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Biltoki, la halle basque qui redynamise les centres-villes

Par Raphaëlle Duchemin, le 30 novembre 2021

Journaliste

La philosophie Biltoki : du partage, de la cuisine du marché et des lieux de dégustation en commun @ Biltoki

À quelques semaines des fêtes, gros plan sur un concept qui a pour ambition de faire revenir les commerces de bouche dans les centres-villes. Biltoki, créé il y a bientôt douze ans, réinvente le concept de halles. Les trois frères Alaman et leur cousin ont d’abord mené l’expérience chez eux, au Pays basque, avant d’exporter le concept dans d’autres régions. Et ça cartonne. Car la recette est simple : du bon, du local et du partage.

 

Avant Noël, c’est à Lille qu’ils ouvriront une nouvelle Halle. Ce sera la huitième. Xavi, Bixente, Romain et Jérôme ne s’imaginaient jamais, en 2009 quand le projet Biltoki est né, qu’ils en seraient là aujourd’hui. D’abord parce que les trois frères Alaman et leur cousin étaient éparpillés aux quatre coins du globe. Mais aussi parce qu’ils évoluaient tous dans des domaines très différents :  l’un dans le vin en Bourgogne, l’autre à Miami dans l’hôtellerie, les deux derniers à Barcelone et en Argentine. Mais voilà qu’ils se retrouvent à Anglet, chez eux, investis dans un projet immobilier commun.

Biltoki : la halle basque veut redynamiser les centres-villes 2
Le fronton de la nouvelle halle de Toulon @RD

Au rez-de-chaussée des lieux, 1000 mètres carrés à faire vivre : c’est là que commence à se dessiner l’idée d’une halle commerçante. Comme cette petite ville du Pays Basque n’a pas vraiment de centre, ils décident de recréer l’agora d’antan, avec l’esprit place de village. Romain avoue : « On voulait changer le monde, recréer du lien »…

Pour cela, ils ont l’idée de demander à chaque habitant de l’immeuble d’être partie prenante dans le projet et de devenir actionnaire. Ils embarquent aussi la famille et les amis et démarchent un à un les meilleurs artisans du coin. Au fur et à mesure que la coquille se remplit, le quatuor de fondateurs commence à se dire que c’est tout de même dommage de ne pas observer, eux aussi, le lieu prendre vie : ils décident alors de garder la gestion du café.

 

Anglet l’acte I d’un projet XXL

Très vite, le succès est au rendez-vous. Dans la région, les sollicitations se multiplient : soit pour réhabiliter un lieu tombé en désuétude, soit pour en créer un nouveau. Deux dans les Landes arrivent très vite, puis une ouverture à Bordeaux dans le quartier de Bacalan. À chaque fois, le site garde la philosophie Biltoki – celle du partage, de la cuisine du marché et des lieux de dégustation en commun. Mais chaque halle est unique, car l’idée est bien de se fondre dans la culture du coin.

C’est comme ça que l’équipe et son concept s’imposent dans le paysage malgré des coups durs. « Pendant les cinq premières années, on a failli mourir deux fois, explique Bixente. Si nous n’avions pas été tous les quatre, on ne serait plus là. Il a fallu faire face à des délais sur les chantiers, des retards de construction… Pour de jeunes boîtes, ces problèmes de trésorerie sont difficiles à gérer. Et les banques nous disaient : on ne va pas faire le pont à chaque fois. »

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Les halles Biltoki en France : 60 personnes à temps plein @RD

Les coups durs ont encore plus soudé les fondateurs qui aujourd’hui sont tous à 100% dans l’aventure. C’est nécessaire car ce sont désormais 60 personnes à temps plein qui travaillent pour la société. D’ici fin 2022 le nombre de salariés devrait encore doubler. Le chiffre d’affaires lui aussi grimpe en flèche… Bixente table sur 50 millions d’ici la fin de l’an prochain.  « Ce qui est formidable, c’est qu’on a tous les quatre le même cap et la même vision du projet. On est une solution, considère-t-il, parce qu’on n’a pas envie que toutes les villes se ressemblent avec les mêmes enseignes ».

 

 

Toulon et les futurs projets

Et le concept séduit : comme à Toulon, où les halles Vincent Raspail – du nom de l’architecte qui les a construites en 1929 – ont été inaugurées il y a deux mois. Depuis septembre, 25 artisans ont investi le bâtiment art déco, à deux pas du célèbre cours Lafayette chanté par Bécaud. Ici, le lieu a vu passer des tonnes de projets – y compris un hôtel – pour revenir finalement à ses premières amours : la gastronomie.  Fermé depuis 2002, il voit désormais passer des curieux, des amoureux du bon, des habitués qui viennent déjeuner, faire leurs courses ou flâner.

D’autres projets sont également sortis de terre, comme à Saint-Étienne. Une dizaine sont également engagés ailleurs. Le carnet de commandes de Biltoki est plein et les propositions affluent, y compris de l’étranger. Italie, Espagne, États-Unis… « Notre société a besoin de ça, assure Bixente. Nous, quand on voit les gens sourire, acheter de bons produits et boire des canons on est heureux. On veut des lieux qui nous ressemblent et qui nous rassemblent parce qu’on ne pilote pas nos projets avec des tableaux Excel : c’est l’humain qui prime. » ♦

 

Bonus

L’histoire des halles de Toulon. Inaugurées en 1929, les halles ont connu leur âge d’or dans les années 1930. En 1956, elles prennent le nom d’Esther Poggio. Née le 18 janvier 1912 à Toulon, Esther Poggio est l’aînée d’une famille de cinq enfants et aidait ses parents, revendeurs de fruits et légumes aux Halles de Toulon et exploitants agricoles au Pont-de-Suve.

Cette jeune femme audacieuse, courageuse et déterminée, aurait caché des armes dans la cave de son stand familial des halles de Toulon, lors de la Seconde Guerre mondiale, pour les Francs-tireurs et partisans (FTP). Avec sa soeur Mireille, elle quitte peu après Toulon pour rejoindre ses parents à Menton. Elle y intégre un réseau de renseignement sous le pseudonyme « La Marquise ». Et sert alors de boîte aux lettres et d’agent de liaison entre les réseaux de l’Isère et Menton. Mais elle est arrêtée par la police allemande, dans les locaux du Conseil National, en venant relever le courrier. Elle est fusillée à Nice le 15 août 1944, jour du Débarquement de Provence des Forces Alliées. Elle avait 32 ans.