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Cross The Ages : un projet mondial piloté depuis Marseille !

Par Olivier Martocq, le 3 novembre 2021

Journaliste

PixelHeart est un studio indépendant de production de jeux vidéo. Créé à Marseille il y a 5 ans, il y a maintenu son siège. La toile et les outils de travail en distanciel généralisés depuis la Covid lui permettent aujourd’hui de créer et piloter depuis la cité phocéenne un nouvel univers sur le modèle du Seigneur des anneaux, Stars Wars ou Game of Thrones… Cross The Ages a été imaginé, réalisé et financé par des équipes disséminées sur tous les continents.

 

Le cœur de la machine se trouve toujours rue Fongate, à deux pas des immeubles effondrés de la rue d’Aubagne. Les bureaux sont disséminés dans plusieurs locaux de la rue, pas clinquants, mais opérationnels. On les repère grâce aux rideaux métalliques graffés de têtes d’animaux. Une touche de couleur à cette petite artère terne et sans éclat. Face au siège de PixelHeart se dresse un immeuble de la mairie abandonné depuis dix ans. La municipalité Gaudin le lui avait vendu pour en faire un lieu dédié à l’univers des jeux vidéo comprenant, entre autres, une école de formation aux métiers dédiés. Dossier suspendu par la nouvelle équipe municipale depuis deux ans. Les investisseurs, lassés, cherchent ailleurs. Voilà pour le décor, à des années-lumières des majors du secteur implantées du côté d’Hollywood et de la Silicon Valley.

 

Les jeux vidéo, une révolution permanente

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Sami Chlagou, CEO de Cross The Ages

La spécialité de PixelHeart est donc le jeu vidéo. Le studio indépendant en a produit une cinquantaine pour Dreamcast, Nintendo Switch, PlayStation 4&5. Un secteur en révolution permanente du fait de l’apparition de technologies de plus en plus performantes. Dans les années 80, les jeux étaient sur disquettes. On les achetait. On les introduisait dans une console reliée à un écran de télévision et on jouait. Aujourd’hui on va se connecter avec son téléphone sur un cloud et soit on joue seul contre la machine, soit à des milliers, alliés ou ennemis virtuels depuis tous les coins de la planète.

Cette évolution, Sami Chlagou, directeur général du studio marseillais, l’a accompagnée puisqu’il a misé sur sa plateforme Rushongame.com pour distribuer les jeux et développé des studios de création comme PixelHeart. « Le nouveau modèle économique c’est Axie Infinity. Un jeu gratuit qui a néanmoins généré 845 millions de dollars durant le seul mois d’août. Ce que l’on valorise désormais c’est le temps de jeu passé sur l’application dédiée. Plus un joueur joue, plus il est récompensé en cartes représentant des personnages ou des décors du jeu. Cartes qu’il peut collectionner, échanger ou vendre. »

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Cross The Ages, un projet global

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Une carte de ce nouveau jeu fantastique.

Avec CTA (nom de code interne pour Cross The Ages), Sami Chlagou vise ce secteur émergeant des cartes numériques à collectionner. Ces objets virtuels font aujourd’hui fureur. Le marché mondial est adossé aux dernières technologies du net, NFT et blockchain, qui permettent d’authentifier et de sécuriser les transactions. Mais par son ampleur, le projet Cross The Age va bien au-delà de la conception et de la réalisation de cartes à collectionner. Cela explique le casting international impressionnant que la PME marseillaise (15 millions de CA cette année) a pu réunir 68 artistes mondiaux.

