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Pour la mer, la France doit poursuivre ses ambitions et cesser de mégoter

Par Didier Réault, le 4 septembre 2021

homme politique

@ Conservatoire du littoral

Congrès de l’UICN jusqu’au 11 septembre au Parc des expositions de Marseille, ouvert depuis ce samedi au grand grand public. La thématique de cette édition 2021 est particulièrement anxiogène. Les experts de l’ONU estiment que la biodiversité s’effondre avec un million d’espèces animales et végétales menacées de disparition. Un déclin qui met en péril les conditions mêmes de l’existence humaine sur terre, comme l’ont montré récemment les catastrophes climatiques à répétition. « Et nous savons que tous ces défis sont liés à notre comportement humain », alerte le secrétaire général de l’UICN, Bruno Oberle. 

Parmi les annonces d’Emmanuel Macron, la tenue d’un « One Ocean Summit » en France fin 2021 ou début 2022. Une réponse à l’une des thématiques fortes du congrès de l’UICN : l’état des océans. Ces derniers sont particulièrement affectés par le réchauffement climatique comme par la pollution, notamment plastique. Or, ils représentent l’un des principaux puits de carbone naturels de la planète. Pour Didier Réault, il faut donc aujourd’hui changer de paradigme. Président du Parc national des Calanques, vice-président « Mer, Littoral, Cycle de l’eau » à la métropole et vice-président du Conseil départemental 13 aux Solutions fondées sur la nature, l’élu LR laisse de côté le langage technocratique et le politiquement correct.

 

La tribune

“La mer commence ici” peut-on lire sur certaines plaques de réseaux pluviaux ou certains trottoirs de nos villes littorales. C’est une prise de conscience salutaire, mais récente, de l’impact des bassins versants sur le bon état écologique de nos océans et mers.

Pourtant, depuis de nombreuses années, la France, grâce à son réseau d’Agences de l’Eau, est engagée sur une vraie politique publique de gestion et de traitement de l’eau. Qui s’est plus récemment étendu à l’amélioration de la qualité écologique des cours d’eau. Des moyens conséquents sont mobilisés, en se basant sur le principe : “l’eau paie l’eau” (par une taxe sur les consommations).

 

Pour la mer, la France doit poursuivre ses ambitions et cesser de mégoter 1
Didier Réault et Bérangère Abba, secrétaire d’état en charge de la biodiversité

 

Libérer le potentiel littoral de l »hexagone

Bien que ce principe soit écorné depuis quelques années par une ponction des trésoreries ou bien un plafonnement des recettes de cette taxe par Bercy, les investissements d’un montant de plusieurs dizaines de milliards d’euros réalisés par les collectivités territoriales, les industriels, les agriculteurs et chacun d’entre nous… Tous ceux qui paient une taxe considérable sur la consommation d’eau, dont les bienfaits indiscutables.

Il en est de même pour le Conservatoire du Littoral dont la mission de préservation en espaces naturels de la frange littorale est indispensable. Notamment pour la bonne qualité des petits fonds côtiers, principale source de biodiversité de nos mers et océans. En effet, son principal financement issu du Droit de Francisation des Navires fait régulièrement l’objet d’une volonté de “rabotage” de quelques… millions d’euros. Franchement, ce mégotage des moyens n’est plus admissible compte tenu des enjeux de nature et de biodiversité.

 

Conceptualiser oui, mais surtout adapter les politiques

En mer, la stratégie nationale pour la mer et le littoral dont s’est dotée la France en 2017 doit permettre de “libérer le potentiel français dans trois domaines majeurs que sont l’économie, la protection des écosystèmes marins et du littoral et la connaissance”.

Pilotée et suivie par le ministère de la Transition écologique et solidaire, elle s’incarne par la mobilisation des acteurs réunis au sein d’un Conseil national de la mer et des littoraux, ainsi que des conseils maritimes de façade.

L’organisation est posée et permet aux préfets maritimes de mettre en place des règlementations fortes de protection de la biodiversité ou bien d’organisation des activités maritimes et littorales. Par exemple, l’organisation des mouillages sur la façade méditerranéenne qui permet une moindre destruction des herbiers de posidonie en Méditerranée.

Comme souvent, dans notre pays, nous savons conceptualiser, définir des grands objectifs, afficher des politiques publiques et organiser nos administrations… Mais plus difficilement les adapter aux spécificités territoriales, en facilitant la mise en œuvre des compétences de collectivités locales et soutenant les initiatives des acteurs concernés.

 

 

Faire évoluer la gestion des ports

Dans le domaine de l’économie, par exemple, le secteur de la plaisance connaît, depuis quelques années, un bouleversement des pratiques. D’un côté, une explosion des activités, légales ou illégales d’ailleurs, de partage et de location des embarcations. De l’autre, des propriétaires qui n’arrivent plus ou ne veulent plus entretenir leurs navires. Ne savent plus comment s’en débarrasser et les laissent se détériorer dans les ports.

Cela mérite une évolution majeure de la gestion des ports, des points d’accès à l’eau, de l’organisation de la filière nautique (recyclage des embarcations, notamment) et de la surveillance en mer.

Sur ces deux derniers points, pour le respect du droit de propriété et des raisons de sécurité, l’État doit rester le seul “maître à bord”. Cependant, pour les deux premiers, il doit laisser plus de souplesse et faciliter les initiatives d’organisation des collectivités territoriales. Une révision des principes d’organisation et de gestion du Domaine Publique Maritime (en fait, littoral) doit être un des grands objectifs des prochaines années.

 

Une gestion en prise avec le terrain

Enfin, dans les domaines de la connaissance scientifique et de la préservation de la biodiversité, vouloir monter à 30% du domaine maritime français la surface des aires marines protégées ne doit pas constituer l’alpha et l’oméga de la politique publique de protection de la mer et des espèces marines.

Une aire protégée ne remplit bien sa fonction et ne fonctionne bien que si elle est gérée avec des scientifiques et des personnels de terrain compétents dans ces domaines. Ce qui, bien sûr, nous ramène au mégotage cité plus haut. Et sur l’octroi des fameux ETP (Equivalents Temps Plein) subi, annuellement, par l’ensemble des administrations, organismes de recherches et structures de l’État (Office français de la biodiversité, parcs nationaux, parcs naturels marins, réserves naturelles, ONF…).

Les solutions fondées sur la nature sont pourvoyeuses de forts bénéfices pour l’humanité tout entière. Elles nécessitent des investissements bien moins importants que d’autres politiques, certes plus visibles (pour ne pas dire “bling-bling”) basées sur la technologie. Elles ont fait et feront toujours leurs preuves. Si tant est que l’humanité ne s’acharne pas à les ignorer ou les négocier à la baisse. ♦