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Accepter et afficher son vitiligo

Par Lorraine Duval, le 30 septembre 2021

Journaliste

Visages, mains et pieds sont les zones le plus souvent touchées. Photo Association française du vitiligo

C’est une pathologie bizarre, sans gravité mais très visible. Caractérisé par une dépigmentation de la peau, le vitiligo peut complexer ceux qui en sont atteints. Affecte parfois leur vie sociale ou amoureuse. Les traitements existants permettent de l’atténuer, jamais de s’en débarrasser. Pourtant, les mannequins Tiger Lily ou Amy Deanna portent le leur en étendard. Tandis qu’Édouard Philippe, ancien Premier ministre, évoque désormais le sien dans les médias. Et si ces peaux tâchées devenaient tendance ?

 

Le vitiligo (du latin vitium, défaut) est « une destruction des cellules qui assurent la pigmentation de la peau », nous apprend le Pr Marie-Aleth Richard, dermatologue à l’hôpital de la Timone, à Marseille. Cette maladie résulte d’une anomalie du système immunitaire qui attaque sans raison les cellules de l’organisme chargées de la pigmentation – les mélanocytes. « Elle n’est pas héréditaire et n’a aucune conséquence fâcheuse pour la vie, précise encore le médecin. Mais elle évolue constamment et ne peut être bloquée ».

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Près d’un million de Français souffrent de vitiligo. Photo Afvitiligo.

Indifféremment touchés, femmes, hommes, enfants représentent près d’un million de personnes en France. D’un individu à l’autre, les zones atteintes et leur étendue sont variables. Les visages, mains, pieds et parties génitales sont souvent affectés. Les zones de frottement également, comme les coudes et les genoux.

 

Pour certains, un handicap social

De nombreux patients vivent le vitiligo comme une disgrâce.

« C’est très handicapant dans la vie sociale car accessible à la vue et affichant, admet le Pr Richard. Davantage encore pour les peaux foncées. Forcément, elle ressort davantage sur un Indien que sur un Irlandais ». La pathologie est associée à nombre de fantasmes, alors qu’en réalité, elle n’est pas contagieuse et n’a rien à voir avec la lèpre. « Ce n’est pas non plus psychosomatique, ni psychologique. Et les parents qui culpabilisent toujours ne sont pour rien dans la maladie de leurs enfants ».
Reste que ces taches claires complexent. Se traduisent parfois par de la honte, une perte de confiance en soi, le sentiment d’être trop visible, trop différent. La stigmatisation va parfois jusqu’à occasionner des difficultés dans la vie sociale ou sentimentale.

 

Psychologie et maquillage

Accepter et afficher son vitiligo, cette maladie de peau trop visible 3Laura Peyla, psychologue du service de dermatologie à La Timone, reçoit notamment des patients souffrants de vitiligo. En effet, aux malades en éprouvant le besoin est proposé un temps d’écoute et d’échange. « Les patients peuvent ainsi évoquer le vécu de la maladie. Comment ils ont appris à s’adapter et à composer avec elle dans la vie sociale, explique-t-elle. La visibilité des symptômes du vitiligo est parfois stigmatisante, avec une altération de l’image du corps. Et le regard des autres est souvent difficile à soutenir. » La souffrance psychologique des individus peut se manifester par une   anxiété plus importante ou une dépression, nécessitant un accompagnement psychothérapeutique régulier.

Certains patients cherchent à masquer les traces du vitiligo en tentant de corriger ou d’estomper la dépigmentation de la peau. « Dans le cadre des programmes d’éducation thérapeutique pour le patient (bonus), ajoute la psychologue, nous leur proposons des ateliers de maquillage médical correcteur. Ces séances, en co-animation avec une aide-soignante du service, permettent aux patients d’apprendre des techniques de maquillage afin de « masquer » les parties dépigmentées de la peau. »

 

Ne pas guérir sans en souffrir : assumer

Si des traitements existent et permettent de repigmenter la peau, ils ne permettent pas de guérir de la maladie. Le vitiligo peut donc réapparaître, aux mêmes endroits ou ailleurs. « On peut parfois proposer des prises de corticoïdes en plus des traitements locaux anti-inflammatoires. Ils ne sont administrables qu’à faible dose pour que l’organisme n’en soit pas affecté par ailleurs », souligne le Pr Richard.

Les ultraviolets permettent également de recolorer les lésions les plus gênantes. « Une solution assez lourde, de l’ordre de trois séances hebdomadaires durant 12 mois, non remboursé par la Sécurité Sociale. Certaines personnes sont prêtes à s’investir dans des soins de manière importante », constate la dermatologue. Elle souligne que tout se décide au cas par cas, en fonction des patients, de leurs besoins et de la localisation des zones.

 

 

Une force, pas un complexe

Accepter et afficher son vitiligo, cette maladie de peau trop visible 4Il existe en tout cas un point vraiment positif : on parle davantage de cette maladie grâce à certaines personnalités publiques. Le plus célèbre en France est désormais le maire du Havre et ancien Premier ministre, Édouard Philippe, dont tout le monde a vu la barbe devenir progressivement bicolore au fil de son mandat à l’Elysée. Le 12 septembre dernier, dans l’émission Sept à Huit sur TF1, il s’en est ouvert : « C’est comme ça, ce n’est pas un sujet, je l’assume et je n’ai pas besoin de m’en excuser. »

La mannequin américaine Amy Deanna qui expose son vitiligo de manière naturelle, a également permis de mieux faire connaître cette pathologie au grand public. Comme elle, d’autres mannequins ont fait de cette peau tachée un atout. L’été passé, les mannequins Tiger Lily et Jyoti ont accepté de témoigner lors d’une campagne de sensibilisation inédite en France. Et ainsi permis de décomplexer tous ceux qui comme eux ont la chance d’avoir deux couleurs de peau plutôt qu’une. ♦

 

Bonus
  • Accepter et afficher son vitiligo, cette maladie de peau trop visible 2L’Éducation Thérapeutique du Patient. L’ETP est destinée à aider une personne atteinte d’une maladie chronique, à tout âge de sa vie, ainsi que son entourage. Elle permet de maintenir ou d’acquérir les compétences nécessaires pour mieux se soigner et mieux vivre au quotidien.

Les programmes d’ETP sont des espaces d’échanges privilégiés entre les soignants et les usagers, à travers des activités individuelles et/ou collectives, favorisant le partage d’expérience. L’usager peut en faire la demande tout au long du suivi auprès de son médecin et de l’ensemble des professionnels de santé.

 

  • L’association française du vitiligo. Depuis 1991, l’AFV représente et défend les malades dans la sphère publique comme dans leur vie privée ou professionnelle. Cela passe par un soutien, moral, une écoute et des informations sur les avancées de la recherche. Le soutien de cette recherche. Mais aussi la sensibilisation du grand public sur cette maladie mal connue.

 

  • Lire. Le témoignage du mannequin Winnie Harlow : « Je me fous que vous me trouviez belle ou non « . Cet article paru sur un site féminin nous présente huit mannequins atteints de vitiligo et qui l’assument. Dans la novlangue, cela s’appelle du « body positive ».