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Aux Marais du Vigueirat, l’insertion professionnelle, c’est naturel !

Par Agathe Perrier, le 14 octobre 2021

Journaliste

Missa, l'une des salariés en insertion des Marais du Vigueirat © Agathe Perrier

En Camargue, l’entretien du site protégé des Marais du Vigueirat est assuré par une trentaine de salariés en insertion. Plus des deux tiers repartent avec un job ou une formation en poche. De bons résultats qui n’ont pas empêché la baisse des subventions publiques. Pour palier ce trou dans la raquette des finances et pérenniser cette structure familiale, des prestations extérieures sont désormais proposées.

 

C’est un site naturel entre le delta du Rhône et la plaine steppique de La Crau : les Marais du Vigueirat. 1 200 hectares à la faune et la flore diversifiées, avec pas moins de 885 espèces végétales et 300 espèces d’oiseaux, dont les emblématiques flamants roses de Camargue. Des habitants qui côtoient touristes et visiteurs avides de nature tout au long de l’année. Pour que la cohabitation soit harmonieuse, une vingtaine de salariés entretiennent l’espace.

Tous sont en insertion. Éloignés du monde du travail pendant un temps, ils en réapprennent les codes en prenant soin de ce site protégé. « C’est un cadre merveilleux pour venir travailler », reconnaît Missa. Celle qui ne « tient pas enfermée plus d’une heure dans un bureau » fait partie de l’équipe attelée au jardin. Un potager où poussent légumes, fleurs et aromates selon les principes de l’agriculture biologique. D’autres ont pour mission l’entretien des espaces naturels, des locaux (d’anciens bâtiments agricoles réhabilités) ou la gestion de l’accueil. Ils sont 26 actuellement – l’équivalent de 19,24 temps plein – et bientôt davantage.

 

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© JLL AMV

Une variété de tâches et de chantiers


L’activité d’insertion aux Marais du Vigueirat a débuté avec l’entretien de cet espace naturel. On est alors en mars 2010. « Une douzaine de salariés a eu en charge la tonte, le taillage, l’élagage des arbres, mais aussi la pose de barrières, d’un portail. C’était auparavant délégué à une association avant d’être internalisé pour des questions de réactivité », se souvient Brigitte Fuss, responsable du volet insertion au sein des Amis des Marais du Vigueirat, l’association gestionnaire du site. Depuis, dès qu’une clôture est cassée, l’équipe dédiée la répare. Un problème dans la gestion de l’eau ? Elle est appelée pour le résoudre. Idem encore pour ramasser les (nombreux) déchets polluant le canal annexe.

Au fil des années, de plus en plus de visiteurs se pressent aux Marais. Décision est prise de créer un second chantier d’insertion en 2014, cette fois pour l’entretien des espaces aménagés. De quoi élargir le panel d’activités proposées et ouvrir plus de portes à des personnes souhaitant se réinsérer en douceur dans le monde du travail. Différentes équipes ont ainsi imaginé et donné vie au jardin potager, refait la boutique de l’accueil, l’isolation d’un hangar… Des missions ponctuelles couplées à des régulières, comme l’accueil des visiteurs ou la gestion de la buvette.

Parmi ces tâches somme toute classiques, l’une dénote : le transport. Deux salariés sont en effet chargés de l’acheminement de leurs collègues chaque début et fin de journée. « Le site est très excentré. Or, beaucoup de personnes en difficulté n’ont pas de permis de conduire ou de voiture pour venir. On a donc acquis deux minibus pour les trajets jusqu’aux Marais », précise Brigitte Fuss. Un poste clé puisque de la présence de ces chauffeurs dépend celles des trois-quarts des effectifs en insertion.

 

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Des déchets récupérés après une opération de nettoyage du canal du Vigueirat © DR

Une activité désormais hors les murs

Nouveauté depuis juin 2020, une équipe mobile de six salariés en insertion réalise des prestations en dehors du site. Par exemple, sur deux aires d’autoroute – Caissargues et Costières sur l’A54 – gérées par Vinci, pour notamment tondre et tailler des oliviers, récolter leurs fruits qui sont ensuite transformés en huile.

