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Des fauteuils roulants partout, en libre accès !

Par Agathe Perrier, le 5 juillet 2021

Journaliste

Une partie de l'équipe de l'opération Plan B-cane, avec des responsables et des salariés en insertion © Agathe Perrier

Avec son « Plan B-Cane », APS Solidarité ambitionne de doter en fauteuils roulants tous les lieux accueillant du public. Ce fonds de dotation récupère des véhicules inutilisés, les confie à des salariés en insertion pour les retaper, puis les installe dans des mairies, musées, médiathèques ou même sur les sites d’événements sportifs et culturels. L’intérêt est triple puisqu’il favorise l’inclusion, l’insertion professionnelle et l’économie circulaire.

 

Les fauteuils roulants ne servent pas qu’aux handicapés ! Ils peuvent se révéler utiles ponctuellement pour les personnes facilement fatiguées, en raison de leur âge ou de leur état de santé. C’est pourquoi le fonds de dotation APS Solidarité souhaite les déployer dans n’importe quel lieu recevant du public. Des établissements publics ou privés – musées, bibliothèques, mairies, supermarchés, etc. – et même les sites d’événements sportifs ou culturels. « On veut dédiaboliser le fauteuil roulant pour que les personnes fatigables y voient un moyen de se resocialiser et d’avoir accès à un service de confort », explique Nathalie Sadowski, chargée de mission chez APS Solidarité (voir bonus). La structure a donc lancé en janvier 2020 son « Plan B-Cane ». Une opération dont le point de départ est la collecte de fauteuils roulants inutilisés, avant un détour par la case réparation pour leur redonner une nouvelle jeunesse.

 

 

11 salariés en insertion, une majorité de femmes

Toute la phase de remise en état des fauteuils est assurée dans le cadre d’un chantier d’insertion. Onze salariés travaillent actuellement dans un hangar de Châteaurenard aménagé en atelier, géré par l’association ATOL.

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Marco en pleine réparation d’un fauteuil © AP

Comme Virginie, en poste depuis un an. C’est elle qui détaille le parcours des fauteuils.« Une fois livrés ici, on les nettoie au karcher et à la vapeur pour les désinfecter. Puis on les répare, sauf ceux qui ne sont pas réparables et qu’on démonte pour pièces. Ils terminent leur course dans le sas de désinfection et sont emballés en attendant leur placement ». Chaque salarié tourne sur les différents postes évoqués au cours de son passage dans le chantier d’insertion, qui n’excède normalement pas 24 mois.

70% de l’équipe est féminine et deux salariés ont le statut de travailleur handicapé. Une mixité surprenante, compte tenu des taches exercées, plutôt connotées masculines. Jessica, en quête de stabilité après diverses expériences professionnelles, avoue avoir eu un peu de mal au début. Pas très bricoleuse, la jeune femme s’est toutefois vite habituée. « Une encadrante technique nous montre et nous forme. Une fois qu’on a appris, y’a plus de problème », expose-t-elle. Et sa collègue Élodie d’ajouter : « Il y a en plus une bonne entente dans l’équipe et beaucoup d’entraide. Les anciens montrent et expliquent aux nouveaux ».

 

 

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La revalorisation des fauteuils roulants est l’activité principale du chantier d’insertion, mais pas l’unique © Pixabay Licence
60% de sortie positive

La grande majorité des onze salariés actuels n’a pas le projet de poursuivre dans le monde de la réparation. Élodie et Khyra s’orientent plutôt vers du service, en maison de retraite, Sany dans le domaine de la climatisation et Élodie la petite enfance. Là où ils sont d’ailleurs diplômés. Par contre, tous anticipent déjà les bénéfices de ce chantier d’insertion sur leur futur.« Y’a de l’aide pour tout ici, pour passer le permis, voir un psychologue… Et on fait aussi des stages en entreprise suivant le métier que l’on veut faire », apprécie Marco, le benjamin de la bande du haut de ses 21 ans. En parallèle, les salariés disposent de 6 heures d’accompagnement par mois pour construire leur projet professionnel. Sur quinze personnes ayant fréquenté l’atelier au cours de l’année 2020, 60% en sont repartis en ayant décroché un CDD, un CDI ou une formation.

Grâce au matériel dont ils disposent pour la valorisation des fauteuils, les salariés assurent également du nettoyage de voiture et de la remise en état de locaux. Un moyen pour l’association ATOL de pérenniser le modèle économique du chantier d’insertion.

 

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80 fauteuils ont été valorisés en 2020 à partir de 300 récupérés © AP
300 fauteuils récupérés

En 2020, 300 fauteuils roulants sont passés entre les mains des salariés en insertion. Du matériel récupéré autant auprès de particuliers que de structures type Ehpad, dans un rayon d’une centaine de kilomètres autour de l’atelier de réparation. « Ceux des particuliers sont généralement en très bon état, mais il n’y en a qu’un et les collectes sont dispersées. Avec les Ehpads, il y a souvent plus de quantité, par contre en moins bon état », précise Nathalie Sadowski. Tous sont en tout cas les bienvenus car si l’un est trop détérioré, il servira pour pièces. Avec trois à quatre fauteuils abîmés, il est possible d’en remonter un complet. 80 ont été revalorisés à partir des 300.

Les fauteuils presque neufs sont ensuite placés gratuitement dans des lieux recevant du public en ayant fait la demande. De façon plus ou moins temporaire. « Ils y restent tant qu’ils y ont une utilité. Sinon on les récupère pour les amener ailleurs », souligne Nathalie Sadowski. L’opération est financée grâce au mécénat. Le premier donateur à y avoir contribué est l’Intermarché de Pernes-les-Fontaines (84). L’enseigne a financé la remise en état de onze fauteuils, dispatchés aussi bien dans son magasin qu’à l’office de tourisme de la commune, au centre de vaccination ou encore à l’épicerie solidaire. En parallèle, APS Solidarité concourt à divers événements culturels et sportifs. Des fauteuils seront ainsi disponibles au festival d’Avignon, du 5 au 25 juillet, ou lors du challenge sportif inter-entreprises Sport2Job à Marseille, le 5 octobre prochain. De quoi apporter de la visibilité à ce projet exemplaire. ♦

 

 

Bonus 
  • Derrière APS Solidarité, une entreprise de l’ESS – APS Prévoyance, intermédiaire d’assurances, a été créée en 1985. C’est en fait un courtier en assurance qui incite à la création de groupes d’acheteurs d’assurances afin qu’ils bénéficient de la puissance du nombre pour obtenir des assureurs les meilleures conditions de garantie et de tarifs. Elle compte 45 000 adhérents dont 70% sont sous le seuil de pauvreté. Elle a créé son fonds de dotation, APS Solidarité, en 2018 pour lancer des actions d’entraide. Le Plan B-cane en est la première.

 

  • Ailleurs en France Le Réseau français du fauteuil roulant recense une cinquantaine d’associations humanitaires qui ont besoin de fauteuils. Pour des actions solidaires en France et à l’étranger.