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[vélo #3] À Lyon, le modèle vertueux des Free Vélo’v

Par Nathania Cahen, le 10 août 2022

Journaliste

Avec les Free Vélo'v, une vingtaine de postes seront bientôt à pourvoir pour des personnes en insertion, techniciens et mécaniciens vélo notamment @ Marcelle

Série d’été // Mobilité douce, solidarité, insertion, emploi, recyclage, hygiène de vie : Free Vélo’v coche toutes les cases. La Métropole de Lyon en a pris l’engagement : dans les 5 ans, 10 000 vélos reconditionnés seront confiés gratuitement à des étudiants boursiers ou de jeunes adultes en parcours d’insertion. Ce dispositif, inédit en France, a démarré en novembre 2021 et une centaine d’engins ont déjà été attribués. Reportage au QG, à Villeurbanne.

[article publié initialement le 14/12/2021]

 

L’atelier est animé. Et coloré. Ici et là des bicyclettes vertes. Mais aussi des structures et cadres de vélo rouges : ceux de l’opérateur danois de vélos en libre-service Donkey Republic. Présents dans une soixantaine de grandes villes d’Europe, ils sont réformés au bout de quatre ans, quel que soit leur état. Rachetés 150 euros pièce, ceux-là ne finiront pas dans une décharge ou enfouis, mais seront remis en état dans des ateliers d’insertion comme celui-ci. Pour un coût inférieur d’environ 25% à un Vélo’v neuf. Un refit rendu possible par ce modèle Donkey Republic, confortable et robuste, fabriqué en Lituanie par un spécialiste, avec des composants très fiables, notamment des freins et dérailleurs japonais Shimano.

 

La formation de personnes en insertion 

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Mohammed, Alexandro et Jean-Baptiste Dufour, encadrant technique @ Marcelle

« Quand les vélos arrivent ici, on les déshabille et on les démonte, explique Jean-Baptiste Dufour, encadrant technique. Ils sont ensuite repeints en vert (ailleurs) et les pièces défectueuses sont remplacées ». Disséminées dans le garage, près d’une dizaine de personnes en insertion s’impliquent dans différentes opérations, testant ici un frein, changeant là un rayon abîmé. « J’enlève les autocollants et je ponce, commente Mohammed, 22 ans. Avant, je faisais un stage dans le nettoyage, j’aimais moins ». Alexandro, 18 ans, trouve aussi que s’occuper de vélos est un métier sympa. « C’est une formation, glisse Jean-Baptiste Dufour. Mais ils pourront ensuite trouver du travail chez Vélogik. Ou bien dans une de ces boutiques de réparation qui ouvrent un peu partout ». Une vingtaine de postes seront bientôt ouverts à des personnes en insertion, techniciens et mécaniciens vélo notamment.

Cet atelier a été créé début 2021. Dédié à la mécanique des cycles, il est issu d’un rapprochement entre le groupe Estime, un acteur de l’insertion sociale et professionnelle, et Vélogik, le leader de la maintenance de vélos dans la région lyonnaise (en charge, notamment, du parc de La Poste).

 

 

Un budget de 4,8 millions d’euros

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Thomas Feral, responsable filiale Vélogik Rhône Méditerranée et Christelle Famy, chef de projet à la Métropole de Lyon @ Marcelle

« Ce montage de sensibilité verte favorise l’économie circulaire, implique tout l’écosystème local du vélo et propose de nouveaux usages », pointe Amélie Miet, directrice commerciale chez Vélogik. Autour se déploie en effet toute l’impressionnante filière lyonnaise du vélo (bonus). Notamment le cluster MAD – Mobilité Active et Durable (bonus) et La Maison du Vélo de Lyon. On y trouve aussi la jeune entreprise Second Cycle (en charge du sourcing des futurs Free Vélo’v), d’autres chantiers d’insertion comme Unis Bike, des ateliers de recyclage comme AJD Cycles. Il faut dire qu’à Lyon, le coup de pédale est en vogue : selon l’application Strava, les déplacements à vélo y ont augmenté de 39% entre 2019 et 2021 (bonus).

« C’est du jamais vu, seule une réelle volonté pouvait déboucher sur un tel projet », pointe Christelle Famy, chef de projet à la Métropole de Lyon, arrivée à l’atelier juchée sur son propre vélo. Elle rappelle qu’il s’agit d’un engagement de campagne qui se chiffre à 4,8 millions d’euros, dont 1,8 million apporté par l’Adème. Et de la part de Bruno Bernard, Président (EELV) de la Métropole de Lyon, la volonté d’une double démarche : « Permettre à chacun, quel que soit son niveau de revenus, de pouvoir se déplacer sur le territoire de la métropole. Et tendre la main à des personnes éloignées de l’emploi depuis trop longtemps, qui vont pouvoir se réinsérer au sein de la communauté des gens qui travaillent ».

