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Anne Roumanoff : les soignants lui disent merci

Par Olivier Martocq, le 6 janvier 2022

Journaliste

En un an, Solidarité avec les Soignants a équipé 2 200 salles de repos @DR

Pour la cinquième fois en deux ans les soignants sont sous pression. Alors que la vague Omicron déferle, les Français découvrent, toujours avec une certaine stupeur, le manque de moyens humains et matériels des hôpitaux. La lassitude de certains soignants, l’abnégation de la plupart et ces milliers de belles histoires (et moins belles mais, celles-là, on les laisse aux chaînes d’info continue) rythmant une pandémie qui n’en finit plus. « Solidarité avec les Soignants » est l’une de ces initiatives positives qui apportent des solutions concrètes. À la manœuvre une personnalité des médias et du théâtre : l’humoriste Anne Roumanoff.

 

Comme beaucoup d’entre nous, je connais Anne Roumanoff par ses sketchs. Je lis aussi sa chronique dans le JDD chaque dimanche. Me retrouver à table avec elle lors d’un dîner organisé à Marseille par la Fondation de France n’était pas en soi un évènement majeur dans ma vie de journaliste. Ce fut pourtant un moment marquant. J’ai découvert à cette occasion une femme engagée qui, pour autant, ne cherchait pas à mettre en avant ses actions.

 

Au commencement : des blouses et des masques !

Anne Roumanoff : les soignants lui disent merci 2Mars 2020. Première vague. Virus inconnu et inquiétant. Les soignants sont en première ligne. Anne Roumanoff qui anime alors une émission sur Europe1 – elle a quitté la station de radio depuis – lance alors un appel, relayé sur Facebook, pour savoir ce dont ils pourraient avoir besoin. Les réponses affluent de toute la France.

Médecins, infirmiers, personnels soignants font part de leur désarroi. Ils manquent du minimum de protection vitale, à savoir des masques et des surblouses. « Les gens ont été formidables, se souvient l’humoriste. Via Facebook, des coiffeurs proposaient des gants, des esthéticiennes des masques ». Le 23 mars 2020, elle crée Solidarité avec les Soignants. Reste à trouver des financements.

 

Équiper les salles de repos des soignants

L’entrepreneur Jean-Pierre Bansard organise d’abord des levées de fonds. Puis l’association organise une vente aux enchères sur le site Drouot Digital pour laquelle de nombreux artistes offrent des lots. Les recettes vont permettre l’envoi de 1 500 colis d’équipements de protection à 250 établissements qui en manquaient cruellement.

Anne Roumanoff : les soignants lui disent merci 3En prise directe avec les soignants via la toile, Anne Roumanoff découvre ainsi que les besoins sont beaucoup plus larges. Ils ne comptent plus leurs heures. Passent leur vie à l’hôpital. Or les salles de repos ne sont pas opérationnelles dans la plupart des cas. Dans tel établissement, ils se servent de vieux fauteuils trouvés dans la rue pour confectionner des banquettes et pouvoir dormir sur place. Dans tel autre, il n’y a pas de table pour se poser et prendre un repas, alors que la cantine est fermée. Ailleurs, il n’y a pas de machine à café à proximité des services de réanimation. Pas de four à micro-ondes pour pouvoir réchauffer les plats.

Débordée par les demandes, l’artiste fait jouer son carnet d’adresses. En quelques semaines, elle réussit à mobiliser autour d’elle une cinquantaine de bénévoles, des fondations (Engie, Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, Boulanger, le Fonds de Solidarité des Consommateurs et Citoyens…). Aujourd’hui, l’association compte deux salariés, deux services civiques et quelques bénévoles. Elle a acquis un vrai savoir-faire dans un domaine qui ne relève pas des priorités financières des administrateurs des hôpitaux : le bien-être au travail de soignants qui se succèdent H24 au chevet des malades. Stéphanie Rosa, une décoratrice professionnelle bénévole, parvient à faire des miracles avec des petits rien, jouant sur les couleurs, des posters en impression numérique, du matériel simple mais design.

 

 

Plus rapide et moins cher 

« Il ne s’agit pas d’une mauvaise volonté de la part des administrateurs des hôpitaux. Ce qui est frappant, c’est la complexité et la lourdeur du système administratif français », analyse Anne Roumanoff. « Les hôpitaux lancent des appels d’offres, qui transitent par des centrales d’achats. Non seulement ça prend un temps fou mais, en plus, les prix s’envolent car les prestataires doivent répondre à un cahier des charges compliqué ». Grâce aux partenariats que l’association passe avec des marques, la qualité et le prix sont au rendez-vous. Équiper une salle de repos lui revient entre 500 et 1000 euros et prend moins de deux mois. Là où la procédure administrative classique suppose au minimum six mois et des coûts plus élevés.

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Avec Drouot, des ventes aux enchères fructueuses

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Bouilloire, frigo, canapé, ou salle de repos clé en main @DR

En un an, Solidarité avec les Soignants est ainsi parvenu à améliorer l’équipement de 2 200 salles de repos. Signe de reconnaissance, de grandes fondations sont partenaires et les financements publics commencent à arriver. La Région Île-de-France a ainsi alloué une subvention de 500 000 euros en 2021. « Les besoins étaient considérables, cela a permis d’équiper 980 salles de 84 établissements », explique Anne Roumanoff qui n’avait pas sollicité les politiques.

La Région Sud s’apprête à en voter une. « Nous faisons des demandes liées aux requêtes que nous recevons. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, nous en avons 30 dans sept établissements, que nous avons chiffrées à 11663,46 euros », explicite Anne Roumanoff. Pas question d’attendre le vote de la subvention pour agir. Solidarité avec les soignants dispose de capacités de financement propres, abondées notamment par plusieurs ventes aux enchères organisées sur Drouot Digital. « La grande maison de ventes aux enchères nous accompagne depuis le début. On a beaucoup de chance de travailler avec eux. C’est du bénévolat de la part du commissaire-priseur de Drouot, qui ne prend aucune commission ».

 

Rester agile !

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Anne Roumanoff @DR

Solidarité avec les Soignants débute 2022 avec des dons financiers, des dons en nature, des financements publics. Reconnue d’utilité publique, l’association est devenue une grosse machine qui, à son tour, a dû mettre en place des procédures financières et comptables. Les demandes en provenance des soignants donnent lieu à des vérifications. L’association a un catalogue numérique de 35 pages qui propose une sélection d’équipements aux meilleurs prix. Chaque projet est chiffré. Il tient compte du ratio entre le nombre de soignants qui vont utiliser la salle et son coût. Il y a enfin un suivi des commandes avec accusé de réception de la direction de l’hôpital, qui vérifie que le matériel a bien été disposé en lieu et place. « Nous sommes en train de devenir nous aussi une administration », s’amuse Anne Roumanoff toujours aussi motivée. Mais show must go on : avec son nouveau spectacle «Tout va presque bien », elle va sillonner la France. ♦