuse à moteur par quelques paisibles moutons ou par une famille d’ânes ? L’idée peut paraître farfelue, pourtant elle plaît à quelques grosses entreprises installées dans les zones industrielles de la métropole lilloise. Qui font appel à Patureco, un paysagiste-agriculteur qui assure à sa façon l’entretien de leurs espaces verts.

 

Les Van-Quickenborne sont cultivateurs à Orchies. Nous sommes à quelques kilomètres de Lille et, compte tenu de l’avancée de la ville et de ses banlieues, ces agriculteurs sont devenus paysagistes. À travers toute l’agglomération, le père et ses salariés aménagent et entretiennent les espaces verts. Histoire simple.

Lorsqu’au sortir de sa formation Paul Van-Quickenborne a rejoint l’entreprise paternelle, le fils a choisi sa propre voie de développement.  Son idée était de remplacer la tondeuse par des animaux, invités à pâturer sur les terrains engazonnés. « J’ai décidé d’acheter une dizaine de moutons et je me suis adressé à quelques-uns de nos plus fidèles clients. L’accueil a été partout positif ».

 

100 clients et 500 bêtes

Dans la métropole lilloise, des moutons pour remplacer la tondeuse à moteur 1
Paul Van-Quickenborne @DR

D’année en année Paul Van-Quickenborne a agrandi son cheptel. 500 bêtes composent aujourd’hui le troupeau et deux salariés s’occupent à plein temps de « Patureco ». Moutons, ânes, chèvres sont ainsi envoyés en mission d’entretien sur les espaces confiés à l’entreprise paternelle. Les clients sont de plus en plus nombreux, près d’une centaine à ce jour. Pour certains il n’y a que quelques mètres carrés à entretenir mais d’autres ont plusieurs hectares à gérer. « Le minimum, c’est 1500 mètres carrés ».

Patureco compte dans ses clients quelques grosses entreprises : Auchan, Norauto, AG2R La Mondiale, la Française de Mécanique. Toutes installées au vert dans les zones industrielles de la périphérie et qui apprécient de voir leur terrain entretenu de cette façon naturelle, simple et non polluante. « C’est bon pour leur image, et c’est apprécié par les salariés ». De surcroît, c’est économiquement défendable. « Cela revient un peu plus cher pour un terrain plat, mais dès qu’on a des terrains accidentés, par exemple avec des fossés à franchir, ce qui est difficile à assumer avec des machines, cela devient rentable… ».

Au fil des ans, les amateurs se sont multipliés. RTE emploie les troupeaux sur les terrains environnants ses transformateurs. La SNCF a confié à l’entreprise l’entretien de talus le long des voies ferrées. L’ONF et le Département du Nord sont aussi des clients comme un nombre croissant de collectivités locales qui se convertissent volontiers à ce nouveau mode d’entretien de leurs espaces verts.

 

Ni viande ni laine
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« Nos moutons meurent de vieillesse, il n’est pas question de les engraisser pour la viande » @Patureco

Le principe est simple. « Nous louons des bêtes, mais je n’aime pas employer ce terme pour des animaux vivants, en fonction des besoins. Et nous assurons leur entretien. Si le terrain n’est pas fermé, nous installons une clôture électrique. Nous fournissons régulièrement l’eau et les nourritures complémentaires. L’hiver les bêtes sont rentrées chez nous, à Orchies. Dans certains cas les animaux sont à demeure. Dans d’autres, quand il n’y a pas assez de nourriture, nous les déplaçons en fonction des besoins ». Le prix dépend évidemment de la nature et de la complexité des services rendus. Un troupeau c’est de l’ordre de 1 500 à 3 000 euros par an, pour une surface d’un hectare. À quoi il faut ajouter tout l’entretien.

L’argument principal est écologique. « Pour des entreprises, c’est assez valorisant. Dans les villes, la présence d’animaux est appréciée. Moins de bruit et de pollution, tout le monde est gagnant. Nous combinons souvent la mise à disposition des bêtes avec des opérations pédagogiques, des visites avec les écoliers ». À Villeneuve-d’Ascq, un centre d’accueil pour personnes handicapées a recours aux services de Patureco et les résidents sont nombreux à entretenir des liens de familiarité avec ces compagnons vivants. Les moutons et les ânes deviennent vite les mascottes d’un quartier. « Lorsque nous retirons les troupeaux pour l’hivernage, nous avons souvent des doléances des riverains qui regrettent les animaux qu’ils ont eu plaisir à fréquenter. »

 

 

Des animaux robustes et adaptés
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La chèvre des fossés, « une véritable débroussailleuse sur pattes » @Patureco

Paul Van-Quickenborne se veut rassurant : « Lorsque nous nous rentrons les bêtes, c’est pour leur entretien. Jamais pour autre chose. Ici, nos moutons meurent de vieillesse, il n’est pas question de les engraisser pour la viande. Cela ne serait pas accepté par nos clients ». Il reconnaît que, certes, il y a bien eu quelques accidents malheureux : « Il est arrivé que certains de nos moutons aient été volés, et on imagine bien sûr qu’ils ont fini sur la broche. Mais cela reste assez rare. »

Pour la tonte naturelle, le responsable de Patureco a choisi des animaux robustes et adaptés : des « moutons d‘Ouessant », une race très rustique, longtemps menacée, mais devenue préservée. Les animaux sont petits et n’offrent aucun débouché, ni en viande ni en laine. Une fois l’an, pendant l’hivernage, ils mettent bas et complètent ainsi le troupeau. Ils ne sont utilisés que pour leur capacité à entretenir les terrains herbeux. Le « mouton Solognot » qui les accompagne parfois est quant à lui plus grand et plus solide. Il a meilleur appétit et surtout se nourrit des broussailles.

Il en est de même de la « chèvre des fossés ». « C’est une véritable débroussailleuse sur pattes, qu’on peut mettre sur des terrains accidentés et sauvages qu’elle va entretenir au mieux ». Sans oublier quelques précieux ânes du Cotentin. Des animaux paisibles, qui voisinent facilement avec les moutons et sont en général très appréciés par les usagers. « Ils se montrent protecteurs des troupeaux nous les utilisons beaucoup dans les secteurs les plus urbanisés ». Un bonheur pour les riverains. ♦

 

Bonus

Au-delà de la mise à disposition d’animaux, Patureco assure une multitude services complémentaires :

-Tonte des animaux
– Parage des ongles
– Suivi des naissances
– Vérification de la qualité pastorale
– Vérification de la quantité de végétation et adaptation de la charge pastorale

– Réalisation des clôtures de tout type (basic, lourde, esthétique, …).
– Construction d’abris
– Traiter mécaniquement les refus
– Réaliser des animations autour d’événements (arrivée des animaux, tonte, présentation des races, …).
– Faire des visites à cadences convenues.
– Pose de signalétiques d’information.

https://patureco.fr