 

 

Océane, étudiante : « Gratuit, c’est mieux ! »

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Océane, 23 ans, étudiante, vient chercher son Free Vélo’v @ Marcelle

Depuis le mois de novembre et l’arrivée d’une première flotte de vélos, quelque 950 personnes se sont connectées. D’ores et déjà, 172 réservations ont été effectuées, majoritairement par des étudiants boursiers. Océane, 23 ans, étudiante en master de traduction vient justement chercher le sien. « C’est mon coloc’ qui m’en a parlé. Je prenais des Vélo’v jusqu’à présent, mais gratuit, c’est mieux ! J’ai signé pour une période d’essai de 3 mois ». Sa résidence étudiante dispose d’un local où elle pourra le garer. Pour ceux qui n’en ont pas, il faut savoir que le Free Vélo’v est bicycodé (un code est gravé sur son cadre), que les roues et la selle ont un dispositif antivol, à quoi s’ajoute le U de rigueur !

 

Un contrat de location nominatif

Mais le risque n’est-il pas de retrouver les vélos verts au fond du Rhône ? « La dimension n’est pas la même que les vélos en libre accès, nous explique Thomas Feral, responsable de la filiale Vélogik Rhône Méditerranée. Les vélos sont sous la responsabilité des emprunteurs, avec un contrat de location nominatif. Les dégradations devraient donc être moindres. »

La Métropole aimerait avancer plus vite, mais le marché mondial du vélo connaît des difficultés d’approvisionnement. 350 vélos seront donc mis en circulation avant fin 2021. Puis 1200 avant l’été, le double pour la fin 2022. Jusqu’à présent, la campagne de com’ et le bouche-à-oreille ont été privilégiés. « Mais nous allons passer en phase deux dès janvier, annonce Thomas Feral. Et aller à la rencontre des jeunes. Sur les campus, et là où l’on pourra croiser des salariés en insertion. Pour leur expliquer le principe et comment s’abonner ». ♦

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350 vélos en circulation avant fin 2021. 2400 un n plus tard @ Marcelle

Nos soutiens 9parraine la rubrique « Environnement » et vous offre la lecture de cet article *

Bonus

[pour les abonnés] – Les chiffres du vélo à Lyon collectés par l’appli Strava – Le cluster MAD – Les Voies Lyonnaises –

  • À Lyon en vélo… les chiffres de l’appli Strava. Selon une étude menée par l’application d’enregistrement d’activités sportives Strava, le nombre de déplacements en vélo a augmenté de 39% à Lyon entre 2019 et 2021. Et la pratique du vélo permet d’y économiser en moyenne 43% d’émissions de CO2. À noter que la piste cyclable accolée aux berges du Rhône est la plus fréquentée (+ 27% sur la période étudiée). L’application, qui recense 93 millions d’utilisateurs dans le monde, pointe aussi que les cyclistes lyonnais passent en moyenne 38 minutes par jour sur leur deux-roues dans les rues de la ville. C’est légèrement en dessous des 40 minutes comptabilisées à Paris, et même 44 minutes dans les Bouches-du-Rhône. Mais au-dessus des 34 minutes de Bordeaux.

 

  • Le cluster MAD – Mobilité Active et Durable. L’idée d’un regroupement d’entreprises de la filière vélo pour la région Auvergne-Rhône-Alpes a germé dès 2017 dans la tête de deux entrepreneurs du vélo, Anne Sophie Caistiker (Doctibike) et Renaud Colin (AddBike). Et s’est concrétisée en juin 2020. Le cluster MAD rassemble aujourd’hui plus de 70 acteurs régionaux de la filière des mobilités actives. Ceux-ci unissent leurs forces pour proposer de nouvelles solutions de mobilité à fort impact économique, social et environnemental. Adhérents, missions, actions… tout est sur le site.

 

  • Les Voies Lyonnaises. Ce réseau de voies cyclables larges et sécurisées va mailler le territoire d’ici 2026. Objectif : encourager les déplacements à vélo dans la Métropole en levant le premier frein à cette pratique, celui de la sécurité. Les 12 lignes (à l’horizon 2026) vont fonctionner comme un réseau de transport en commun. Elles relieront les communes de la périphérie au cœur de l’agglomération, mais aussi les villes de la première couronne entre elles. Pour garer les vélos, l’agglo installe chaque année quelque 1 000 arceaux de stationnement sur son territoire.