Plusieurs stars de l’heroic fantasy (Avatar, Stars Wars, Game of Thrones, Marvel, Magic : L’Assemblée) ont rejoint l’aventure. Illustrateurs français, chinois, américains, japonais, coréens signent plus de 400 illustrations. Autant de cartes à collectionner qui décrivent et conceptualisent un nouvel univers inédit mêlant heroic et science-fiction. « Le plus difficile a été de contacter les premiers artistes. Je suis passé par les réseaux sociaux. J’ai envoyé des centaines de mails. Le premier à rejoindre l’aventure était un Espagnol, Rafater. Il l’a indiqué à ses followers et à des contacts dans le milieu. Effet boule de neige dans le monde entier car les dessinateurs forment une petite communauté. Ils se suivent et se connaissent au moins par la toile », confie Sami Chlagou.

 

Une première levée de fonds de 8 millions de dollars 

Cross The Ages : jeu video mondial piloté depuis Marseille ! 4La phase initiale de lancement s’achève avec une première levée de fonds de 8 millions de dollars auprès d’investisseurs internationaux, sans prise de participation dans le capital de la société qui produit Cross The Ages. Des investisseurs qui valident la vision disruptive de Sami Chlagou. Ce dernier rompt en effet avec les codes marketing du secteur en éditant d’abord un livre numérique, chapitre par chapitre, en cinq langues (japonais, mandarin, anglais, espagnol et français). « Le roman permet de planter le décor, l’identité culturelle. Ainsi, les joueurs se familiarisent avec ce nouvel univers et une histoire complexe. Puis se l’approprient. Cette saga sur dix ans comprendra sept tomes ».

L’écriture a été confiée à des équipes pointues comprenant des écrivains, mais aussi des scénaristes, des spécialistes des dialogues et des scientifiques comme Arnaud Dollen (lire bonus). Le choix de commencer par une publication numérique et non un livre papier (comme Harry Potter ou Le Seigneur des Anneaux) est stratégique. Il s’agit de permettre aux lecteurs de réagir, de proposer des scénarii différents pour faire évoluer l’histoire ou la personnalité des héros.

 

44 chapitres susceptibles d’évoluer avec les lecteurs

« Il y a 44 chapitres dans le premier tome. Nous en publions un par semaine, explique Sami Chlagou. Mais la version papier qui sortira cet été sera peut-être très différente. On peut même imaginer que chaque culture modifie un pan de l’édifice. Le livre papier sera ainsi le fruit d’une co-construction avec des lecteurs du monde entier ».

Le plan marketing comprend aussi la publication sur un compte Instagram des futures cartes à collectionner. Mais dans une version ne révélant qu’un aperçu de l’œuvre originale qui sera, elle, animée et profitera des dernières technologies de la réalité virtuelle. Marketing toujours, la bande-annonce de Cross The Ages fait déjà un tabac sur les réseaux sociaux. La musique est signée Gyom Amphoux. Le français déjà nominé cinq fois aux Awards vient de rejoindre cette équipe de 124 personnes, étoffant un peu plus un casting artistique impressionnant. Pour certains observateurs, ce projet pourrait permettre à Cross the Ages d’intégrer le cercle restreint des licornes françaises ! ♦

YouTube player

Bonus

[pour les abonnés] – Interview Arnaud Dollen « chief writer »


Quel est ton parcours ?

Cross The Ages : jeu video mondial piloté depuis Marseille ! 5Je suis scientifique de formation, diplômé de l’ENSICA, une école d’ingénieur de Toulouse spécialisée dans l’aéronautique et l’espace. D’ailleurs, je travaille en tant que chef de projet dans une PME toulousaine qui a, par exemple, contribué à l’aventure du « Perseverance rover » qui a récemment atterri sur Mars (la planète, pas le Vieux-Port). L’écriture est une passion qui a démarré lorsque j’avais 12-13 ans et que je pratique sur mon temps libre le soir, les WE, les vacances…

Ma rencontre au sein de l’ENSICA avec Jérôme Alquie, le dessinateur de la récente BD d’Albator, a été déterminante. La passion d’écrire est devenue une envie de partager mes histoires. Nous avons publié tous les deux la série BD “Surnaturels” chez Delcourt, et depuis j’ai écrit plusieurs manuscrits, tous imprégnés de ma culture scientifique. CTA est toutefois de loin mon projet le plus ambitieux, et le premier à trouver preneur.