L’association a aussi initié une collaboration avec la fondation Luma d’Arles dans le cadre de son projet de valorisation d’espèces végétales invasives. Parmi les cibles : les agaves du Parc national des Calanques. « On est en train d’aménager un atelier dédié à leur transformation dans notre ancienne bergerie, avec deux machines spécifiques pour récupérer leur fibre naturelle », explique Brigitte Fuss. Les salariés en insertion des Marais du Vigueirat seront chargés de la transformation. La matière première, arrachée dans les calanques, sera récupérée par un autre chantier d’insertion. Et la fondation Luma décidera ce qu’elle veut réaliser à partir des fils obtenus. Un autre projet est parallèlement en cours avec une éco-designeuse qui valorise en paniers et cabas les tuyaux usagés des maraîchers (bonus).

Ces expérimentations participent, là encore, à étendre l’offre en insertion proposée aux Marais, particulièrement dans les domaines environnemental et artistique. Et à attirer des profils plus féminins dans les effectifs, peu nombreux à se bousculer d’ordinaire tant les missions d’entretien peuvent se révéler vraiment physiques.

 

 

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© DR

Un déploiement bon gré mal gré

Ce développement des activité a aussi des raisons économiques. « On a perdu un million d’euros de subventions depuis 2015, couplé au manque de recettes liées à la crise sanitaire. On cherche désormais des prestations extérieures pour maintenir notre mission de protection du patrimoine, d’ouverture au public et d’insertion », expose Jean-Laurent Lucchesi, président des Amis des Marais du Vigueirat.

Ces difficultés budgétaires ont même contraint l’association à se rapprocher du groupe SOS, seul acteur qui s’est proposé à l’aider financièrement. Une filialisation a ainsi été signée en octobre 2020 entre les deux structures. Concrètement, la gouvernance est passée sous la houlette du groupe SOS Transition Écologique et un prêt associatif à hauteur de 375 000 euros a été contracté. Si l’association n’a pas eu à modifier ses projets pour le moment, cela reste néanmoins une éventualité. « On est toujours là grâce à eux », retient surtout celui qui met son énergie au service des Marais depuis plus de 35 ans.

 

Près de 70% de sortie dynamique

L’association poursuit donc son activité un peu plus sereinement aujourd’hui qu’il y a un an. Et, preuve que la situation est plutôt bonne, le nombre de postes en insertion va grimper à 33 en 2022. Avec même l’objectif d’atteindre les 50 d’ici les années suivantes, en renforçant les effectifs des équipes mobiles intervenant à l’extérieur.

Depuis la création des chantiers en 2010, une trentaine de personnes y passent chaque année. Pour 69,25% de sorties dynamiques, à savoir un emploi ou une formation qualifiante en poche. Un chiffre supérieur à l’objectif de 60% fixé par l’État. Une fierté pour cette structure aux valeurs familiales, mue par la volonté de protéger un site exceptionnel tout en créant du lien social. ♦

 

Bonus 

  • Les financements des Marais du Vigueirat – L’État assure la quasi-totalité de la rémunération des salariés en insertion. Des aides sont ensuite distribuées par les collectivités locales, le Département des Bouches-du-Rhône et la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Sans oublier les fonds propres de l’association, alimentés notamment par les visiteurs, environ 30 000 chaque année.
  • Valoriser les plantes invasives… – C’est le projet d’Atelier Luma via son « Club des Plantes Invasives ». Ces dernières – agave, renouée du Japon, herbe de la pampa, Rumex crispus pour ne citer qu’elles – sont un fléau pour les habitats naturels et les espèces végétales autochtones des sites protégés car elles se développent plus rapidement, envahissent ces espaces et se substituent aux espèces déjà présentes. Avec ce projet, Atelier Luma veut valoriser ces espèces arrachées saisonnièrement. Et expérimenter l’utilisation des fibres ainsi obtenues pour créer des objets utiles à la vie de tous les jours, notamment du tissu végétal, pour pallier leur simple destruction. Plus d’infos en cliquant ici.
  • … Et les tuyaux usagés – Stéphanie Dick, écodesigner impliquée dans le mouvement Zero Waste, fabrique des cabas à partir de déchets plastiques. Et plus particulièrement les tuyaux de goutte à goutte. Une manne impressionnante puisqu’ils sont à usage unique. Les maraîchers en jettent donc régulièrement de très grandes quantités, non recyclées en France car pas rentables. Une campagne de financement participatif est actuellement en cours pour soutenir ce projet. Plus d’infos en cliquant ici.