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La Grande Bobine : un Institut territorial des transformations publiques à Nîmes

Par Agathe Beaudouin, le 7 janvier 2022

Journaliste

Une équipe 100% féminine pour l'Institut territorial des transformations publiques @DR

Maud était médiatrice culturelle en reconversion dans le maraîchage, Marion est vidéaste, Loriane, chef de projets auprès de collectivités. Et puis il y a les designeuses sociales Sophie et Emma ou bien encore Laura, juriste de formation, Anicée, Violette… Ensemble, ces dynamiques Nîmoises ont créé la Grande Bobine, un objet difficilement identifiable mais qui s’assigne une mission extrêmement claire : remettre l’humain au cœur des politiques publiques.

 

À elles seules, elles concentrent, en plus d’une bonne humeur contagieuse, une sacrée dose de compétences. Qualités qu’elles mettent au service de leurs clients, des collectivités locales, des établissements de santé, des missions locales… Trait d’union entre les citoyens et les institutions et autres porteurs de projets, La Grande Bobine casse les codes, décloisonne les étages, modifie les habitudes, entremêle les individus dans une seule et même optique : remettre de l’humain au cœur des décisions. Dans un vocable plus officiel, c’est bien un Institut territorial des transformations publiques qui se cache derrière la Grande Bobine. Une sorte de boîte à outils qui veut accompagner les structures du service public, mais pas seulement…

 

Reconnecter les politiques à la réalité

La Grande Bobine carbure pour l'innovation sociale 2
Des ateliers de co formation sont régulièrement organisés @DR

Ici, place aux rencontres et aux expérimentations, à la concertation et aux collaborations. Loriane aime le dire : « Nous sommes le regard extérieur de tous ces conseillers qui ont le nez dans le guidon et qui doivent mettre sur pied des programmes. Nous, on ouvre des portes, on leur permet d’utiliser des outils adaptés, on rencontre ceux qui bénéficieront des décisions… » Une sorte de fil conducteur qui reconnecte les politiques à la réalité.

Leur terrain de jeu est très large : « Cela peut aller d’outils graphiques à imaginer, des ateliers, des documentaires, pour mener un projet entre les bénéficiaires du RSA et les professionnels autour de la concertation et de l’engagement citoyen. À tout cela, il y a un point commun : l’usager est notre point de départ. » Dans le bureau collectif, la parole fuse. « On est aussi là pour dire la vérité, notamment aux décideurs, même si ce n’est politiquement pas correct. » Maud poursuit : « On fait un travail de terrain et de repérage ».

 

Partage et accessibilité à tous

Leurs thèmes de prédilection ? L’aménagement territorial, la santé, l’éducation ou encore la culture, des sujets toujours abordés sous l’angle du partage et de l’accessibilité à tous.

Après avoir réalisé des partenariats, pêle-mêle, avec la Mission Locale d’Alès, le Département du Gard, ou encore le ministère de la Justice dans le cadre des Rencontres Scène Jeunesse 2021, La Grande Bobine va se pencher cette année sur le projet d’un éco tiers-lieu à faire éclore dans le nord du Gard, sur le site d’une ancienne maison de maître à l’abandon. Ailleurs, à Lunel, près de Montpellier, elle est missionnée par l’agence agence parisienne de paysagistes, d’urbanisme et d’architecture Ter. Il s’agit cette fois de réaliser une étude de concertation avec les habitants, prenant en compte leur vision et leur parole, dans le cadre du renouvellement urbain du centre-ville. Entre autres.

 

 

Partage du travail

Sur les murs blancs du bureau partagé, des plannings et feuilles de projets se succèdent. Pour chaque prénom, une ligne rejoint la ligne d’un autre prénom… Un schéma très révélateur de la complémentarité de ce groupe singulier. Cette SCOP (Société coopérative et participative), qui ne possède ni site internet (c’est pour bientôt) ni carte de visite. Mais depuis sa création il y a un an, elle multiplie pourtant les projets et assure avoir un carnet de commandes « bien rempli » pour les prochains mois.

Pour les collaboratrices, qui, plus d’une fois ont douté avant de se lancer, le regroupement professionnel décidé au début de l’année est donc un bon choix. « Une évidence même, s’enthousiasme Loriane. Auparavant, il nous arrivait de travailler ponctuellement ensemble, mais j’en avais marre de voir des copines galérer financièrement. Leur précarité liée à l’indépendance, au statut de microentreprise devenait difficilement supportable. J’avais envie de créer une vie douce pour celles qui sont aussi mes amies », explique la Gardoise à l’origine de cette initiative. « Notre première raison d’exister, c’est le partage du travail. »

 

 

Un terrain d’expérimentation

Le choix s’est naturellement porté sur la Scop. Avec deux priorités : « Avoir droit au chômage en cas de coup dur, comme le Covid, et être dans une démarche la plus horizontale possible, qui affiche clairement nos objectifs, à l’inverse de la hiérarchie. » Ce statut leur permet aussi d’obtenir des avantages non négligeables : mutuelle, chèques vacances, prévoyance, cotisations, formations… « On voulait gagner en qualité de vie », confie Marion. Pour ces trentenaires, une évidence : « Travail passion – travail prison, très peu pour nous ! », affirment celles qui partagent un état d’esprit assez clair sur le travail : « Gagner assez pour vivre.»

Néanmoins, toutes en conviennent : l’entreprise est un sujet de réflexion complexe, qu’elles évoquent lors de leur réunion bimensuelle. « Nous sommes toutes très investies dans l’entreprise et en perpétuel questionnement », confirme Laura, l’administratrice. Elles ont choisi d’établir le même taux horaire pour chacune, facilitent le télétravail, et optent pour des congés plus nombreux. Tout comme elles participent régulièrement à des ateliers de co-formation, où l’une d’entre elles initie les autres à ses connaissances, pratiques et valeurs fondamentales. Marion résume : « Notre boîte est un terrain d’expérimentation à tous les niveaux. »

 

Changer le monde

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Au printemps 2021, La Grande Bobine a reçu le prix du public au concours Alès Audace @DR

Et puis cette nouvelle Scop porte des valeurs. Les filles ont écrit les premières ébauches de leur aventure « avec notre cœur et nos croyances », reprend Loriane. La Grande Bobine est une structure « engagée », profondément « anti raciste », très fortement féministe, inclusive, citoyenne. Des engagements que la structure défend dans ses projets.

Marion vient ainsi de réaliser un documentaire mettant en scène des professionnels et des bénéficiaires du RSA. À long terme, elle aimerait aller encore plus loin et produire « des documentaires engagés ». Pour « donner à voir ceux que l’on ne voit jamais, donner la parole à ceux qu’on n’a pas l’habitude d’entendre dans l’espace public. »

L’innovation sociale, telle semble être la motivation de ce groupe qui séduit. Au printemps dernier, La Grande Bobine a reçu deux prix dont celui du public au concours Alès Audace. Une récompense qui touche particulièrement les jeunes entrepreneuses : « C’est un signal fort pour nous, car nous ne pouvons pas changer le monde sans les autres ! » ♦