 

Comment on imagine et conçoit un univers de a à z ? Il y a quand même des références à des histoires, des films déjà parus… Ce mélange, c’est pour renvoyer au lecteur des images ? Pour qu’il ne soit pas totalement perdu ? Trouve des références ? 

Mon goût pour l’écriture est nourri d’une autre passion : le jeu de rôle. J’ai énormément joué pendant mon adolescence, et même par la suite. J’étais fasciné par la possibilité d’inventer des univers, des personnages, des histoires grandioses. J’ai souvent tenu le rôle de maître de jeu, l’animateur de la partie ; il me revenait donc d’inventer l’univers et de créer l’histoire que les joueurs vivaient à travers les personnages qu’ils incarnaient.

Mon imagination était nourrie par les livres que je dévorais et les films que j’allais voir au cinéma… J’étais surtout attiré par la SF et la fantasy. CTA est inspiré de toutes les histoires que j’ai imaginées, j’y ai injecté tout ce qui m’a plu, mais aussi ce qui a impliqué les joueurs dans les parties que je proposais.

Il y a donc forcément des références à la pop culture que j’ai adorée et qui m’a façonné. Certaines sont voulues et pensées comme des clins d’œil respectueux aux auteurs qui m’ont fait rêver ; d’autres sont inconscientes parce que je les ai assimilées pleinement. Ma démarche est probablement assez proche de celle de Quentin Tarantino : un hommage à la culture que des milliers d’artistes et auteurs m’ont inculquée.

 

Comment fait-on pour se projeter aujourd’hui sur une histoire qui va s’étaler sur 7 volumes et 10 ans… Tu connais déjà la fin ? 

Oui, je connais déjà la fin. J’ai même déjà écrit la trame assez détaillée des sept tomes ; tout n’est pas figé, évidemment, ce ne sont que les grandes lignes, les événements principaux, mais le squelette existe.

En fait, je ne pourrais pas faire sans. On retrouve là mon côté scientifique et organisé : j’ai besoin de savoir où je vais, sinon j’ai l’impression de me perdre, de ne pas partir dans la bonne direction.

Pour un projet aussi ambitieux, c’est à mes yeux une nécessité. Les romans sont la pierre angulaire de CTA, mais l’univers est décliné sur de nombreux supports. Il faut donc proposer un cadre cohérent dès le départ ; les fondations ne peuvent évoluer sans cesse.

C’est probablement l’aspect le plus intimidant pour l’auteur… et le plus passionnant !

 

Combien de temps l’écriture du 1er tome t’a-t-elle pris ? 

J’ai mis quatre mois pour écrire le premier jet de 570 pages. Et deux mois supplémentaires pour le relire et améliorer ma copie.

Je ne suis pas le seul auteur à la manœuvre, nous sommes 8 au total à être impliqués dans l’écriture. Des scénaristes m’aident à consolider l’intrigue, des auteurs travaillent les personnages avec moi, des correcteurs traquent les incohérences et lissent mon style. Cette équipe est une véritable force, une chance que m’a offert Sami Chlagou, la personne à l’origine de CTA. Même si l’écriture est un exercice souvent solitaire, l’aide de toutes ces personnes, aux sensibilités et aux talents très variés, a permis au roman d’être bien meilleur que tout ce que j’aurais pu écrire seul.

Et encore, ce n’est pas terminé. Le roman est actuellement en prépublication au rythme d’un chapitre par semaine sur des sites collaboratifs tels que Wattpad et Inkitt. Ceux qui le souhaitent peuvent proposer leurs idées pour enrichir l’histoire, les personnages et l’univers. Il est fort possible que la version finale qui sera éditée soit différente. CTA va encore s’enrichir grâce au public et aux passionnés. ♦