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Des filets pour empêcher les déchets de gagner la mer

Par Agathe Perrier, le 5 janvier 2022

Journaliste

Installation du dispositif D-rain dans le Vieux-Port de Marseille © Guillaume Ruoppolo, Wallis

La start-up Green City Organisation a installé un filet de récupération des déchets en sortie d’un réseau d’eau pluviale du Vieux-Port de Marseille. Une « première mondiale » qui marque le début d’une expérimentation de 18 mois. S’il donne satisfaction, le système pourrait ensuite se déployer sur tous les exutoires de la ville.

 

Piéger les déchets avant qu’ils ne se déversent dans la mer apparaît comme une mesure logique pour protéger la planète. Bonne nouvelle : cela fait l’objet d’une expérimentation à Marseille depuis décembre dernier. La start-up Green City Organisation a en effet installé un filet sur une bouche de canalisation d’eaux de pluie du Vieux-Port. Simple en apparence, il est en fait connecté et innovant.

« Un capteur intelligent détecte lorsque le filet est plein. Il se décroche alors automatiquement de sorte à laisser l’eau s’échapper pour éviter de boucher l’évacuation, tout en continuant d’emprisonner les déchets », expose Isabelle Gerente, présidente et fondatrice de cette jeune pousse créée en 2017.

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Le dispositif D-rain lors de son installation dans le Vieux-Port de Marseille, sur un exutoire de 4 mètres par 3 © DR

Intelligent et connecté

Le système de Green City Organisation, baptisé D-rain, se compose non pas d’un mais de deux filets liés. Une petite maille en intérieur, pour emprisonner les déchets jusqu’à 5 mm, de l’ordre d’un mégot de cigarette. L’autre, plus large, solidifie l’ensemble. Des filets 100% Français sans pour autant être issus de matières recyclées, du moins pour l’instant. « Ils pourraient l’être », avance Isabelle Gerente.

Le dispositif se démarque surtout grâce à sa connectivité, qui permet notamment de connaître le taux de remplissage du filet. « On nous fait souvent la remarque que des filets posés sur des exutoires, ça existe déjà. C’est vrai, mais notre solution est la seule de type filet connecté et monitoré en temps réel. Elle fait aussi remonter des informations sur les caractéristiques phytochimiques de l’eau : température, acidité, turbidité… ». La start-up s’est fixé comme objectif de récupérer 11 tonnes de déchets par an dans les cinq prochaines années. « L’équivalent de ce que rejette la France en Méditerranée », glisse sa présidente.

 

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Le filet du dispositif D-rain © Guillaume Ruoppolo, Wallis

Test grandeur XXL

L’installation de D-rain dans le Vieux-Port intervient après deux ans de R&D, tests, simulations et prototypages. Cet exutoire, avec ses dimensions de quatre mètres par trois, est « l’un des plus grands de France », d’après Green City Organisation. « C’est notre vitrine commerciale, la pièce qui manquait jusqu’alors pour le développement de notre start-up », se réjouit Isabelle Gerente. Il va servir à la fois de test et de démonstrateur pour les 18 prochains mois. « Ça va nous permettre de caractériser les déchets charriés par les eaux pluviales et ainsi de savoir ce que rejette la ville. Dans quelles quantités également. On ne sait pas actuellement en combien de temps le filet se remplit. L’expérimentation nous le dira », précise Thierry Dubourdieu, directeur technique de Green City Organisation.

Le filet a une capacité de 10 mètres cubes. La start-up estime qu’il faudrait le vider dix fois par an. Le Seramm, le service d’assainissement de la Métropole Aix-Marseille-Provence, en sera chargé et assurera également leur tri. Des tâches que peut d’ailleurs assumer Green City Organisation. « C’est au bon vouloir des villes et des territoires », indique la présidente.

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Un capteur intelligent détecte lorsque le filet est plein. Il se décroche alors automatiquement. Ne reste plus qu’à le vider © DR

Cap sur l’international

« Si l’expérimentation s’avère concluante », la Métropole pourrait « envisager » d’étendre le système D-rain à d’autres exutoires de Marseille, a fait savoir Didier Réault, vice-président de la l’institution délégué à la mer et au littoral. La ville en compte 200, dont 180 sous-marins. « On a déjà quatre ou cinq filets sur les exutoires du littoral sud, mais ils ne sont pas connectés. On mesure la portée de l’innovation de Green City Organisation », souligne l’élu. En attendant les résultats de ce test grandeur nature à Marseille, la start-up discute avec d’autres villes pour installer son système, notamment au Maroc et en Tunisie. ♦

 

Bonus

  • Les financements du projet – Green City Organisation compte deux partenaires financiers. Il s’agit de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse et de Total Énergie. Ils lui ont respectivement octroyé 50 000 euros et 20 000 euros.
  • D-rain déjà plusieurs fois primé – Lors du concours My Med 2020, lancé par le club d’entrepreneurs marseillais Top 20, dans la catégorie « Comment limiter et faire des déchets plastiques une ressource pour les territoires ? ». Plus récemment, il a lauréat du concours EDF Pulse 2021 et du Monaco Smart &Sustainable Marina award 2021.
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    Capture d’écran de la page Facebook de la Ville de Kwinana.

    Des filets pour attraper les déchets, un buzz australien – En août 2018, sur sa page Facebook, la municipalité de Kwinana (Australie) a informé ses habitants de l’installation, à titre d’essai, de filets pour réduire le rejet de déchets des systèmes de drainage dans sa réserve naturelle. Un post commenté plus de 6 000 fois, « liké » 87 000 fois et partagé 178 000 fois. Un véritable buzz puisque le compte de la Ville ne compte que 32 000 abonnés aujourd’hui, et donc forcément encore moins à l’époque. Ce système fait partie des solutions similaires à celle de Green City Organisation, l’aspect innovation et connectivité en moins.